Des images moins compressées du survol de Pluton réalisées, voici deux mois, par la sonde New Horizons, viennent d’arriver. On découvre avec plus de détails que jamais les paysages de la plaine Spoutnik et de son environnement. De nouvelles caractéristiques géologiques sont observées. L’équipe scientifique de la mission est déroutée par tant de complexités à la surface de cette lointaine planète naine.

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    Les images de PlutonPluton recueillies par New Horizons, le 14 juillet dernier, et transmises au compte-goutte les jours suivants, nous ont émus et sidérés. Pour la première fois, en effet, nous apercevions la surface de cette planète naine découverte 85 ans plus tôt. Les chercheurs de la mission n'en revenaient pas de ce qu'ils découvraient : un monde complexe affichant une diversité insoupçonnée de paysages.

    Après une accalmie dans le transfert des images pour se consacrer à des données de télémétrie et d'analyses du vent solaire, la sonde spatiale a débuté le 5 septembre, une nouvelle phase de téléchargement qui durera toute une année. Initialement, il était prévu que les images qui nous parviendraient en ce mois de septembre seraient, comme en juillet, compressées avec perte. Mais Alan Stern, responsable scientifique de la mission, en a décidé autrement, comme il l'annonce dans un tweet. Mécontent des artefacts peuplant les images JPeg de juillet, il préfère lancer dès maintenant l'envoi des images compressées sans perte.

    Dans le festin de New HorizonsNew Horizons, nous n'avions vu qu'une entrée. Voici venir maintenant les plats. Les images sont moins compressées, la meilleure résolutionrésolution atteignant 400 m par pixelpixel. Nous devisons ainsi de nouveaux détails, pour le moins stupéfiants, des régions survolées ce jour-là, à quelque 12.500 km. Pour Jeff Moore, qui dirige l'équipe de géophysiciens de la mission : « la surface de Pluton est aussi complexe que celle de Mars ».

    New Horizons était à 80.000 km de Pluton lorsque cette photo a été prise le 14 juillet. Ce paysage de transition fascine par la variété de ses caractéristiques géologiques. L’image couvre un espace large de 470 km, situé en bordure de la grande plaine Spoutnik (à droite), laquelle est emplie d’une glace relativement lisse et visqueuse. Au centre de l’image, on aperçoit un milieu chaotique et brouillé, composé d’une multitude de blocs. Cela rappelle aux chercheurs de la mission certaines régions d’Europe, un des quatre satellites galiléens de Jupiter. À gauche, le terrain est probablement plus ancien au regard des cratères d’impact encore visibles. Dans certaines parties des zones les plus sombres, on distingue des motifs linéaires qui évoquent des dunes. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    New Horizons était à 80.000 km de Pluton lorsque cette photo a été prise le 14 juillet. Ce paysage de transition fascine par la variété de ses caractéristiques géologiques. L’image couvre un espace large de 470 km, situé en bordure de la grande plaine Spoutnik (à droite), laquelle est emplie d’une glace relativement lisse et visqueuse. Au centre de l’image, on aperçoit un milieu chaotique et brouillé, composé d’une multitude de blocs. Cela rappelle aux chercheurs de la mission certaines régions d’Europe, un des quatre satellites galiléens de Jupiter. À gauche, le terrain est probablement plus ancien au regard des cratères d’impact encore visibles. Dans certaines parties des zones les plus sombres, on distingue des motifs linéaires qui évoquent des dunes. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Des paysages plus détaillés

    Pour s'en convaincre, il n'est qu'à plonger son regard sur ce nouvel ensemble d'images de ce survol historique. Beaucoup reconnaîtront la plaine baptisée Spoutnik, la moitié ouest de la vaste région Tombaugh (le grand Cœur), et les différentes chaines de montagnes qui la borde. Celles-ci semblent déverser de la glace d’azote dans la plaine. On relèvera la présence de vallées, probablement creusées par les nombreux écoulements qui façonnent la surface de cette planète naine de 2.370 km de diamètre.

    Des cratères d'impacts signalent la présence de terrains plus anciens, au-delà de SpoutnikSpoutnik, laquelle en est dénuée (formation plus récente). Certains détails comme ces blocs, en bordure de la plaine, sont entourés de matériaux un peu brouillés, qui rappellent aux chercheurs des structures observées sur Europe, une lune de JupiterJupiter. Mais Pluton a probablement sa propre recette pour les former.

    Enfin, des formations linéaires remarquées dans les reliefs les plus sombres et anciens, évoquent des dunes, ce qui n'est pas sans intriguer l'équipe. Toutefois, comme le souligne Emily Lakdwalla dans ses commentaires plus exhaustifs -- sur son blog de The Planetary Society -- de cette nouvelle salve d'images, mieux vaut rester prudent sur l'interprétation, car de nombreux artefacts de compression subsistent.

    « Voir des dunes serait complètement incroyable, commente le géophysicien William B. McKinnon, membre de l'équipe, car Pluton a une atmosphèreatmosphère si fine aujourd'hui. Soit elle était plus épaisse dans le passé, soit un processus que nous n'avons pas encore compris est à l'œuvre. C'est à s'arracher les cheveux. » Tout apparaît effectivement plus complexe qu'on n'osait l'imaginer.

    Deux vues différentes de l’atmosphère de Pluton, photographiées en contre-jour, à environ 770.000 km de sa surface, 16 heures après le survol de la planète naine. L’image de droite montre une multitude de couches de brumes qui n’avaient pas été observées auparavant. Moins retravaillée, l’image de gauche laisse entrevoir des reliefs sur le limbe de Pluton éclairés par le crépuscule. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Deux vues différentes de l’atmosphère de Pluton, photographiées en contre-jour, à environ 770.000 km de sa surface, 16 heures après le survol de la planète naine. L’image de droite montre une multitude de couches de brumes qui n’avaient pas été observées auparavant. Moins retravaillée, l’image de gauche laisse entrevoir des reliefs sur le limbe de Pluton éclairés par le crépuscule. © Nasa, JHUAPL, SwRI

    Des crépuscules sur Pluton

    Parmi les nouvelles images qui ont voyagé jusqu'à la Terre durant environ 4 h 30, à la vitesse de la lumière, de nouvelles vues de l'atmosphère de Pluton montrent que les couches de brumesbrumes sont plus nombreuses que le pensaient les scientifiques. Cette nébulosité ténue produit un « effet de crépusculecrépuscule » qui éclaire légèrement les régions où le SoleilSoleil, distant de plus de 5 milliards de kilomètres, est en train de se coucher.

    « Cette vue crépusculaire est un merveilleux cadeau que Pluton nous fait, commente le géophysicien John Spencer, responsable adjoint du SwRI. Maintenant, nous pouvons étudier la géologiegéologie de terrains que nous ne nous attendions jamais à voir. »

    Dans son communiqué, la NasaNasa indique que de nouvelles images des satellites naturels, NixNix et HydreHydre, dans le système Pluton-CharonCharon, devraient arriver ces jours-ci. L'agence spatiale américaine nous invite d'ailleurs à consulter régulièrement la galerie d’images brutes (raw)) de la mission acquises avec le télescopetélescope Lorri (Long Range Reconnaissance Imager), afin de ne pas en manquer une miette.