au sommaire
On a de bonnes raisons de penser que les trous noirs le plus courants résultent de l'effondrementeffondrement gravitationnel d'étoiles ayant une masse comprise entre celle de Chandrasekhar et une centaine de fois celle du Soleil. Viennent ensuite, au cœur des grandes galaxies, des versions bien plus grandes, appelées trous noirs supermassifs, contenant quelques millions ou quelques milliards de masses solaires et qui sont à l'origine de l'énergieénergie prodigieuse qui fait briller les quasars. Mais leur origine reste mal comprise.
Toutefois, au milieu des années 1960, les deux grands leaders de l'astrophysiqueastrophysique et de la cosmologiecosmologie relativiste russe, Yakov Zel'dovich et Igor Novikov, ont commencé à étudier une possibilité fascinante. Des trous noirs primordiaux de masses très variées auraient pu se former au tout début de l'histoire de l'universunivers observable.
En effet, dans le cadre des modèles cosmologiques de type Big Bang, la densité « initiale » du cosmoscosmos est très grande. Or, selon les équationséquations tentant de décrire l'état de la matièreétat de la matière et du champ de gravitationgravitation près de la singularité cosmologique initiale en relativité généralerelativité générale classique, l'Univers devait être alors très turbulent, avec des fluctuations chaotiques de sa métrique et de sa densité. C'est ce qu'ont montré les travaux de Charles Misner (célèbre co-auteur d'un traité de relativité générale avec le prix Nobel de physiquephysique Kip Thorne), ainsi que de Belinsky, Khalatnikov et Lifchitz.
Quelques physiciens célèbres de l'école russe. En haut et de gauche à droite : Gershtein, Pitaevskil, Arkhipov, Dzyaloshinskil. En bas et de gauche à droite : Prozorova, Aleksei Abrikosov, Khalatnikov, Lev Landau, Evgenii Lifchitz. © AIP
Des trous noirs primordiaux de toutes les tailles ?
Dans ces conditions infernales, si une fluctuation de densité devient telle qu'une quantité suffisante de matière passe par compression sous son rayon de Schwarzschildrayon de Schwarzschild, il en résulte un minitrou noir ayant le même rayon. Il se forme ainsi des minitrous noirs de masse aussi faible que la masse de PlanckPlanck (Mp=10-5 g) mais aussi d'astresastres beaucoup plus massifs contenant par exemple 105 masses solaires. Ces objets auraient pu servir de « graines » pour amorcer la formation des trous noirs supermassifs.
Le spectrespectre de ces masses, et donc les abondances de trous noirs primordiaux reliques dans l'univers, dépende des conditions de la naissance du cosmos observable. Ce spectre reste inconnu mais des contraintes peuvent être posées, par exemple en étudiant les fluctuations du rayonnement fossile, les grandes structures formées par les amas de galaxiesamas de galaxies... et la matière noirematière noire. En effet, ces trous noirs primordiaux sont des candidats naturels pour expliquer l'existence d'au moins une partie de celle-ci puisqu'ils ne rayonnent pas (sauf pour les plus petits à cause d'effets quantiques comme l'a montré Stephen Hawking).
Les trous noirs sont des astres fascinants. La force gravitationnelle qu'ils exercent est telle que ni la lumière ni la matière ne peuvent s'en échapper. Futura-Sciences a interrogé Aurélien Barrau, astrophysicien spécialisé en cosmologie et auteur du livre Des univers multiples, pour savoir si la création de minitrous noirs sur Terre est possible. © Futura-Sciences
Les contraintes portant sur les masses et les tailles possibles de ces trous noirs primordiaux se sont accumulées au cours des années. L'hypothèse qu'ils puissent contribuer de façon significative à la composition de la matière noire est devenue moins convaincante au cours des deux dernières décennies. Pourtant, elle refait surface de temps à autre, à la lumièrelumière de nouvelles observations et de nouveaux calculs théoriques.
En voici un nouvel exemple, comme le montre un article déposé sur arXiv par une équipe de physiciensphysiciens des particules européens, José Espinosa, de l'Institution Catalane pour la Recherche et les Études Avancées (ICREA) en Espagne, et David Racco et Antonio Riotto, tous deux à l'université de Genève. Les chercheurs pensent que le fameux modèle électrofaible, qui explique les masses de certaines des particules élémentairesparticules élémentaires du modèle standardmodèle standard, pourrait présenter des caractéristiques particulières qui auraient conduit à la production de trous noirs primordiaux pendant la phase d'inflation, censée se produire au tout début de la naissance de l'univers observable, hypothèse impliquant une physique encore à découvrir et qui pourrait même être à l'origine d'un multivers.
