D'après une analyse d'un échantillon de la surface de Ryugu, l'astéroïde est riche en molécules organiques. Cette découverte renforce l'idée que la matière organique de l'espace a contribué à l'inventaire des composants chimiques nécessaires à la vie.

Les molécules organiques sont les éléments à la base de toutes les formes connues de vie terrestre et consistent en une grande variété de composés constitués de carbone combiné à de l'hydrogène, de l'oxygène, de l'azote, du soufre et d'autres atomes. Cependant, des molécules organiques peuvent également être fabriquées par des réactions chimiques qui n'impliquent pas la vie, ce qui renforce l'hypothèse selon laquelle des réactions chimiques dans des astéroïdes peuvent fabriquer certains des ingrédients de la vie.

Le 22 février 2019, la sonde japonaise Hayabusa-2 a recueilli des échantillons de l'astéroïde Ryugu puis, le 5 décembre 2020, la capsule contenant ces échantillons a atterri sur Terre. Une première analyse d'un tel échantillon par une équipe internationale a révélé que l'astéroïde est riche en molécules organiques.

Un petit échantillon riche en molécules prébiotiques

Les échantillons de Hayabusa-2 ont été extraits au Japon en juillet 2021 et analysés au GFSC (Goddard Space Flight Center) de la Nasa à l'automne 2021. Une très petite quantité d'échantillon (30 milligrammes) a été attribuée à l'équipe internationale d'analyse des composés organiques solubles. L'échantillon a été extrait (comme le thé) dans de nombreux solvants différents au Japon et analysé dans des laboratoires au Japon, à Goddard et en Europe à l'aide d'une vaste gamme de machines comme celles d'un laboratoire médico-légal.

Extractions au solvant des échantillons de Ryugu sur un banc propre (ISO6, Classe 100) à l'intérieur d'une salle blanche (ISO5, Classe 1000) réalisées par Hiroshi Naraoka à l'université de Kyushu, au Japon. © Jaxa
Extractions au solvant des échantillons de Ryugu sur un banc propre (ISO6, Classe 100) à l'intérieur d'une salle blanche (ISO5, Classe 1000) réalisées par Hiroshi Naraoka à l'université de Kyushu, au Japon. © Jaxa

La science de la chimie prébiotique tente de découvrir les composés et les réactions qui auraient pu donner naissance à la vie. Parmi les composés organiques prébiotiques trouvés dans l'échantillon, se trouvaient plusieurs types d'acides aminés. Certains acides aminés sont largement utilisés par la vie terrestre comme composants pour fabriquer des protéines. Les protéines sont essentielles à la vie car elles sont utilisées pour fabriquer des enzymes qui accélèrent ou régulent les réactions chimiques et pour fabriquer des structures allant de microscopiques à grandes comme les cheveux et les muscles. L'échantillon contenait également de nombreux types de composés organiques qui se forment en présence d'eau liquide, notamment des amines aliphatiques, des acides carboxyliques, des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des composés hétérocycliques contenant de l'azote.

Pour Hiroshi Naraoka, professeur de science des matériaux des planètes solaires à l'université de Kyushu, à Fukuoka (Japon), et premier auteur d'un article sur cette recherche publié en ligne le 23 février dans Science : « La présence de molécules prébiotiques à la surface de l'astéroïde malgré son environnement difficile causé par le chauffage solaire et l'irradiation ultraviolette, ainsi que l'irradiation par les rayons cosmiques dans des conditions de vide poussé, suggère que les grains de la partie supérieure de la surface de Ryugu ont le potentiel de protéger les molécules organiques. Ces molécules peuvent être transportées dans tout le Système solaire, se dispersant potentiellement sous forme de particules de poussière interplanétaires après avoir été éjectées de la couche supérieure de l'astéroïde par des impacts ou d'autres causes. »

Une composition similaire aux météorites carbonées

Jason Dworkin, scientifique au Goddard Space Flight Center et coauteur de l'article, précise que « jusqu'à présent, les résultats d'acides aminés de Ryugu sont pour la plupart cohérents avec ce qui a été observé dans certains types de météorites riches en carbone (carbonées) qui ont été exposées à la plus grande quantité d'eau dans l'espace ». Daniel Glavin, qui travaille aussi au Goddard et est également coauteur de l'article, nuance ce propos en mentionnant : « Cependant, les sucres et les bases azotées (composants de l'ADN et de l'ARN) qui ont été découverts dans certaines météorites riches en carbone, n'ont pas encore été identifiés dans les échantillons rapportés de Ryugu. Il est possible que ces composés soient présents dans l'astéroïde Ryugu mais qu'ils soient en quantité inférieure à nos limites de détection analytique étant donné la masse d'échantillon relativement faible disponible pour l'étude. ».

Échantillon global des grains de Ryugu (A0106) attribué à l'équipe d'analyse initiale de la matière organique soluble de Hayabusa-2 de l'Agence japonaise d'exploration aérospatiale (Jaxa) pour une variété d'analyses moléculaires organiques. © Jaxa
Échantillon global des grains de Ryugu (A0106) attribué à l'équipe d'analyse initiale de la matière organique soluble de Hayabusa-2 de l'Agence japonaise d'exploration aérospatiale (Jaxa) pour une variété d'analyses moléculaires organiques. © Jaxa

Cette première analyse organique de l'échantillon de Ryugu n'en sera pas la dernière. « Nous ferons une comparaison directe des échantillons de Ryugu et de l'échantillon de l'astéroïde Bennu lorsque la mission Osiris-REx de la Nasa le ramènera sur Terre en 2023, conclut Dworkin. Osiris-REx devrait renvoyer beaucoup plus de masse d'échantillons de Bennu et fournira une autre opportunité importante de rechercher des traces de composants organiques de la vie dans un astéroïde riche en carbone. »


L'astéroïde Ryugu possède les ingrédients essentiels à la vie

La vie est un mystère que les chercheurs espèrent bien mettre bientôt au jour. Existe-t-elle ailleurs dans l'Univers ? Mais aussi, comment a-t-elle émergé sur Terre ? Ce sont deux questions auxquelles ils tentent de répondre. Et des échantillons prélevés sur l'astéroïde Ryugu pourraient apporter un début de réponse.

