Les particules de matière noire sont peut-être juste sous notre nez si l'on en croit trois spécialistes des astroparticules. Accumulées par le Soleil et concentrées dans son intérieur depuis des milliards d'années, elles modifieraient la façon dont la chaleur se propage du cœur à la surface. Cette hypothèse faite dans le cadre de la théorie de la matière noire asymétrique résoudrait le problème de la composition solaire.

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    Les observations de Planck ont spectaculairement consolidé le modèle standard en cosmologie. Ce dernier repose sur l'existence de particules de matière noirematière noire échappant aux équations du modèle standard en physique des particules élémentaires. PhysiciensPhysiciens et cosmologistes sont donc perplexes. D'autant plus qu'il n'existe toujours pas de signes de l'existence de ces particules malgré les nombreuses expériences qui tentent de les détecter sur Terre, comme par exemple LUX.

    Les astrophysiciensastrophysiciens sont eux aussi partis à la chasse aux particules de matière noire, notamment en étudiant les rayons cosmiques avec l'expérience AMSAMS ou avec le télescopetélescope Fermi, qui scrute l'universunivers en gamma. Certains chercheurs se demandent depuis des années si le SoleilSoleil lui-même ne pourrait pas trahir la présence de ces mystérieuses particules. Un article récemment déposé sur arXiv par un groupe de chercheurs travaillant dans le domaine des astroparticulesastroparticules explore à nouveau cette possibilité. Les trois physiciens en question sont Aaron Vincent, de l'université de Durham (Royaume-Uni), Pat Scott, de l'Imperial College London (Royaume-Uni) et Aldo Serenelli, de l'Institut de Ciències de l'Espai (Espagne). Ensemble, ils ont tenté de trouver une solution au fameux problème de la composition solaire au moyen d'un modèle particulier en physique des hautes énergiesénergies, celui de la matière noire asymétrique ( ADM ou asymmetric dark matter en anglais).

    Un conflit entre les modèles de structure interne du Soleil

    Rappelons que les physiciens solaires sont confrontés depuis quelque temps à un conflit entre les données issues de la spectroscopie et celles de l'héliosismologie. Les progrès de la première ont permis d'affiner la détermination de la composition chimique précise de l'atmosphèreatmosphère solaire et donc du Soleil lui-même. D'un autre côté, l'héliosismologiehéliosismologie est devenue un outil pour sonder en profondeur la structure de notre étoileétoile et de la comparer aux modèles issus de la théorie de la structure stellaire. Les spécialistes en sismologiesismologie solaire sont en effet capables des mêmes prouesses que les géophysiciens terrestres. Ils se basent sur l'existence d'ondes sonoresondes sonores qui se propagent dans le Soleil et font vibrer sa surface. De même que sur Terre la sismologie permet de remonter au profil de densité et à la composition des roches à l'intérieur du Globe, il est possible, grâce à l'héliosismologie, de recueillir des informations sur la structure du Soleil et les mouvementsmouvements de convectionconvection qui s'y produisent.

    Malheureusement, les caractéristiques du transfert de chaleurchaleur à l'intérieur du Soleil déduites par sa composition chimique, elle-même obtenue par l'étude du spectrespectre solaire, ne sont pas en accord avec les renseignements fournis par l'héliosismologie. On peut tenter d'éliminer ce conflit en modifiant l'hypothèse sur la façon dont le transfert de chaleur se fait dans notre étoile, en l'occurrence en faisant intervenir de la matière noire qui se serait accumulée dans le Soleil depuis des milliards d'années.

    Sur la gauche, on voit la structure interne du Soleil avec son cœur (core en anglais) où l'hydrogène brûle pour donner de l'hélium. L'essentiel du Soleil est dominé par la zone radiative (en jaune), celle où le transfert de chaleur se fait par rayonnement. En surface, on voit la zone convective, où c'est la convection dans un fluide qui assure ce transfert (comme dans l'eau d'une casserole qui bout). Sur la partie droite de ce schéma est représentée une géante rouge beaucoup plus grande que le Soleil (échelle en bas à droite) et dominée par la convection. Elle brûle son hydrogène autour de son cœur en hélium. © ESO

