Des chercheurs de l’Université de Berkeley ont fait un pas de plus vers la maîtrise du pouvoir d’adhérence des geckos. En utilisant des microfibres en polypropylène, ils sont parvenus à reproduire les étonnantes capacités de ces petits lézards grimpeurs. Pour le moment, l'exploit n'est réalisé que sur des surfaces propres et lisses, mais ce n'est qu'un début...

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    En augmentant le poids, la surface d'adhésion des microfibres augmente aussi (les tâches verdâtres en haut du rectangle verticale). Le matériau est "intelligent" . Crédit : Jongho Lee/UC Berkeley

    En augmentant le poids, la surface d'adhésion des microfibres augmente aussi (les tâches verdâtres en haut du rectangle verticale). Le matériau est "intelligent" . Crédit : Jongho Lee/UC Berkeley

    Ronald Fearing est à la tête d'un groupe de la célèbre Université de Berkeley en Californie spécialisé dans les systèmes biomimétiquesbiomimétiques, c'est-à-dire dont les principes s'inspirent des solutions trouvées par la nature. En particulier, il cherche à reproduire avec ses collègues et ses étudiants la capacité qu'ont les geckosgeckos, des petits lézards tropicaux, de gambader sur des surfaces verticales et même sur les plafonds. Une des applications les plus spectaculaires serait bien sûr la production d’un costume apportant les performances de Spiderman.

    Un des obstacles à surmonter est celui de l'énergie dépensée pour coller et décoller une surface adhésive d'une paroi. En effet, s'il faut une forte pression pour provoquer l'adhérence puis une forte traction pour la faire cesser, la progression de Spiderman nécessiterait beaucoup d'énergie. Or, on sait que les geckos peuvent courir en posant leurs pattes et en les détachant de surfaces verticales au moins 20 fois de suite en une seconde. Si le processus demandait beaucoup d'énergie, ces animaux seraient vite épuisés. La nature a donc trouvé une astuce...

    L'adhérence sèche

    Dans le cas des geckos, les doigts de leurs  pattes  sont terminés par des millions de poils (appelés sétules ou setae) composés de kératinekératine et dont le diamètre à la base est de quelques dizaines de microns. A leur extrémité, ces poils se scindent eux-mêmes en poils encore plus fins, de quelques centaines de nanomètres de diamètre, qui se terminent par une structure en spatule. C'est à ce niveau qu'entrent en jeu les fameuses forces de Van der Walls et là réside le secret principal des geckos, réalisant ce que les chercheurs appellent parfois l'adhérence sèche.

    Vue latérale des microfibres de polypropylène. Chaque fibre est longue de 15-20 micromètres pour 0,6 micromètre de diamètre . Crédit : Jongho Lee/UC Berkeley

    Vue latérale des microfibres de polypropylène. Chaque fibre est longue de 15-20 micromètres pour 0,6 micromètre de diamètre . Crédit : Jongho Lee/UC Berkeley

    Les chercheurs de Berkeley ont utilisé une série de microfibres déposées en rang très serrés sur une surface et telles que plus la pression exercée est importante, plus le nombre de microfibres participant au processus d'adhésion augmente. On réalise ainsi un adhésif « intelligent » dont le pouvoir d'adhésion augmente avec la pression et inversement. 

    Lorsque les contraintes mécaniques, pression ou traction, augmentent, le nombre de microfibres mises en jeu dans l'adhésion augmente aussi. Crédit : Ronald Fearing

    Lorsque les contraintes mécaniques, pression ou traction, augmentent, le nombre de microfibres mises en jeu dans l'adhésion augmente aussi. Crédit : Ronald Fearing

    Chaque centimètre carré du matériaumatériau synthétisé à partir d'un plastiqueplastique, le polypropylènepolypropylène, possède environ 42 millions de ces microfibres. Ainsi, deux centimètres carrés d'un tel matériau suffisent à supporter 400 grammes, mais il est possible de les décoller facilement d'une paroi lisse et propre. De plus, et comme dans le cas des geckos, il ne reste aucun résidu sur la paroi après le décollement.

    C'est l'emploi d'un plastique dur qui permet cette performance. Le matériau n'est pas gluant parce que l'adhérence vient des forces de Van der Walls. L'emploi de ce type de plastique contribue en outre à maintenir les microfibres propres.

    Toutefois, le gecko conserve sa supériorité. Pour l'égaler, il faudrait que les fibres soient auto-nettoyantes, et surtout, que l'adhérence puisse être suffisante sur des surfaces rugueuses : ce n'est pas le cas actuellement.