Comprendre le passé hydrique de Mars passe notamment par l’analyse des anciens lits de rivières. Les sédiments déposés à l’intérieur des méandres révèlent d’ailleurs que la surface de Mars a subi des événements d’inondations catastrophiques.
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Mars est sillonnée par de nombreux chenaux, vestiges d'un passé lointain durant lequel des fleuves et rivières coulaient à sa surface. À première vue, ce système fluviatile semble relativement similaire à ce que l'on connait sur Terre. Mais à y regarder de plus près, il apparait que l'architecture de ces anciens lits de rivière diffère notablement de celle de nos analogues terrestres. La façon dont se sont construits les chenaux martiens donne ainsi de précieuses informations sur la dynamique du système fluviatile martien et son évolution au cours du temps.
Comprendre le comportement hydrologique d’une rivière grâce à ses barres de méandre
Comme tout milieu hydrique, les chenaux sont soumis à l'action de l'eau, qui va d'un côté éroder les roches du fond et des berges, et d'un autre côté déposer les particules sédimentaires transportées par le courant. Les méandres sont l’illustration de ce processus couplé d’érosion et de sédimentation : alors que la partie externe du chenal sera soumise à l'action érosive du courant, la partie interne, où le courant est moins fort, sera un lieu favorable au dépôt des sédimentssédiments précédemment arrachés.
Ainsi évoluent les méandres, au fil du temps : tandis qu'une berge est grignotée, accentuant la courbure du chenal, la berge située en face est en constructionconstruction (aggradation). Les dépôts sédimentaires vont venir en effet combler graduellement l'intérieur du méandre en formant ce que l'on appelle une barre de méandre.
Habituellement, ces formations sédimentaires très classiques, que l'on retrouve dans la plupart des rivières terrestres, croissent lors d'événements d'inondationsinondations. Cette croissance est d'ailleurs visible dans la structure des barres de méandre sous la forme de linéation au sein des dépôts et d'une structure en marches d'escalierescalier. L'étude de l'architecture des barres de méandre permet ainsi de déterminer le comportement hydrologique passé de la rivière mais également d'identifier certains changements environnementaux.
Des chenaux martiens sans équivalent terrestre
Or, sur Mars, ce type de dépôts fluviatile a également été observé au sein d’anciens chenaux méandriformes, dans la région d'Aeolis Dorsa. Des chercheurs se sont donc intéressés à l'architecture de ces barres de méandres à partir d'images de haute résolutionrésolution obtenues à partir de l'orbite martienne (HiRISE). Leurs résultats, publiés dans la revue Geology, montrent une aggradation de très forte magnitude au niveau des barres de méandre. Celles-ci se seraient construites lors d'événements très importants, charriant à chaque fois d'énormes quantités de sédiments.
Cette architecture n'est d'ailleurs pas fréquente sur Terre. Les chenaux sous-marins, qui servent au transport de grandes masses de sédiments (sortes d'avalanchesavalanches sous-marines) le long des talus continentaux, pourraient représenter les analogues les plus proches de ce qui est observé sur Mars. Concernant les chenaux créés par les rivières terrestres, aucun ne présente cette topographie extrême, qui résulte certainement de conditions hydrologiques bien particulières.
Le résultat de méga-inondations
Pour les scientifiques, ce sont des méga-inondations qui auraient façonné les chenaux martiens. Ces événements auraient pu être produits lors de la rupture des cratères remplis à ras bord par des lacs. Ce genre d'événements catastrophiques impliquant un déversement soudain d'une grande quantité d'eau dans le réseau de chenaux situé en aval des lacs aurait d'ailleurs pu se reproduire plusieurs fois. Alors qu'il faudrait de nombreuses années pour produire une telle morphologiemorphologie de chenaux sur Terre, les chercheurs estiment que ceux observés sur Aeolis Dorsa se sont formés en à peine un an.
Des inondations catastrophiques ont façonné le visage de Mars en quelques semaines !
À la voir ainsi, sèche comme un pruneaupruneau, il est difficile d'imaginer que de l'eau a un jour coulé à la surface de Mars. Et en quantité, nous apprennent aujourd'hui des astronomesastronomes. Des inondations massives seraient même à l'origine du visage si particulier que nous lui connaissons aujourd'hui.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 3 octobre 2021
Aujourd'hui, Mars est une planète sèche. Mais il y a des milliards d'années, de l'eau liquide coulait à sa surface. Ceux que les astronomes appellent les lacs de cratère étaient alors nombreux. Certains étaient si grands qu'il contenait un volume d'eau comparable à celui d'une petite mer terrestre. Comme la mer Caspiennemer Caspienne, par exemple.
Et parfois, ces lacs de cratère en venaient à déborder. Provoquant des inondations massives. L'eau se répandait alors aux alentours, creusant, en quelques semaines seulement, des vallées fluviales dans son sillage. Tout en charriant une folle quantité de sédiments. Sans commune mesure ce qui se produit sur la Terre sous l'effet de la lente érosion due à l'eau qui coule dans les fleuves et les rivières.
Jusqu'alors, les restes de ces lacs de cratère n'avaient été étudiés par les chercheurs que sur des bases individuelles. Donnant déjà une idée de l'ampleur de chacune de ces inondations. Mais aujourd'hui, des astronomes de l’université du Texas (États-Unis) montrent comment les 262 lacs de cratère répartis à la surface de Mars ont façonné le visage de la Planète rouge.
De profondes vallées creusées par des inondations
Les chercheurs ont analysé les images renvoyées par les missions en orbite autour de Mars pour classer les vallées fluviales de la Planète rouge en deux catégories : celles qui sont visiblement connectées au bord d'un cratère et qui se sont donc formées à partir d'une inondation et celles qui apparaissent ailleurs et qui suggèrent une formation plus progressive au fil du temps. Puis, les astronomes ont comparé la profondeur, la longueur et le volume de ces vallées. Résultat : les premières représentant près du quart du volume des vallées fluviales de la Planète rouge alors qu'elle ne compte que pour 3 % de leur longueur.
Les astronomes expliquent que les vallées creusées par les inondations apparaissent bien plus profondes que les autres : 170 mètres en moyenne pour les premières contre seulement 77 mètres pour les secondes. Et bien que ces vallées se soient formées très rapidement, elles ont donc pu avoir un effet durable sur le paysage environnant.
Les chercheurs estiment que les vallées fluviales nées d'inondations ont creusé des canyons si profonds que cela a pu influencer la formation d'autres vallées fluviales à proximité. En faisant baisser le niveau de base local et en créant ainsi des dépressions favorisant le débitdébit d'eau dans les fleuves préexistants. Une explication alternative à la topologie unique de Mars que les scientifiques attribuent volontiers à des changements climatiqueschangements climatiques.
Ces travaux soulignent une fois de plus qu'il est important de garder à l'esprit que les processus en jeu sur Terre ne se déroule pas nécessairement de la même manière sur d'autres planètes.