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Une vue d’artiste montrant la structure en nid d'abeille d'un feuillet de graphène. Le graphite de nos crayons est un empilement de telles structures. © Jannik Meyer
Depuis deux siècles, les progrès en physique ont nécessité un affinement progressif des définitions des unités de mesures. Afin d'avoir des étalons de plus en plus précis et facilement utilisables par des chercheurs et ingénieurs à travers le monde, on s'est tourné vers des systèmes physiques différents, pour définir les valeurs de ce qui constitue aujourd'hui le Système international des unités (SI).
Il compte sept unités de base : le mètre, le kilogramme, la seconde, l'ampère, le kelvin, la mole et la candela, censées quantifier des grandeurs physiques indépendantes. Chaque unité possède en outre un symbole (respectivement : m, kgkg, s, A, K, mol et cd).
Des étalons qui changent avec la précision requise
La seconde est définie à partir de la transition dans l'atome de césiumcésium 133 au repos à 0 K. Elle permet de caractériser le mètre, à partir de la distance parcourue par la lumière dans le vide, pendant une duréedurée de 1/299.792.458 seconde. Il y a quelques décennies, c'était la longueur d'ondelongueur d'onde de la raie orange du kryptonkrypton 86 qui était utilisée.
Actuellement, on aimerait bien disposer d'une définition plus précise de l'ampèreampère, la précédente datant de 1948. Elle stipule que l'ampère représente une intensité de courant constante qui, si elle est maintenue dans deux conducteurs parallèles, distants d'un mètre dans le vide, produirait entre ces deux conducteurs une force égale à 2 x 10-7 newtonnewton par mètre. Avant, cette définition faisait intervenir un taux de déposition d'argentargent par électrolyseélectrolyse.
Une illustration de la pompe à électron unique en graphène, réalisée par les chercheurs britanniques. Les pompes à électrons à base de graphène fonctionnent dix fois plus vite que les pompes similaires fabriquées à partir de matériaux 3D conventionnels, et elles peuvent être utilisées pour générer des courants importants. © M. Connolly
Les expériences de physique devenant de plus en plus précises, il était déjà nécessaire de définir avec plus de précision ce que l'on entend par voltvolt et ohmohm. Ces deux unités sont maintenant reliées à des phénomènes quantiques faisant intervenir la constante de Planckconstante de Planck « h » et l'unité de charge électrique « e ». Il serait utile de pouvoir faire la même chose pour l'ampère, idéalement grâce à une expérience dans laquelle on pourrait compter le passage d'un seul électronélectron à la fois dans un conducteur.
Une nouvelle fermeture du triangle métrologique quantique
Un groupe de chercheurs britanniques vient justement d'annoncer dans une publication de Nature Nanotechnology qu'il était arrivé à fabriquer ce qu'il appelle une single-electron pump (SEPSEP) à partir d'un dispositif fait de graphène.
Ce n'est pas la première « pompe à électron unique » réalisée dans le but d'obtenir un étalon précis et stable pour une redéfinition de l'ampère. Mais c'est bien la première SEP en graphènegraphène, et elle semble prometteuse. Bien qu'un seul électron soit généré à la fois par cette pompe, la fréquencefréquence de production est élevée : presque de l'ordre du gigahertz. Or, elle ne l'est pas encore assez pour vraiment supplanter les définitions précédentes de l'ampère. Mais cela ne devrait probablement pas tarder.
Si la SEP en graphène tient finalement ses promesses, jointe aux expériences visant à définir le volt et l'ohm, elle permettrait peut-être de mettre en évidence d'éventuelles variations infimes dans le temps de la constante de Planck ou de la charge élémentaire d'un électron. En effet, les mesures d'une différence de potentiel de un volt avec l'effet Josephson et celle d'une résistancerésistance de un ohm avec l’effet Hall quantique, font intervenir ces constantes fondamentales. Avec une mesure quantique suffisamment précise de l'ampère, on fermerait ce que les physiciensphysiciens appellent le triangle métrologique quantique : c'est justement ce qu'il faudrait pouvoir faire, pour ensuite en déduire ces éventuelles variations de « e » et « h ».