Des condensations du champ de Higgs pendant l'inflation
Étant donné la masse mesurée du bosonboson de Brout-Englet-Higgs, le vide quantique du modèle électrofaible pourrait être instable à des énergies très élevées, vers 1012 ou 1016 TeV. Ces valeurs sont justement de l'ordre de celles régnant dans l'univers primordial quand se serait produite une phase d'inflation (qui n'aurait rien à voir avec la force électrofaible) ayant fortement dilaté l'espace.
Cette instabilité potentielle du vide quantique, le physicien Julien Baglio nous en avait déjà parlé lorsqu'il avait répondu à quelques-unes des questions que Futura lui avait posées concernant une conférence du physicien Gian Francesco Giudice.
Pour mémoire, nous reproduisons une partie de ces échanges en dessous de la vidéo de cette conférence, l'ensemble permettra de faire connaissance avec les idées de bases des trois physiciens européens.
La plus grande surprise de la découverte du boson de Higgs ? Le fait qu'il n'y ait pas eu de surprises. Gian Francesco Giudice, dans cette conférence TEDxCern, en 2013, nous guide à travers un problème de physique théorique : et si le champ de Higgs existait dans un état ultradense qui pourrait signifier l'écroulement de toute matière atomique ? Avec charme et esprit, Giudice nous expose les grandes lignes d'un destin sinistre... Et pourquoi nous ne devrions pas nous en inquiéter tout de suite. On peut sélectionner à droite des sous-titres en français. © TED
Futura : Dans sa conférence TEDx, Gian Francesco Giudice fait l'hypothèse que le modèle standard pourrait être valable jusqu'à des énergies très élevées. Bien qu'il ne le dise pas explicitement, on peut penser que c'est jusque vers 1012 ou 1016 TeV, donc bien au-delà de la dizaine de TeV accessible avec le LHCLHC. Est-ce crédible ?
Julien Baglio : Malheureusement oui, la faible masse aujourd'hui mesurée du boson de Brout-Englert-Higgs (BEH) autorise les équations du modèle standard à être valides, sans apparition de nouvelles particules, jusqu'à des énergies de l'ordre de celle de la gravitation quantiquegravitation quantique, c'est-à-dire 1016 TeV. Cela n'était pas évident avant la découverte de ce boson et on avait même de bonnes raisons de penser que ce n'était pas le cas.
Le vide quantique pourrait donc ne pas être dans son état de plus basse énergie ?
Julien Baglio : Absolument. Si l'on ne suppose pas l'intervention d'un nouvelle physique, on peut montrer maintenant que le vide quantique n'est pas instable, mais la précision des mesures des propriétés du boson de BEH et du quarkquark le plus lourd, le quark topquark top, autorise ce vide à être stable, ou au pire métastable. Dans ce dernier cas, comme l'expliquent Gian Francesco Giudice et d'autres physiciens, tels Giuseppe Degrassi, les caractéristiques de ce vide, et donc finalement plusieurs caractéristiques des particules du modèle standard qui autorisent le développement de la vie, pourraient changer mais très probablement pas avant un temps beaucoup, beaucoup plus long que l'âge de l'univers observable. La valeur de la masse du boson BEH semble être très curieusement réglée, mais peut-être pas plus que le fait que la Terre soit située à la bonne distance du Soleil pour permettre le développement de la vie.
Selon Espinosa, Racco et Riotto, si le vide du modèle électrofaible est bien instable à de très grandes valeurs du champ associé au boson Brout-Englert-Higgs, des fluctuations quantiques dans ce champ au moment de l'inflation auraient fait naître des régions de grandes densités (voir la vidéo de Gian Francesco Giudice) qui se seraient effondrées en minitrous noirs avec des masses de l'ordre de 1015 kgkg. Ces masses et les abondances de ces objets seraient précisément ce qu'il faudrait pour rendre compte de la matière noire sous certaines hypothèses tout en étant compatible avec les contraintes observationnelles.
La nature de la matière noire elle-même s'expliquerait dans le cadre de la physique du modèle standard, sans faire appel à l'existence de nouvelles particules, par exemple supersymétriques, bien que l'inflation elle-même n'y trouve probablement pas une explication.
Le boson de Higgs explique-t-il la masse de la matière noire ?
