Voilà plus de 20 ans que les scientifiques s’arrachent les cheveux sur la question de l’origine du méthane observé dans l’atmosphère de Mars, et plus spécifiquement dans le cratère Gale où séjourne actuellement le rover Curiosity. Sur la base d’expériences en laboratoire, une nouvelle étude pourrait cependant apporter des réponses. Celles-ci révèlent que le rover serait bien impliqué dans cette histoire mystérieuse !
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Parmi toutes les énigmes qui entourent la planète Mars, celle du méthane est certainement l'une des plus intrigante. Détecté depuis 2003 dans l’atmosphère martienne mais à des taux excessivement bas, ce gaz qui est souvent synonyme d’activité bactérienne (sur Terre tout du moins), est la source d'intenses débats, notamment en ce qui concerne son origine. Les discussions prennent de l'ampleur lorsque le rover CuriosityCuriosity en détecte directement dans le fond du cratère Gale, où il évolue depuis 2012.
Du méthane détecté par Curiosity dans le fond du cratère Gale
Du méthane suinterait donc du sol martien, en très faible quantité, certes, mais suffisamment pour être détecté par l'instrument du rover nommé SAM (Sample Analysis at Mars). Problème, et pas des moindres : ce phénomène semble exclusivement restreint au cratère Gale, aucune trace de méthane n'ayant été détecté ailleurs à la surface de Mars. Une coïncidence tout de même très étrange. De plus, si de précédentes analyses ont montré la présence de quelques molécules de méthane dans l'atmosphèreatmosphère, la sonde ExoMarsExoMars Trace Gas Orbiter, qui comme son nom l'indique est spécialement conçue pour la détection de gaz dans l'atmosphère au-dessus de quatre à huit kilomètres d'altitude, n’a rien observé du tout. Une précédente étude (voir l'article ci-dessous) propose cependant une explication permettant de réconcilier les observations de Curiosity et d'ExoMars en montrant que le moment de la mesure (pendant le jour ou la nuit) pourrait être en cause. Mais cela n'explique pas l'origine du méthane martien.
Si les scientifiques ont un temps pensé que les matériaux composant Curiosity pouvaient être eux-mêmes à l'origine de ces émanations, cette hypothèse a vite été abandonnée faute de preuve. Pourtant, une nouvelle étude publiée dans la revue JGR Planets révèle que le rover aurait bien quelque chose à voir dans cette histoire.
Du méthane emprisonné sous une croûte de sel et libéré par le passage du rover
Une équipe de scientifiques de la Nasa s'est donc retroussé les manches pour s'attaquer à l'épineux problème du méthane martien. Sur la base d'expériences en laboratoire et de modélisationsmodélisations, les chercheurs suggèrent ainsi que le méthane, produit par divers processus géologiques au sein du sous-sol martien, serait emprisonné sous une couche de sulfate présent en surface. Les variations saisonnières de la température, mais également entre le jour et la nuit, viendraient modifier l'étanchéitéétanchéité de cette croûtecroûte de sel, permettant au méthane de s'échapper en très faible quantité. Ce processus expliquerait les variations dans les quantités de méthane émanant du sol. Les bouffées plus importantes mesurées par Curiosity, jusqu'à 40 fois plus que les taux de ce « bruit de fond », pourraient par contre s'expliquer tout simplement par... le passage du rover. Le poids de Curiosity produirait en effet de minuscules fractures dans la croûte de sulfate, permettant une libération soudaine de gaz.
Une hypothèse qui permettrait d'expliquer pourquoi du méthane n'est détecté en quantité quelque peu substantielle que dans le cratère Gale !
Le mystère du méthane sur Mars est-il en passe d'être résolu ?
