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Johannes Rydberg (1854-1919) était à l'origine un mathématicien suédois converti à la physique mathématique. © AIP Emilio Segre Visual Archives, W. F. Meggers
En physique classique, la description du monde est simple. On commence par se donner trois nombres pour la position d'une particule et trois autres pour sa quantité de mouvement, ainsi qu'un ensemble d'équations décrivant l'évolution continue de ces nombres dans l'espace et dans le temps. Les objets matériels composés de N particules sont donc, en théorie du moins, parfaitement bien déterminés par 6N nombres du même genre.
Si l'on considère les N atomes formant votre corps et un espace à 6N dimensions représentant les coordonnées de position et de quantité de mouvements de ces atomes, toute votre vie peut se décrire d'un point de vue physique comme la trajectoire d'un seul point dans cet espace.
Comme Schrödinger nous l'a appris, la trajectoire de ce point dans cet espace abstrait n'est en fait que l'approximation classique d'un processus quantique plus vaste. Cette trajectoire doit être vue comme l'équivalent d'un rayon lumineux associé à une onde abstraite se déplaçant dans l'espace à 6N dimensions. L'intensité de cette onde donne la probabilité pour les N atomes de se trouver dans des états particuliers de positions et de vitesses.
Au cœur de la physique quantique : la superposition des états
De même que les ondes concentriques des gouttes de pluie tombant dans une mare se superposent à sa surface, plusieurs ondes représentant des états différents peuvent se superposer dans l'espace abstrait précédent. Cela implique qu'un système de particules, vous y compris, peut se retrouver dans une superposition d'états. Des objets peuvent donc être présents simultanément en deux points, un chat ou un virus peuvent être simultanément mort et vivant.
Ce fait a été érigé comme principe fondateur de la mécanique quantiquemécanique quantique : le principe de superposition des états.
Le physicien Erwin Schrödinger a découvert l'équation gouvernant les ondes de probabilité, selon le principe de superposition des états, décrivant les systèmes quantiques. © th.physik.uni-frankfurt
En fait, cette superposition d'états n'existe vraiment que dans le monde des atomes et elle est très rapidement détruite pour des objets macroscopiques. C'est du moins ce que l'on pense aujourd'hui avec la théorie de la décohérence. Mais si l'on en croit Roger Penrose ou quelques travaux récents, cette superposition serait toujours présente dans le cerveaucerveau et serait à la base de la photosynthèse...
Des molécules de Feshbach avec un atome de Rydberg
Toujours est-il qu'un groupe de chercheurs de Stuttgart vient d'observer cette superposition d'états avec deux atomes, dont l'un est d'une taille inhabituelle, le faisant se rapprocher d'un objet connu : un atome de Rydberg.
Ces chercheurs n'en sont pas à leur premier coup d'essai avec ce qu'on appelle des molécules de Rydberg. L'article qu'ils viennent de publier dans Nature montre qu'ils ont simplement poussé leurs expériences un cran plus loin.
Ils partent toujours d'un processus de photoassociation de deux atomes de rubidiumrubidium ultrafroids donnant une moléculemolécule de Feshbach. Mais comme on l'a dit, il y a dans cette molécule un atome de Rydbergatome de Rydberg avec un électronélectron fortement excité, se trouvant donc sur une orbiteorbite très éloignée du noyau. Il en résulte que la molécule, bien que composée de seulement deux atomes, a une longueur de 100 nanomètresnanomètres, c'est-à-dire environ 1.000 fois la taille d'un seul atome.
Les impulsions laserslasers que les chercheurs utilisent pour former la molécule permettent maintenant de faire osciller les atomes de l'expérience entre un état où ils sont libres et un autre où ils sont liés. Il devient alors possible de créer une superposition d'états où ils sont simultanément libres et sous la forme d'une molécule de Feshbach. D'après les mesures des physiciensphysiciens, cet état de superposition ne dure cependant que quelques millionièmes de seconde.