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Détails du dispositif servant à soumettre une bouteille à des faisceaux de protons de 3 MeV. Crédit : Arcane-CENBG
Bien sûr, on ne peut pas comparer cette application des faisceaux de protons produits par l'accélérateur de particules de la plateforme Aifira (Applications Interdisciplinaires de Faisceaux d'Ions en Région Aquitaine) avec les expériences qui seront menées au LHC. Mais cette utilisation inattendue d'un accélérateur de particules illustre bien le caractère imprévisible des applications des recherches en sciences pures. Le laboratoire du Centre d'Etudes Nucléaires de Bordeaux Gradigan (CENBG) effectue en effet un ensemble de recherches qui vont des noyaux exotiquesexotiques, loin de la vallée de stabilité bêtabêta, aux excitations nucléaires induites par laser, en passant par la physique des neutrinos, la double décroissance bêta et l'astronomie des rayonnements gamma de grande énergieénergie.
Difficile d'imaginer que des faisceaux de protons à 3 MeV, plus de quatre millions de fois moins énergétiques que ceux qui circuleront au LHC, pourraient un jour servir à identifier des millésimes de vins rares dans des bouteilles fabriquées depuis les années 1859 à nos jours. Et pourtant...
La technique employée par Hervé Guégan et ses collègues du CENBG est simple. Les années passant, les techniques de fabrication des verresverres des bouteilles de vins diffèrent selon les fabricants et selon les progrès de la technologie. Il existe alors de subtiles variations dans la composition des verres concernant une quinzaine d'éléments, sodiumsodium, ferfer, magnésiummagnésium et siliciumsilicium notamment.
Un vin authentiquement ancien se reconnaît... à ses résidus nucléaires
Sous l'action des chocs de protons, les noyaux se mettent à émettre un spectrespectre de rayons Xrayons X spécifiques, en liaison aussi avec leurs abondances dans les verres, permettant ainsi d'identifier une bouteille de vin. Il suffit pour cela d'étalonner la technique, comme les chercheurs l'ont fait, avec 80 bouteilles provenant de collections privées et de musées de la région de Bordeaux.
La technique est pour le moment précise à 15 années près mais la résolutionrésolution atteinte devrait rapidement augmenter au fur et à mesure que d'autres bouteilles de références seront analysées et c'est d'ailleurs ce qui va se faire grâce au contrat passé entre Arcane (Atelier Régional de Caractérisation par Analyse Nucléaire Elémentaire), la cellule de transfert technologique adossée au CENBG et une société londonienne spécialisée dans la commercialisation des grands crus, The Antique Wine Company. En plus de financer les recherches, cette entreprise va fournir 160 bouteilles supplémentaires et, en échange, elle disposera d'un outil efficace pour lutter contre la contrefaçon.
On peut bien sûr essayer de tromper un acheteur potentiel avec de vraies bouteilles anciennes emplies d'un vin plus récent, mais là aussi les chercheurs proposent une parade. Il suffit, au moins pour les vins mis en bouteille avant les essais nucléaires atmosphériques, de rechercher un isotopeisotope du césiumcésium, Cs137, dans le vin lui-même. Imparable, la méthode impose néanmoins l'ouverture de la bouteille. En jargon technique, on appelle cela un contrôle destructif. Reste que l'ensemble de ces deux techniques rendra beaucoup plus difficile l'œuvre des faussaires.