Avec l’inauguration de la première des six nouvelles antennes, l’observatoire du Plateau de Bure, dans les Hautes-Alpes, est devenu Noema, le radiotélescope millimétrique le plus puissant de l’hémisphère nord. Ce nouveau télescope, à la pointe de la technologie moderne, vient de dévoiler sa première image astronomique : une vue inédite et spectaculaire d’une région de formation stellaire inconnue à ce jour. Noema montre ainsi qu’il sera l’un des télescopes phares dans les années à venir dans la recherche des régions les plus reculées où les interactions entre galaxies influencent l’évolution de notre univers.

Conçu et exploité par l'Institut de radioastronomie millimétrique, Iram, Noema appartient à une nouvelle génération de radiotélescopes. Cet instrument est financé par le CNRS, ainsi que la MPG (Max-Planck-Gesellschaft), en Allemagne, et l'IGN (Instituto Geografico Nacional), en Espagne. Bien qu'encore en construction, il est déjà l'interféromètre le plus puissant de l'hémisphère nord. Il se compose actuellement de sept antennes de 15 mètres de diamètre, toutes équipées d'un système de réception inédit et ultrasensible approchant la limite quantique. D'ici à quatre ans, l'observatoire décuplera ses capacités : il sera doté de douze antennes au total qui ouvriront aux scientifiques un regard d'une finesse exceptionnelle sur notre univers.

Noema (NOrthern Extended Millimeter Array) vient de produire sa première image : un résultat exceptionnel puisqu'une équipe internationale de scientifiques a découvert une région de formation stellaire hyperactive, entièrement inconnue à ce jour et située dans le « Medusa merger » (NGC 4194), une collision ultralumineuse de deux galaxies à plus de 100 millions d'années-lumière de nous. Les observations ont révélé une région gigantesque, étendue sur plus de 500 années-lumière, peuplée de jeunes étoiles tout juste formées. Les étoiles sont encore enfouies dans les nuages de gaz et de poussière cosmique dans lesquelles elles naissent et sont, par conséquent, complètement invisibles par les télescopes optiques. En outre, aucune des observations précédentes de cette région, effectuées dans d'autres longueurs d'onde, n'a pu dévoiler ce qui se cachait derrière les nuages. Malgré les efforts des scientifiques, cette région spectaculaire, nommée « l'œil de Meduse », demeurait dans le noir.

Grâce à l’observatoire Noema, les astronomes ont pu détecter une région de formation stellaire très active dans le « Medusa merger ». L’image multilongueur d’onde montre « l’œil de Méduse » (orange) qui se situe directement en dessous du trou noir au centre de NGC 4194 (blanc et vert ici). © Iram, Nasa, Esa, <em>Hubble Space Telescope, Hubble Legacy Archive</em>

Grâce à l’observatoire Noema, les astronomes ont pu détecter une région de formation stellaire très active dans le « Medusa merger ». L’image multilongueur d’onde montre « l’œil de Méduse » (orange) qui se situe directement en dessous du trou noir au centre de NGC 4194 (blanc et vert ici). © Iram, Nasa, Esa, Hubble Space Telescope, Hubble Legacy Archive

L'œil de Méduse, une collision de galaxies

Les chercheurs ont donc tenté une nouvelle voie : grâce aux antennes Noema qui détectent les molécules de cyanure d’hydrogène (HCN) et de formylium (HCO+), ils ont enfin pu dévoiler la face cachée de « l'œil de Meduse ». « Je ne peux vous décrire à quel point nous étions étonnés de voir cette région s'illuminer d'un coup et de la voir briller de la lumière des milliers d'étoiles formées récemment », confie l'astronome coordinatrice du projet Sabine Kœnig (Iram). « Il se trouve que cette région est même la région la plus active de formation stellaire dans tout cet ensemble formé par la fusion galactique de deux galaxies, une pouponnière d'étoiles gigantesque ! »

Les études sur les collisions des galaxies et leur impact sur la formation stellaire sont fondamentales pour comprendre comment évoluent les galaxies et notre univers dans son ensemble. Roberto Neri (Iram), responsable scientifique de l'observatoire Noema, est très satisfait : « Ces observations démontrent que nous maitrisons parfaitement le nouvel instrument et à quel point la puissance de Noema nous permettra, dans les années à venir, de dévoiler et d'explorer la formation des étoiles aux endroits les plus enfouis de notre univers. »