Alors que le rover Perserverance de la Nasa atterrira sur Mars dans 50 jours, Airbus développe le satellite ERO qui récupérera en orbite les échantillons collectés par Perseverance et les rapportera sur Terre. Christian Lebranchu, chef de projet chez Airbus d'ERO, nous explique la mission de ce satellite et ses particularités techniques.


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    Cet été, le lancement du rover Perseverance de la Nasa, à destination de la planète Mars, a donné le coup d'envoi de l'ambitieuse mission de retour d'échantillons martiens que préparent la Nasa et l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne. Cette mission se déroulera en plusieurs étapes et s'étalera sur une dizaine d'années. Elle comprendra plusieurs éléments réalisés par la Nasa et l'ESA. L'Europe réalisera le satellite de capture et de retour vers la Terre, le fetch rover, le bras de récupération et de transfert des échantillons dans le conteneur.

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    Baptisé ERO (Earth Return Orbiter), le satellite de capture et de retour sera le tout « premier satellite à ramener des échantillons sur Terre depuis Mars », explique Christian Lebranchu, chef de projet chez Airbus. Il sera  « développé et construit par Airbus dans l'usine de Toulouse tandis que le site de Stevenage, au Royaume-Uni, réalisera l'analyse de la mission ». Au cours de sa mission de cinq ans qui devrait débuter en 2026, ERO rejoindra Mars, fera office de relais de communication pour les missions de surface et procèdera au rendez-vous avec les échantillons en orbite qu'il rapportera en sécurité sur la Terre.

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    Dans le détail, ERO devra être capable de « détecter, arrimer et capturer un objet de la taille d'un ballon de basketball, appelé Orbiting Sample (OS) développé par le Centre Goddard de la Nasa, qui abritera les tubes contenant les échantillons ». La manœuvre, qui sera réalisée à 400 kilomètres de la planète sur un fond étoilé, ne sera pas simple. Un ensemble de « capteurs, de senseurssenseurs et d'algorithmes de détection et de capture seront mis en œuvre ». Une fois récupéré, l'OS sera scellé hermétiquement dans un système de confinement secondaire et placé dans l'EEV (Earth Entry Vehicle), « qui fait office de troisième système de confinement ».

    La partie orbitale de la mission de retour d'échantillons martiens de la Nasa et de l'ESA résumée en une image. De gauche à droite, l'étage de remontée avec les échantillons, le satellite ERO avec le module OIM, le petit conteneur à récupérer en orbite martienne et la capsule de retour sur Terre avec, à son bord, le conteneur qui abrite les échantillons martiens. © ESA, ATG-Medialab
    La partie orbitale de la mission de retour d'échantillons martiens de la Nasa et de l'ESA résumée en une image. De gauche à droite, l'étage de remontée avec les échantillons, le satellite ERO avec le module OIM, le petit conteneur à récupérer en orbite martienne et la capsule de retour sur Terre avec, à son bord, le conteneur qui abrite les échantillons martiens. © ESA, ATG-Medialab

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    Le but étant que rien de ce qui a touché la surface ou l’atmosphère martienne ne soit en contact directement avec l'atmosphèreatmosphère terrestre. Les échantillons arriveront ainsi sur Terre intacts afin de fournir un maximum de données scientifiques. Après l'atterrissage, les échantillons seront transférés dans des installations spéciales où ils seront placés en quarantaine. Il faudra un an à l'ERO pour effectuer son voyage de retour vers la Terre. L'EEV sera envoyé vers un site d'atterrissage prédéfini, dans le désertdésert de l'Utah aux États-Unis, puis l'ERO se positionnera « pour se conformer aux règles de la protection planétaire », sur une orbite héliocentriquehéliocentrique stable autour du SoleilSoleil, « sans risque de collision avec la Terre au cours des 150 prochaines années ».

