La vie existe-t-elle ailleurs que sur Terre ? C’est LA question. Mais si les astronomes savent désormais qu’il se trouve des planètes partout dans l’Univers, ils ignorent toujours si elles présentent les conditions nécessaires à l’émergence de la vie. Des travaux menés grâce au télescope Alma apportent aujourd’hui quelques réponses. Ils mettent en lumière de grandes quantités de molécules organiques dans des endroits où se forment des planètes.


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    Et si les conditions chimiques qui ont mené à l'éclosion de la vie sur Terre n'étaient finalement pas rares ? C'est la question que posent des travaux publiés récemment dans le cadre du projet Maps (Molecules with Alma at Planet-forming Scales). Au fil de 20 articles scientifiques parus dans The Astrophysical Journal Supplement Series, les chercheurs détaillent notamment comment ils viennent de découvrir, au cœur de disques protoplanétaires entourant de jeunes étoiles, des « réservoirs importants » de molécules organiques.

    Ces molécules, précisent les astronomesastronomes, ne sont pas de simples molécules à base de carbone comme le monoxyde de carbone (CO) que l'on trouve en abondance dans l'espace. Elles sont plus élaborées. Les théories en font les « ingrédients bruts » pour construire les molécules qui sont à la base de la chimie biologique sur Terre. Des expériences en laboratoire l'ont confirmé. Lorsque les conditions sont réunies, elles permettent de former de sucressucres, des acides aminésacides aminés et même les composants de l'acide ribonucléiqueacide ribonucléique -- le fameux ARN. Les briques essentielles à la vie.

    Savoir si ces molécules existent là où les planètes se forment

    De nombreux environnements dans lesquels les chercheurs ont déjà pu trouver ce type de molécules organiques complexes peuvent être qualifiés d'inintéressants. « Cette fois, nous voulions savoir si ces molécules sont présentes aux endroits où naissent les planètes, dans les disques protoplanétaires », explique John Ilee, astronome à l'université de Leeds (Royaume-Uni), dans un communiqué.

    Sur cette image, la rangée supérieure montre l’émission de grosses poussières (de taille millimétrique) dans quatre disques protoplanétaires étudiés par les chercheurs. La rangée du bas montre une image composite en trois couleurs de l’émission des grosses molécules organiques HC<sub>3</sub>N (rouge), CH<sub>3</sub>CN (vert) et c-C<sub>3</sub>H<sub>2</sub> (bleu) dans chaque disque. Les cercles en pointillés, d’un rayon de 50 unités astronomiques, indiquent l’échelle de la région de formation des comètes dans notre Système solaire. © John Ilee, Université de Leeds
    Sur cette image, la rangée supérieure montre l’émission de grosses poussières (de taille millimétrique) dans quatre disques protoplanétaires étudiés par les chercheurs. La rangée du bas montre une image composite en trois couleurs de l’émission des grosses molécules organiques HC3N (rouge), CH3CN (vert) et c-C3H2 (bleu) dans chaque disque. Les cercles en pointillés, d’un rayon de 50 unités astronomiques, indiquent l’échelle de la région de formation des comètes dans notre Système solaire. © John Ilee, Université de Leeds

    Plus de molécules organiques qu’attendu

    Ces observations ont été réalisées grâce au télescopetélescope Alma -- l'Atacama Large Millimeter/Submillineter Array (Chili) --, capable de détecter les signaux très faibles en provenance de molécules situées dans des régions froides de l'UniversUnivers. Des signaux comme des empreintes digitalesempreintes digitales qui renseignent les chercheurs sur l'identité des molécules qui les ont émises.

    Les astronomes ont étudié ainsi cinq disques protoplanétaires situés entre 300 et 500 années-lumièreannées-lumière de la Terre. Leur objectif : cartographier la composition chimique de ces disques. Et voir comment les molécules sont distribuées à l'endroit où des planètes se forment. Les chercheurs ont ainsi identifié des molécules organiques simples comme le cyanure d'hydrogènecyanure d'hydrogène (HCN), le l'éthynyl (C2H) ou le formaldéhydeformaldéhyde (H2CO). Dans les régions du disque où se forment traditionnellement les planètes rocheusesplanètes rocheuses.

    Voir aussi

    Les briques de la vie apparaissent bien avant les étoiles

    Mais les chercheurs ont surtout trouvé trois molécules plus complexes : le cyanoacétylène (HC3N), l'acétonitrile (CH3CN) et le cyclopropénylidène (c-C3H2). « Notre analyse montre que ces molécules sont aussi principalement situées dans ces régions internes de ces disques, à des échelles de taille similaires à notre Système solaire, avec des abondances entre 10 et 100 fois supérieures à ce que les modèles prédisaient », précise John Ilee. Et c'est justement dans ces régions que se forment les astéroïdesastéroïdes et les comètescomètes. Ces objets qui sont soupçonnés avoir ensemencé notre Terre. Les astronomes imaginent ainsi qu'un processus semblable à celui qui a initié l'apparition de la vie sur notre Planète puisse également se produire dans ces disques protoplanétaires.

    Sur cette image composite construite à partir des données d’Alma de la jeune étoile HD 163296, on découvre l’émission du cyanure d’hydrogène (HCN), posée sur une vue d’artiste d’un champ d’étoiles. © ALMA (ESO, NAOJ, NRAO), D. Berry (NRAO), K. Öberg <em>et al</em> (Maps)
    Sur cette image composite construite à partir des données d’Alma de la jeune étoile HD 163296, on découvre l’émission du cyanure d’hydrogène (HCN), posée sur une vue d’artiste d’un champ d’étoiles. © ALMA (ESO, NAOJ, NRAO), D. Berry (NRAO), K. Öberg et al (Maps)

    Comprendre comment les ingrédients de la vie s’assemblent

    « S'il existe dans les disques protoplanétaires de telles molécules en si grande abondance, il se pourrait que des molécules encore plus complexes puissent être observables. Nous allons poursuivre nos recherches en ce sens avec Alma. Si nous obtenons des résultats, nous serons encore plus près de comprendre comment les ingrédients bruts de la vie peuvent être assemblés autour d'autres étoiles », remarque John Ilee.

    Ce que les chercheurs ont aussi observé, c'est une répartition non uniforme de ces molécules entre et même dans les disques protoplanétaires. De quoi laisser penser que des planètes se formant dans différents disques ou à des endroits différents d'un même disque peuvent évoluer dans des environnements chimiques radicalement différents eux aussi. Ainsi certaines planètes peuvent tout à fait se former avec tout ce qu'il faut pour faire émerger la vie alors que leurs voisines, non. Nul doute qu'Alma permettra à l'avenir de préciser ces questions fondamentales un peu plus encore.

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