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 12/07/2012
Ce n'est pas le boson de Higgsboson de Higgs, mais bien le champ de Higgs qui explique la masse des particules élémentaires du modèle standard. Le champ de Higgs n'apporte pas de réponse concernant la masse des étoiles mais il pourrait fournir une clé pour comprendre la matière noire et, peut-être aussi, l'énergie noireénergie noire via les théories supersymétriques, comme l'explique Julien Baglio, théoricien spécialiste du boson de Higgs, à Futura-Sciences.
Dans un précédent article, on a vu que le champ de Higgs, dont l'existence est devenue presque certaine depuis la découverte du boson du Cern, serait présent dans l'espace autour de nous. Les bosons de Higgs, eux, n'existent plus depuis le Big Bang car ils se désintègrent très vite. On a expliqué aussi que dans le cadre du modèle standard, c'est bien le champ de Higgs, et non le boson de Higgs, qui explique la masse des bosons W et Z0. Avec les photonsphotons du champ électromagnétiquechamp électromagnétique, sans masse, ce sont les particules médiatrices des forces électrofaibles.
Les bosons W sont responsables des processus de radioactivitéradioactivité bêtabêta qui font briller le Soleil lorsqu'il fabrique de l'héliumhélium et du deutérium. Si ces bosons n'étaient pas massifs, les noyaux se désintégreraient très vite et ne pourraient donc pas exister. Sans le champ de Higgs, les électronsélectrons seraient sans masse et ne formeraient pas des atomesatomes. Dans le cadre du modèle standard, on peut ainsi dire que le champ de Higgs est essentiel à l'apparition de la vie sur Terre.
Peter Higgs, l'un des physiciens à l'origine du mécanisme de Brout-Englert-Higgs expliquant la masse des particules élémentaires. © Peter Tuffy-The University of Edinburgh
Mais le champ de Higgs ne justifie pas la masse du Soleil ou des atomes de l'ADNADN puisque, comme on l'a évoqué dans un récent article, les masses des protonsprotons et neutronsneutrons des atomes, presque deux mille fois plus lourdes que des électrons, ne s'expliquent pas avec le champ de Higgs.
Toutefois, on a de bonnes raisons de penser qu'il existe de la matière noire dans l'univers. Elle devrait être constituée de particules jamais encore observées. Dans un cube de plusieurs centaines de millions d'années-lumièreannées-lumière, la matière noire pèserait même plus lourd que la matière baryonique normale. On sait aussi qu'il y a une autre composante massive dans ce cube, la fameuse énergie noire qui, elle-même, domine la matière noire. Le champ de Higgs donne-t-il de la masse à la matière noire et à l'énergie noire ?
Un documentaire sur la découverte des bosons W de la théorie électrofaible, au Cern, au début des années 1980. Ces bosons sont massifs en raison de l'existence supposée du mécanisme de Brout-Englert-Higgs. Ils interviennent dans les réactions faisant briller le Soleil. © Cern, BBC Open University/YouTube
Remarquablement, il se pourrait que l'élucidation de la nature précise du champ de Higgs soit une clé importante pour comprendre la matière noire et même l'énergie noire.
Un ou cinq bosons de Higgs ? Telle est la question !
Pour cela, il faudrait que le champ de Higgs et le boson de Higgs soient un peu différents de ceux inclus dans le modèle standard. Comme l'expliquait le physicien et théoricien Julien Baglio, il y a quelque temps, à Futura-Sciences, une des extensions possibles les plus prometteuses du modèle standard fait intervenir la supersymétrie, notamment parce qu'elle permet de construire des théories unifiant les forces nucléaires fortes et les forces électrofaibles, des GUT, dans lesquelles le proton est suffisamment stable contrairement aux GUTGUT sans supersymétriesupersymétrie. Plusieurs de ces extensions supersymétriques du modèle standard existent et elles prévoient justement que le boson de Higgs se comporte un peu différemment de ce qui est prédit dans la théorie de Glashow-Salam-Weinberg.
Malheureusement, les versions supersymétriques les plus simples du modèle standard sont actuellement en grande difficulté car on s'attendait à ce qu'Atlas et CMS découvrent vite les nouvelles particules que ces théories prédisaient. Pour le moment il n'en est rien, bien que le dernier mot ne soit pas encore dit. Avec le nouveau boson dont la découverte a été annoncée le 4 juillet 2012 au CernCern, tout va peut-être changer. Futura-Sciences a demandé à Julien Baglio ce qu'il en pensait.
Julien Baglio devant le tableau noir de son bureau lors de son séjour au Cern dans la division de physique théorique. © Julien Baglio, Laurent Sacco/Futura-Sciences
Futura-Sciences : Le nouveau boson découvert par les détecteurs Atlas et CMSCMS semble se comporter d'une façon conforme aux prédictions du modèle standard. Alors pourquoi les chercheurs du Cern préfèrent-ils parler de la découverte d'une nouvelle particule plutôt que du boson de Higgs ?