    Pour le réaliser, Airbus s'appuiera sur de nombreux acquis en matièrematière de « rendez-vous et d'arrimage autonome ainsi que sur son expérience de plusieurs décennies dans le domaine de la navigation optique ». Il s'appuiera également sur les technologies déployées avec succès pour « l'ATVATV (Véhicule de transfert automatique) et les récents développements de la sonde Juice, première mission européenne à destination de JupiterJupiter, concernant les phases de détection de l'OS, de navigation et de contrôle dynamique lors de la manœuvre d'insertion en orbite martienne ». ERO n'embarquera pas de nouvelles technologies mais s'appuiera sur d'autres déjà existantes « avec un niveau de qualification très poussé ».

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    D'une massemasse au lancement de 6,5 tonnes, ERO utilisera un système de propulsion hybridehybride optimisé qui « associe propulsion électrique pour les phases de croisière et de changement d'altitude orbitaleorbitale, et propulsion chimique de forte poussée pour l'insertion dans l'orbite martienne ». Ce choix d'une propulsion hybride s'explique par plusieurs contraintes liées au lanceurlanceur Ariane 6Ariane 6 et à la nature même de la mission. La propulsion électrique sera utilisée pour les « phases de croisière et de changement d'altitude orbitale requérant une poussée modeste mais très efficace » tandis que la propulsion chimique pour « l'insertion en orbite martienne nécessitera une forte poussée au moment clé de l'arrivée de ERO au proche voisinage de Mars ».

    Un satellite à l'architecture inédite pour réaliser la mission 

    Les propulseurspropulseurs électriques seront fournis par ArianeGroup. Il s'agit du modèle RIT (Radiofrequency Ionization Thrusters) qui dispose d'un mode de forte poussée pour les manœuvres de transfert d'orbite. Ce type de moteur à grille plasmique est le seul à « fournir une poussée relativement forte » et capable d'un « régime moteur jamais vu ». Le satellite sera équipé de quatre propulseurs mais trois seront nécessaires à la mission. Au niveau performance, chaque moteur devra être « capable de fournir des poussées de 250 milli-newtonsnewtons et des impulsions spécifiquesimpulsions spécifiques de 4.000 secondes » ! 20.000 heures de test sont prévues pour qualifier ce moteur.

    Pour alimenter les moteurs électriques et obtenir le surplus d'accélération nécessaire pour atteindre Mars, ERO utilisera des panneaux solaires. D'une envergure de 40 mètres et d'une surface de 144 m2, ils seront « les plus grands jamais construits pour un satellite » ! Seuls, ceux de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale sont plus grands. Autre particularité, ces panneaux auront besoin de « résister à des charges mécaniques assez importantes, d'où un certain nombre de renforcement pour garantir leur bonne tenue mécanique ».

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    Pour cette mission, il faut savoir qu'Ariane 64 n'aurait pas été capable de lancer directement vers Mars un satellite embarquant avec lui tout le carburant nécessaire à sa mission ! ERO emportera un module d'insertion en orbite (OIM) qui fera l'objet d'un article distinct. Cet étage propulsif sera réalisé par Thales Alenia Space. Il est conçu pour « freiner ERO après le long voyage de la Terre à Mars ». Cette architecture étagée avec propulsion combinée est le meilleur compromis trouvé par l'ESA et Airbus pour optimiser le ratio masse structurelle/carburant afin de limiter l'emport d'ergolsergols liquidesliquides sur ERO, et donc de masse.

    OIM sera « utilisé pour amener ERO sur une orbite elliptique de 1.000 km x 400 km ». Depuis cette position, ERO servira de « relais de communication entre la Terre et les rovers de la mission de retour d'échantillons : Perserverance de la Nasa, et le Fetch Rover de l'ESA ». En fin de mission, l'OIM sera détaché d'ERO et placé sur une « orbite relativement stable autour de Mars afin d'éviter qu'il ne tombe sur la Planète d'ici 20 à 50 ans ».