au sommaire
Une vue d'artiste d'un collision entre planètes à l'aube de la formation du Système solaire. Les éjectas de matière fondue par la chaleur libérée par l'impact seraient à l'origine des chondres. © Nasa
Comme nous l'avait expliqué l'astronomeastronome Pierre Barge, on distingue deux grandes étapes dans les modèles de formation des planètes du Système solaire. « La première est dominée par l'écoulement du gaz autour du jeune Soleil dans un disque dit protoplanétaire. Ce gaz est parsemé de poussières qui s'agglutinent pour former des planétésimaux, c'est-à-dire des petits corps célestes dont la taille dépasse le kilomètre. La durée de cette phase est mal connue (sans doute 10.000 ans). Elle est suivie par un second stade dominé par les interactions gravitationnelles et qui conduit, en moins de 100.000 ans, à la formation d'embryonsembryons de planètes ayant la taille de la Lune. Il reste à ces embryons à capturer le gaz environnant, les plus gros d'entre eux conduisant aux planètes gazeusesplanètes gazeuses comme JupiterJupiter ou SaturneSaturne. Tout ceci doit être terminé avant la dissipation totale du gaz au bout de quelques millions d'années. »
« La phase gravitationnelle est relativement bien comprise, avait ajouté le chercheur. Depuis les travaux de Viktor Safronov et George Wetherill qui ont été des pionniers dans ce domaine, il y a eu de nombreuses études numériquesnumériques sur cette étape. Elles ont validé certains mécanismes de formation des planètes à partir de collisions entre planétésimaux, et permis de mieux comprendre les interactions entre ces planètes et les réajustements qui se sont opérés ensuite dans le Système solaire (le Grand bombardement tardif par exemple) ».
Mais l'astronome, qui avait proposé en 1995 avec son collègue le physicienphysicien Joël Sommeria un modèle résolvant une énigme de la formation des planètes, ne cachait pas que « c'est la phase "disque de gaz et de poussières" qui pose le plus de problèmes et qui est la plus mal comprise. Les modèles sont incomplets et pauvrement contraints ». Un récent rebondissement dans la théorie de la formation des planètes dû à des chercheurs du MIT et de la Purdue University le démontre à nouveau. Comme ils l'expliquent dans un article de Nature, les chercheurs se sont penchés sur le problème de l'origine de chondreschondres.
Une coupe de la météorite d'Allende. Chaque cercle blanc, gris ou beige représente la section d'un chondre. Ces chondres sont inclus dans une matrice (mélange de silicates et de fer), ici de couleur gris foncé. © Wikipedia-Shiny Things, Pierre Thomas
Les chondres, des constituants des météorites primitives
Rappelons que les chondres sont des petits grains sphériques d'environ 1 mm de diamètre (de 0,1 à 3 mm) inclus dans la matrice ferrosilicatée de certaines météoritesmétéorites que l'on appelle pour cette raison des chondriteschondrites. Les plus célèbres sont les chondrites carbonées, dont un fameux exemple est celle dite d'Allende, parfois qualifiée de pierre de RosetteRosette de l'histoire de la formation du Système solaire. La forme sphérique des chondres prouve qu'ils ont été liquidesliquides et ont cristallisé en état d'apesanteurapesanteur. Si l'étude de leur structure avait indiqué qu'ils se sont refroidis très rapidement (de quelques minutes à quelques heures), elle restait muette sur l'origine du liquide lui-même. Par quels mécanismes la matièrematière très primitive du Système solaire avait-elle été portée à des températures de l'ordre de 1.000 kelvinskelvins ? Les chondres se trouvant dans les météorites les plus anciennes, on avait souvent proposé des ondes de chocs ou des décharges électriques dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire riche en gaz et en poussières. Les chondres auraient ensuite été capturés par le processus de formation des planétésimaux, lesquels ont précédé la formation des premières petites planètespetites planètes.
L'article de Nature constitue une petite révolution puisqu'il propose que plutôt que de constituer l'un des matériaux de base de la constructionconstruction des premières planètes, les chondres en sont en fait le sous-produit !
Northwest Afrika 5507 (NWA 5507), une chondrite ordinaire primitive trouvée au Maroc en 2008. © Meteorites Australia Collection
Les chondres, un sous-produit de la formation des planètes
Brandon Johnson, du MIT, fait partie de ces chercheurs qui modélisent l'effet des impacts des corps célestes. Il s'est en particulier intéressé à la formation de gouttelettes de roches fondues lors de la chute de l'astéroïde à l'origine de l'astroblèmeastroblème de Chicxulub il y a environ 65 millions d'années. Lui et ses collègues ont voulu tester l'hypothèse que les chondres soient eux aussi des produits d'impacts entre petits corps célestes.
Les chercheurs ont commencé par modéliser ce processus de formation pour déterminer quelles devaient être les tailles des corps célestes capables de produire et d'éjecter ces gouttelettes dans l'espace interplanétaire. Ils sont parvenus à la conclusion qu'elles devaient être le fruit de collisions entre des objets dont les tailles sont comprises entre celle de Vesta et celle de la Lune. Ces objets se seraient formés en 10.000 ans environ tout au plus.
Surtout, il s'est avéré que ce processus est très efficace pour produire l'immense quantité de chondres qui devaient être présents au tout début de la formation du Système solaire pour rendre compte de l'abondance de chondrites aujourd'hui observée. Mais le véritable moment de vérité pour Johnson et ses collègues s'est produit quand est tombé le résultat de leurs calculs sur le temps de refroidissement spécifique des gouttes de roches fondues provenant des collisions des objets étudiés. Il s'agissait exactement de celui déduit de l'étude des chondres. Toutes les pièces du puzzle semblaient donc s'être enfin mises en place.
Si cette découverte venait à se confirmer, il faudra en venir à réviser les informations déduites de l'étude des chondrites sur la formation des planètes du Système solaire puisque qu'elles n'en constitueraient plus les éléments de constructions les plus anciens.