Julien Baglio : Le modèle standard prédit que le boson de Higgs peut se désintégrer de différentes façons, par exemple en donnant deux photons gamma, un quark b avec son antiparticuleantiparticule ou encore deux bosons Z0bosons Z0 qui se désintégrent chacun à leur tour en deux leptonsleptons. On a effectivement observé ces canaux de désintégration associés à un boson dont la masse est dans l'intervalle encore autorisée par les expériences précédentes, comme celles du Tevatron, et où devrait se trouver un boson de Higgs standard. Le nouveau boson ressemble donc beaucoup à la particule de Peter HiggsPeter Higgs.
Sur ce schéma sont montrées les importances relatives de certains canaux de désintégration du Higgs en fonction de sa masse éventuelle. On voit ainsi qu'entre 100 GeV et 150 GeV apparaît une bosse exprimant l'importance du canal de désintégration à deux photons gamma (pointillé rouge). Au-delà de 200 GeV, le canal caractérisé par la production d'un quark b et d'un antiquark b (courbe rouge) devient complètement négligeable devant ceux avec bosons Z ou W. Bien que ces deux canaux soient fortement favorisés par rapport à celui à deux photons vers 130 GeV, le signal en gamma est moins bruité que le signal en ZZ ou WW. C'est pourquoi, si le Higgs standard existe et a bien une masse entre 115 GeV et 140 GeV, les premiers indices de son existence sont ces photons gamma. © Konrad Jende/Cern
Toutefois, il existe différents types de bosons qui se différencient par leur spinspin, une propriété des particules qui, si elles étaient véritablement des petites boules (ce qui n'est pas le cas), serait directement liée à leur rotation sur elle-même. Un boson peut avoir un spin dit nul, c'est une particule d'un champ scalaire comme le boson de Higgs ou le pion. Le photon, ou un boson Z0, a lui un spin 1, comme on l'évoque dans le jargon des physiciens, et l'hypothétique graviton a un spin 2.
Le canal de désintégration en deux photons gamma nous permet de savoir qu'il ne s'agit pas d'une particule de spin 1, ce ne peut donc pas être, par exemple, un boson Z’.
Bien que cela apparaisse peu crédible, il n'est pas encore exclu que le nouveau boson soit de spin 2. Il serait alors question d'un graviton massif comme ceux que l'on trouve dans les théories avec des dimensions spatiales supplémentaires, comme la théorie des supercordesthéorie des supercordes.
On ne devrait pas tarder à le savoir car, en étudiant plus en détail le canal de désintégration avec 4 leptons, la valeur du spin sera déterminée. Il semble cependant que l'on soit bel et bien en présence d'une particule de spin 0, précisément ce qu'on attend du boson de Higgs. Mais la prudence reste de mise.
Diagramme montrant la désintégration du boson de Higgs dans le canal avec deux bosons Z0 qui eux-mêmes se désintègrent en leptons, ici des électrons, muons et leurs antiparticules. Atlas et CMS voient tous les deux des signes de cette réaction avec un boson de Higgs ayant une masse de l'ordre de 126 GeV. © Matthew Strassler
Ne peut-on pas déjà déceler quelques signes montrant qu'il ne s'agit pas d'un Higgs standard ?
Julien Baglio : On voit dans les mesures d'Atlas un léger excès de photons gamma par rapport aux prédictions du modèle standard. Cela pourrait être une signature d'une nouvelle physique mais il est encore trop tôt pour affirmer qu'il ne s'agit pas d'une simple fluctuation statistique. De plus, avec des collègues, nous venons de montrer que cet excès peut, en partie, s'expliquer par une modélisationmodélisation plus fine des incertitudes théoriques pesant sur la prédiction de la section efficace de production du boson de Higgs standard, qui fait intervenir la chromodynamique quantiquechromodynamique quantique.
Pourrait-il s'agir d'une signature de la supersymétrie ?
Julien Baglio : Ce n'est pas évident. Ce qui est certain c'est qu'un boson de Higgs standard de masse inférieure à 135 GeVGeV est parfaitement compatible avec la supersymétrie. Il faut bien garder à l'esprit une chose : que ce soit avec le Tevatron ou le LHC, on a cherché en priorité un boson de Higgs standard ou lui ressemblant beaucoup. Dans le cas des extensions supersymétriques du modèle standard les plus simples qui ont été considérées, il existe 5 bosons de Higgs de différentes masses. Certaines ont même des valeurs en dehors de l'intervalle autorisé par les mesures faites jusqu'à présent, justement parce qu'ils ne se comportent pas du tout comme le Higgs du modèle standard.
