La météorite Erg Chech 002 vient de battre un record. C'est la lave la plus ancienne du Système solaire connue à ce jour et elle s'est formée avec la croûte d'une protoplanète aujourd'hui disparue plus ancienne que la Terre.
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Au cours du XXe siècle, la cosmogonie est devenue scientifique et, grâce à la découverte de la radioactivité et au progrès rapide de la théorie atomique basée sur la découverte de l'électron et du noyau, il a été possible de dater les roches et, finalement, la naissance de la Terre et du Système solaire il y a environ 4,56 milliards d'années.
L'histoire de la saga menant à cette extraordinaire détermination est si riche qu'un livre entier est nécessaire pour l'exposer, et même deux. En l'occurrence et, en tout premier lieu, celui de Claude Allègre, De la pierre à l'étoile, et celui de Steven Weinberg. Elle a commencé par les travaux de Rutherford, Francis Aston et Arthur Holmes (pour ne citer qu'eux) qui vont découvrir que les roches contiennent un véritable sablier via la désintégration radioactive des atomes dont on peut déterminer les quantités présentes grâce à la spectrométrie de masse. D'autres pionniers prendront le relais en transposant les méthodes et les outils à l'étude des météoritesmétéorites, en particulier Clair Patterson.
Des météorites aux protoplanètes
La saga se poursuit et elle est notamment nourrie par les modèles décrivant comment un nuagenuage de poussières et de gazgaz s'est effondré gravitationnellement il y a donc plus de 4,5 milliards d'années (probablement sous l'effet déstabilisateur du souffle d'une supernova qui l'a comprimé) en donnant un disque protoplanétairedisque protoplanétaire entourant le jeune SoleilSoleil. Dans ce disque, les poussières vont coaguler en donnant des cailloux puis, des rochers qui vont grandir par un effet boule de neige et, sous l'influence de l'attraction gravitationnelle, pour donner des planétésimaux, des corps dont les tailles sont comprises entre 10 et 1000 km. Le processus d'accrétionaccrétion va ensuite se poursuivre avec des collisions entre les planétésimaux qui vont donner des protoplanètes et finalement les planètes rocheusesplanètes rocheuses que nous connaissons.
Entretiens avec Manuel Moreira, professeur à l'université Paris-Diderot, et des membres de l'équipe de géochimie de l'IPGP. © Chaîne IPGP, YouTube
Les météorites trouvées sur Terre gardent la mémoire et les dates de tous ces événements. Ainsi, ayant atteint une certaine taille, de grands planétésimaux, et a fortiori des protoplanètes, vont se mettre à fondre partiellement en raison de la chaleurchaleur libérée par la désintégration radioactive de certains isotopesisotopes à courte duréedurée de vie (l'aluminium 26 en particulier) qui étaient encore présents en abondance dans la matièrematière du Système solaire au cours des premiers millions d'années de son existence.
Ces petits corps célestes formés initialement de matériaux dits chondritiques, car similaires aux météorites appelées chondriteschondrites telles la célèbre Allende, vont donc se différentier chimiquement et physiquement en formant comme la Terre un noyau métallique entouré d'un manteaumanteau et d'une croûtecroûte. Nous savons donc qu'il y a eu des volcansvolcans et, plus généralement, des processus magmatiques à la surface de protoplanètes aujourd'hui disparues car nous avons des météorites parmi celles appelées achondrites qui sont proches des roches ignéesroches ignées terrestres, par exemple de certains basaltesbasaltes.
Un échantillon en coupe de Erg Chech 002. © Meteorite Videos
La plus vieille lave connue du Système solaire
Aujourd'hui, on en a un nouvel exemple avec la publication d'un article dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) par une équipe de chercheurs appartenant largement au CNRS. Elle concerne une météorite découverte en mai 2020 sous forme de plusieurs fragments dont certains provenaient de la région de Bir Ben Takoul, dans le sud de l'Algérie, plus précisément dans la mer de sablesable de l'ErgErg Chech. La météorite en question a finalement été baptisée Erg Chech 002.
Les analyses minéralogiques et chimiques ont permis d'établir rapidement que l'on était en présence d'une roche similaire aux andésitesandésites connues sur Terre et qu'il s'agissait donc d'un fragment de la croûte d'une protoplanète aujourd'hui disparue, soit parce qu'elle a été avalée par une planète lors de sa formation, soit qu'elle a été détruite à la suite d'une collision avec un autre embryonembryon planétaire.
Mais ce qui rend vraiment spectaculaire cette découverte, c'est que la datation du refroidissement de la lavelave issue d'un réservoir de magmamagma partiellement fondu dans la croûte de la protoplanète en question montre que la roche s'est formée non seulement avant la naissance de la Terre mais qu'il s'agit de la plus ancienne lave connue à ce jour de la noosphère, dans le Système solaire.
Son âge est estimé à 4,5650 milliards d'années et elle est donc à peine plus vieille que la précédente lave détenant le record, NWA 11119, une météorite dont l'âge avait été estimé à 4564.8 ± 0.3 millions d'années et dont la composition est intermédiaire entre celle des andésites et des dacites terrestres.
Mojo, pour Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire « modélisation de l'origine des planètes joviennes », est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire, en particulier de celle des géantes gazeuses. On doit ces vidéos à deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais apparaissent alors. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat