Dans le domaine de la recherche de planètes habitables et analogues à la Terre, les observatoires spatiaux et terrestres actuellement en service n'y suffisent pas. Pour s’affranchir des fortes contraintes et des difficultés, une équipe d’astronomes propose HabEx, un observatoire spatial inédit, à haut contraste et à haute résolution angulaire, capable de discerner une planète similaire à la Terre dans la zone d’habitabilité de son étoile. Les explications d'Anthony Boccaletti, chercheur et astronome au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique de l'Observatoire de Paris.


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    En prévision du prochain rapport The Astronomy and Astrophysics Decadal Survey 2020, qui doit identifier les principales priorités pour la période 2025-2035 dans le domaine de l'astronomie et de l'astrophysique, la Nasa finance quatre concepts de missions spatiales. Les objectifs scientifiques de ces missions ont été identifiés comme prioritaires par les membres du Decadal Survey.

    L'idée de la Nasa est donc de fournir des études détaillées de faisabilité technique qui montreront ce qui sera possible de réaliser à l'horizon 2035 et à quels coûts. On s'attend à ce que ce Decadal Survey recommande la sélection d'une, voire deux, de ces quatre missions dans le cadre du prochain plan décennal pour succéder au James Webb Space Telescope (JWSTJWST), dont le lancement est prévu en mars 2021, et au Wide Field Infrared Space Telescope (WFIRST), qui doit être lancé au plus tôt en 2026. La Nasa devrait annoncer son choix fin 2020, début 2021 pour un lancement dès le début de la décennie 2030.

    Parmi ces quatre projets à l’étude, on s'intéresse aujourd'hui à HabEx (Habitable Exoplanet Imaging Mission), un observatoire spatial d'imagerie directe d'exoplanète à très haut constate, conçu principalement pour l'étude des exoplanètes et la recherche de signes d'habitabilité comme l'oxygène et de la vapeur d’eau par spectroscopie. Il sera aussi utilisé pour étudier les premières époques de l'Univers, comprendre le cycle de la vie et la mort des étoilesétoiles les plus massives qui ont enrichi le milieu interstellaire avec les éléments nécessaires à la vie telle que nous la connaissons.

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    HabEx, un observatoire spatial inédit, qui s'affranchit des contraintes

    Comme nous l'explique Anthony Boccaletti, chercheur et astronomeastronome au LESIA,  l'intérêt d'HabEx est de se « focaliser sur des exoplanètes analogues à la Terre, c'est-à-dire de taille et massemasse similaires à la Terre, du même âge et situées dans la zone d'habitabilitézone d'habitabilité d'une étoile similaire au SoleilSoleil ». Aujourd'hui, avec les observatoires spatiaux et terrestres en service, il n'est « pas possible de détecter de planète aussi petite et aussi proche de leur étoile que l'est la Terre par rapport au Soleil ».

    En effet, l'observation directe des exoplanètes est rendue difficile par « l'énorme contrastecontraste de luminosité entre la planète et l'étoile autour de laquelle elle gravite », ainsi que la « faible séparation angulaire entre ces deux corps ». Pour comprendre la difficulté de la tâche, il faut savoir qu'une exoterreexoterre « autour d'une étoile de type solaire située à 10 pc (donc proche) sera vue sous un angle de 0.1'' avec un contraste de l'ordre de 10 puissance 10 » !

    Le « haut contraste et la haute résolution angulaire » est la condition sine qua non pour détecter des objets dont le signal est extrêmement faible par rapport à l'étoile et à très petite séparationséparation angulaire. « C'est tout le pari de HabEx » dont le but est « d'atténuer le signal de l'étoile sans atténuer significativement le signal du système planétaire l'entourant ». Il y a donc un compromis à trouver entre éteindre la lumièrelumière de l'étoile et transmettre la lumière de la planète.

    Un satellite inédit en forme de pétales de fleurs !

    Pour y parvenir, l'équipe d'HabEx propose d'utiliser deux satellites. Le premier sera équipé d'un miroirmiroir monolithique de 4 mètres avec un miroir secondaire hors d'axe et doté d'un coronographecoronographe. Le deuxième satellite est « très différent et surtout de conception inédite ». Il s'agit d'une sorte d'immense parapluie (un starshade) de 52 mètres de diamètre et positionné à 76.600 kilomètres devant le premier satellite. Cet occulteur, véritable satellite avec ses servitudes et un système de propulsion, a une forme étonnante de pétalepétale dont « la précision demandée est de l'ordre de quelques dizaines de micronsmicrons sur la forme des pétales ».

    Ce qui permet d'obtenir des contrastes théoriques très élevés, de l'ordre de 1012. Le but est « de produire l'ombre de l'étoile observée la plus noire possible, jusqu'à dix milliardième plus faible que l'étoile ». Dit autrement, il a pour fonction de bloquer la « lumière des étoiles tout en laissant passer la lumière planétaire », ce qui permettra de « rechercher des signes d'habitabilité et de vie dans ces atmosphèresatmosphères par spectroscopie ».

    Le pari d'HabEx s'annonce complexe

    Techniquement, l'utilisation « de cette configuration à deux satellites s'annonce très difficile ». Du fait qu'ils ne seront pas sur la même orbiteorbite et ne voleront donc à la même vitessevitesse l'un par rapport à l'autre. « D'importantes difficultés à les opérer ensemble sont attendues et le pointage des étoiles à observer s'annonce très complexe ».

    En conclusion, si de telles planètes existent « car, à ce jour aucune a été observée », HabEx devrait parvenir à les détecter, « bien que ce soit difficile ». En faire la spectroscopie de leur atmosphère l'est encore plus, et « comprendre ce que l'on observe ne le sera pas moins », souligne Anthony Boccaletti, pour qui HabEx va aider à « chercher à comprendre les conditions d'habitabilité de ces planètes en analysant leur atmosphère alors que pour l'instant ces conditions sont basées sur la distance à l'étoile et sa température ».