    Sur la gauche, on voit la structure interne du Soleil avec son cœur (core en anglais) où l'hydrogène brûle pour donner de l'hélium. L'essentiel du Soleil est dominé par la zone radiative (en jaune), celle où le transfert de chaleur se fait par rayonnement. En surface, on voit la zone convective, où c'est la convection dans un fluide qui assure ce transfert (comme dans l'eau d'une casserole qui bout). Sur la partie droite de ce schéma est représentée une géante rouge beaucoup plus grande que le Soleil (échelle en bas à droite) et dominée par la convection. Elle brûle son hydrogène autour de son cœur en hélium. © ESO

    Une asymétrie matière-antimatière aussi avec la matière noire

    C'est ici qu'interviennent deux hypothèses en quelque sorte emboîtées. La première est celle de la théorie de la matière noire asymétriqueasymétrique. De quoi s'agit-il ? Les données de PlanckPlanck nous disent que 4,9 % de la densité du cosmoscosmos provient de la présence de baryonsbaryons alors que 26,6 % proviendrait des particules de matière noire. Ces nombres sont relativement proches, s'agit-il d'une simple coïncidence, d'un accidentaccident historique ou bien existe-t-il une raison théorique profonde reliant la quantité de particules de matière normale produite pendant le Big BangBig Bang à celle de particules de matière noire ?

    Il est possible de construire des modèles dans ce sens. D'une manière remarquable, ces modèles se trouvent aussi liés à la fameuse énigme de l'antimatière cosmologique. Les lois connues de la physique impliquent que, selon le modèle standard, il devrait exister autant de particules de matière que d'antimatièreantimatière dans le cosmos. Or, il n'en est rien. Une explication peut être trouvée en postulant de la nouvelle physique (par exemple en s'appuyant sur l'existence de fermions de Majorana) impliquant une asymétrie entre les particules de matière et d'antimatière. Le modèle de la matière noire asymétrique relie la genèse de la matière noire à celle de la matière normale et il aboutit de plus à la conclusion qu'il a également existé une asymétrie matière-antimatière dans le cas de la production de particules de matière noire, de sorte qu'il existe de nos jours beaucoup plus de particules que d'antiparticulesantiparticules de matière noire. Cela expliquerait aussi pourquoi il n'existe pas (même si on les cherche) de signes de l'annihilation de particules et d'antiparticules de matière noire puisque les premières seraient bien plus abondantes que les secondes.

    Certaines des particules de matière noire massives traversant le Système solaire depuis des milliards d'années ont dû être capturées par le champ de gravitation du Soleil. Elles auraient fini par plonger dans l'intérieur de notre étoile. En émettant l'hypothèse qu'elles peuvent faiblement interagir avec les baryons du Soleil, il est possible de montrer qu'elles vont aussi y modifier les transferts de chaleurs. © Aaron Vincent, <em>Durham University</em>

    Certaines des particules de matière noire massives traversant le Système solaire depuis des milliards d'années ont dû être capturées par le champ de gravitation du Soleil. Elles auraient fini par plonger dans l'intérieur de notre étoile. En émettant l'hypothèse qu'elles peuvent faiblement interagir avec les baryons du Soleil, il est possible de montrer qu'elles vont aussi y modifier les transferts de chaleurs. © Aaron Vincent, Durham University

    La seconde hypothèse avancée par les trois astrophysiciens est que, contrairement à ce qui est supposé dans bien des modèles de matière noire, les baryons et les particules de matière noire seraient capables d'interagir selon une loi dépendant de la quantité de mouvementquantité de mouvement de ces particules. Magiquement, les deux hypothèses avancées par les chercheurs semblent rétablir un très bon accord entre les données de la spectroscopie et celles de l'héliosismologie si l'on suppose que les particules de matière noire ont une massemasse de 3 GeVGeV, soit trois fois celle d'un protonproton.

    Faut-il en conclure que l'on a effectivement fait d'une pierre deux coups : résoudre un épineux problème de l'astrophysiqueastrophysique solaire et un autre de la cosmologie et de la physique théorique ? Il est encore bien trop tôt pour l'affirmer. Mais on ne devrait peut-être pas tarder à le savoir car les collisions de protons vont reprendre cette année au LHC. Selon les chercheurs, le grand collisionneur de Genève devrait permettre de tester leurs idées.