Il pourrait d'ailleurs y avoir un boson de Higgs massif, resté invisible jusqu'à présent, non lié à des théories supersymétriques, et que nous n'avons pas vu parce qu'il ne se comporte pas, lui non plus, comme le Higgs standard. C'est une des raisons pour lesquelles on reste prudent concernant la nature du boson découvert au LHC.
Diagramme montrant la désintégration du boson de Higgs dans le canal avec deux photons gamma. Atlas et CMS voient tous les deux des signes de cette réaction avec un boson de Higgs ayant une masse de l'ordre de 126 GeV. © Matthew Strassler
Si l'on prouvait finalement l'existence des bosons de Higgs supersymétriques, cela expliquerait-il en partie la matière noire ?
Julien Baglio : Des bosons de Higgs supersymétriques ne pourraient pas expliquer la matière noire en eux-mêmes. Cependant, la supersymétrie prévoit qu'à chaque particule du modèle standard soit associée une autre particule de spin différent. Le champ de Higgs décrit des bosons de spin 0. La supersymétrie leur associe des fermions, les Higgsinos, avec leur propre champ semblable à celui des quarks ou des leptons. Ces Higgsinos peuvent se mélanger à d'autres champs correspondant aux particules supersymétriques associées, par exemple, aux bosons W (on parle de Winos). On peut montrer qu'on obtient alors un nouveau champ avec une nouvelle particule, neutre, massive et stable que l'on appelle un neutralinoneutralino.
Les neutralinos ont toutes les propriétés requises pour expliquer la matière noire. En ce sens, la découverte du boson de Higgs pourrait présager que nous nous approchons de la solution de l'énigme de la matière noire. Si le champ de Higgs contribue très peu à la masse de la matière normale de l'univers, son existence pourrait cependant être indirectement responsable de la masse de la matière dominante de l'univers observable, la matière noire.
La majeure partie de la masse contenue dans un grand volumevolume d'espace, qui comporte de nombreux amas de galaxies, se trouve sous forme d'énergie noire. Peut-il y avoir un lien avec le boson de Higgs ?
Julien Baglio : Le champ de Higgs devrait contribuer à l'énergie du vide et donc à la valeur de l'énergie noire sous forme d'une constante cosmologique. La valeur de cette énergie devrait être considérable, en contradiction avec les observations. On ne sait pas pourquoi. La supersymétrie pourrait contribuer à éclaircir ce mystère bien que, là aussi, les choses ne soient pas simples. Des cousins du champ de Higgs, c'est-à-dire des champs scalaires ou même de nouveaux champs de Higgs avec des GUT ou des théories supersymétriques, ont été proposés depuis longtemps pour expliquer l'énergie noire. La découverte du boson de Higgs nous donnerait donc des raisons de plus de s'intéresser aux théories contenant ces cousins du champ de Higgs du modèle standard.
En résumé, la découverte du boson de Higgs, et surtout du fait qu'il n'est pas exactement tel que le prévoit le modèle standard, pourrait être un premier pas en direction d'une véritable compréhension de la nature de la matière noire, de l'énergie noire et des théories de GUT. Si c'est le cas, un énorme travail reste à accomplir et, peut-être, faudra-t-il construire une nouvelle génération d'accélérateur pour les prochaines décennies.
En attendant, le travail des expérimentateurs au LHC à propos du boson de Higgs, consistera en la mesure de ses propriétés, c'est-à-dire non seulement son spin, dont on a parlé précédemment, mais aussi ses couplages aux quarks, leptons et bosons électrofaibles. Les théoriciens vont donc être sollicités pour fournir leurs prédictions à ce sujet, aussi bien dans le cadre du modèle standard que dans des théories plus exotiquesexotiques. Il nous reste du pain sur la planche et l'excitation ne faiblit pas !
Ce qu’il faut
retenir
- La nature de la matière noire, tout autant que des preuves incontestables de son existence, continue à défier les physiciens.
- On suppose qu'il s'agit de particules relevant d'une nouvelle physique, en particulier la supersymétrie, mais il pourrait s'agir aussi de trous noir primordiaux de petites tailles.
- Ces trous noirs pourraient avoir été produits lors d'une phase d'inflation à partir du champ associé au boson de Brout-Englert-Higgs du modèle standard.