Article de Nathalie Mayer paru le 13/06/2022

En 2019, à près de 200 millions de kilomètres de notre Terre, une sonde japonaise - la sonde Hayabusa-2 - a atterri sur un astéroïde pour en collecter quelques échantillons. À peine plus de cinq grammes, en tout. Des roches et des poussières du sol et du sous-sol de celui que les astronomes connaissent sous le nom de Ryugu. Il est considéré comme l'objet le plus primitif du Système solaire que les chercheurs n'ont jamais étudié.

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Depuis le retour de ces échantillons sur Terre en décembre 2020, les astronomes procèdent à des analyses détaillées. Et ils confirment aujourd'hui y avoir découvert un nombre important d'acides aminés. Des acides aminés - les éléments constitutifs des protéines et donc, essentiels à la vie - susceptibles de se propager dans les environs, portés par des poussières. De l'isoleucine et de la valine, par exemple, des acides aminés qui sont considérés comme essentiels au fonctionnement du corps humain. Mais qu'il n'est pas capable de synthétiser seul.

Une preuve de l’origine extraterrestre de la vie ?

Depuis longtemps, les chercheurs envisagent que des acides aminés - et d'autres molécules organiques - ont pu être apportés sur Terre par des impacts d'astéroïdes ou de comètes. Mais ils peinaient à en faire la preuve du fait de la contamination rapide des météorites par la matière terrestre. Cette fois, ils montrent bel et bien que ce type de molécules indispensables à la vie peut exister dans l'espace.

De quoi rendre les chercheurs encore plus impatients d'étudier les échantillons prélevés par la mission Osiris-Rex (Nasa) sur l'astéroïde Bennu. Quelque 60 grammes de précieuses roches qui devraient arriver dans les laboratoires d'ici 2023.


Des ingrédients de la vie découverts dans les échantillons de l'astéroïde Ryugu

La sonde Hayabusa-2 était partie en 2014 pour étudier l'astéroïde Ryugu. Et en ramener quelques échantillons sur Terre. Mission accomplie en décembre 2020. Désormais, les chercheurs vont prendre le temps de les analyser. Les premiers résultats suggèrent qu'ils sont riches en ingrédients de la vie.

Article de Nathalie Mayer paru le 27/06/2021

L'astéroïde Ryugu photographié par la sonde spatiale Hayabusa-2 venue l'explorer et prélever une poignée d'échantillons. © Jaxa
L'astéroïde Ryugu photographié par la sonde spatiale Hayabusa-2 venue l'explorer et prélever une poignée d'échantillons. © Jaxa

En décembre dernier, Hayabusa-2, une sonde de l'Agence spatiale japonaise (Jaxa), a largué sur Terre une capsule contenant à peine plus de cinq grammes de précieux échantillons. Ceux de l'astéroïde Ryugu. Depuis, les équipes choisies pour les analyser trépignent d'impatience. Un peu plus encore après la publication de quelques images de ces échantillons en toute fin d'année.

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Les chercheurs de l'université d'Okayama (Japon) ont reçu leur part en avant-première -- sept autres équipes recevront bientôt leurs échantillons --, ce 2 juin 2021. Et ils ont immédiatement mesuré la quantité d'atomes d’hydrogène, de carbone et d'azote contenue dans les roches et le sable provenant de Ryugu. Des données qu'ils ont alors converties en quantité d'eau et de matière organique susceptible d'avoir pu se former. Au final, de grandes quantités...

Préciser l’origine de la vie sur Terre

Ces travaux confirment les observations préliminaires de la Jaxa. Il est possible qu'une quantité importante de glace ait existé sur Ryugu. Mais l'analyse ne fait que commencer. Les équipes étudieront les échantillons revenus de l'astéroïde pendant une année entière. À la recherche d'indices qui pourraient expliquer l'origine de l’eau sur Terre. Et dans l'espoir, d'identifier de la matière organique.

En décembre 2020, une capsule s’est écrasée sur Terre. Elle contenait des échantillons de l’astéroïde Ryugu. Ils commencent tout juste à être analysés par les chercheurs. © Jaxa
En décembre 2020, une capsule s’est écrasée sur Terre. Elle contenait des échantillons de l’astéroïde Ryugu. Ils commencent tout juste à être analysés par les chercheurs. © Jaxa

Le professeur Tachibana Shogo de l'Université de Tokyo, coordinateur des efforts de recherche, espère que l'analyse de ces échantillons produira divers éléments de preuve qui fourniront des indices sur les origines du Système solaire et de la vie sur Terre et sur la façon dont les océans ont été créés. D'autant qu'en parallèle, des chercheurs de l’université Rikkyo (Japon) viennent de montrer que Ryugu est à peu près aussi poreux que l'étaient les planétésimaux qui ont mené à la formation des planètes.