Sur Mars, du méthane (CH4), certains en voient. D'autres n'en voient pas. Et cela intrigue les astronomesastronomes depuis plusieurs années maintenant. Mais enfin, des chercheurs proposent une explication. La détection dépendrait fortement du moment de la journée auquel les mesures sont effectuées.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 30 juin 2021
C'est en 2004 que c'est arrivé pour la première fois. Du méthane (CH4) a été repéré sur Mars par la sonde européenne Mars Express. Et si la découverte a tant excité les astronomes, c'est parce que, sur Terre, ce sont notamment les microbesmicrobes -- ceux qui aident les animaux à digérer -- qui produisent du méthane : la vie, en d'autres mots. Alors, même si des processus géologiques peuvent aussi en produire, trouver des traces de méthane sur Mars, c'est enthousiasmant. D'autant que ce gaz aurait une duréedurée de vie dans l'atmosphère martienne de quelque 300 ans seulement. Si nos instruments en détectent, cela ne peut donc être que le résultat d'une injection relativement récente.
Voilà qui est posé. Mais, au-delà de l'énigme de l'origine du méthane sur Mars, les astronomes se heurtent depuis quelques années à un autre mystère. Car si, outre Mars ExpressMars Express, le rover Curiosity (Nasa) a, à plusieurs reprises, détecté du méthane au-dessus de la surface du cratère Gale, la mission européenne ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO) n'a jamais réussi à confirmer la présence de ce gaz plus haut dans l'atmosphère.
Certes, les quantités de méthane détectées par Curiosity restent infimes. Moins d'une demi-partie par milliard (ppb). L'équivalent d'une pincée de sel dans une piscine olympique. Tout de même avec des pointes de concentration pouvant atteindre les 20 ppb. « Mais lorsque l'équipe européenne a annoncé qu'elle ne voyait pas de méthane, j'ai été définitivement choqué », se souvient Chris Webster, responsable de l'instrument Tunable LaserLaser Spectrometer (TLSTLS) de Curiosity, interrogé par la Nasa. Car TGO a été conçu pour être l'étalon-or de la mesure de gaz dans l'atmosphère de Mars.
Et si Curiosity et TGO avaient tous les deux raison ?
Les chercheurs ont alors d'abord soupçonné Curiosity de produire lui-même le CH4 qu'il détectait. Ils l'ont analysé sous toutes les coutures : la façon dont il concasse les roches, la manière dont ses roues se dégradent, etc. Pour conclure sans appel que les mesures réalisées par le rover sont correctes.
Et puis, des planétologues ont suggéré qu'il n'y avait ni mystère ni erreur. Que Curiosity et TGO pourraient avoir tous les deux raison. Que les écarts de mesures observés pourraient simplement être liés à l'heure à laquelle ces mesures sont effectuées.
Les chercheurs précisent en effet que l'instrument TLS utilisé par Curiosity pour mesurer le méthane ne peut fonctionner que la nuit. Il est en effet gourmand en énergieénergie et doit attendre, pour se réveiller, que tous les autres instruments soient mis à l'arrêt. Or la nuit, l'atmosphère martienne est plutôt calme. Un méthane suintant du sol aura toutes les chances de s'accumuler près de la surface et d'être détecté par Curiosity.
Comment le méthane peut-il disparaître de l’atmosphère de Mars ?
TGO, de son côté, a besoin de la lumière du Soleil pour chercher des traces de méthane à quelque cinq kilomètres au-dessus du sol. Mais la chaleurchaleur de la journée brasse l'atmosphère. Et le méthane concentré au niveau du sol la nuit, se retrouve dilué dans l'atmosphère quelques heures plus tard. À des niveaux soupçonnés être indétectables.
C'est ce que les astronomes viennent de confirmer. Ils ont exceptionnellement mobilisé le rover Curiosity pour des mesures en journée. Et l'instrument TLS n'a... rien trouvé non plus ! Voilà qui résout donc le problème. Du moins en apparence. Parce que si du méthane suinte constamment du sol martien et que sa durée de vie dans l'atmosphère est de quelque 300 ans, il aurait tout de même dû s'en accumuler suffisamment pour que TGO en détecte.
Reste donc désormais à comprendre ce qui détruit le méthane dans l'atmosphère de Mars. Peut-être des décharges électriques de très faible intensité induites par la poussière martienne. Ou encore l'action d'un oxygèneoxygène abondant à la surface qui détruirait le CH4 avant qu'il atteigne la haute atmosphère. Des expériences sont en cours.