Depuis son arrivée en février dernier, le rover Perseverance continue son travail d’investigation sur le sol martien. Le but de ses recherches : comprendre l’évolution géologique et climatique de la Planète rouge et, peut-être, trouver des traces de vie. Et les premiers résultats issus des données du rover sont spectaculaires : le cratère Jezero où a atterri Perseverance porte les traces sédimentaires d’un ancien delta. Il y a 3,6 milliards d’années, un lac, alimenté par une rivière, occupait donc toute l’étendue du cratère.
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Le site d'atterrissage du rover PerseverancePerseverance n'a pas été choisi au hasard. La morphologiemorphologie du site, vue sur les images satellites, avait attiré l'œilœil des géologuesgéologues, avec notamment la présence de deux vallées incisant les bords du cratère martien, laissant supposer qu'un système fluviatile aurait alimenté un ancien lac niché au cœur du cratère Jezero.
Perseverance a atterri en plein milieu d’un ancien lac
Mais rien n'était certain. Au cours des derniers mois, le rover a ainsi étudié à distance plusieurs formations géologiques, notamment grâce à l'instrument Supercam développé par des équipes franco-américaines. Cette caméra est en effet capable d'observer des détails de moins de 10 centimètres à une distance de plus de deux kilomètres. Un premier stade d'observation essentiel afin de définir les futurs sites d'investigation. Et les images obtenues grâce à Supercam sont plutôt époustouflantes : elles ont permis l'observation de stratesstrates sédimentaires dont l'architecture est très semblable aux dépôts deltaïques que l'on trouve sur Terre.
« La similarité de l'architecture des dépôts de ce deltadelta martien avec les deltas terrestres est tout à fait marquante », souligne Nicolas Mangold, géologue au Laboratoire de planétologie et géodynamique (Université de Nantes), qui a dirigé l'étude sur les premières données de Perseverance. Ces résultats, qui paraissent dans la revue Science, révèlent ainsi qu'il y a 3,6 milliards d'années, toute la superficie du cratère Jezero (soit 35 kilomètres de diamètre) était recouverte par un lac profond de plusieurs dizaines de mètres.
Les traces d’un ancien delta
Les dépôts sédimentaires observés dans le cratère Jezero sont en effet typiques de ce que l'on observe sur Terre au niveau de l'embouchure des fleuves ou des rivières.
Les systèmes fluviatiles charrient des quantités importantes de sédiments issus de l'érosion des roches. Lorsqu'ils se jettent dans un lac ou dans une mer, ces sédimentssédiments en suspension vont se déposer au niveau de l'embouchure, sous l'effet de la chute brutale de l'énergie du courant. Vont alors se former des lobes de sédiments, déposés en strates et recoupés par des chenaux. L'ensemble forme ce que l'on appelle un delta.
Les dépôts deltaïques sont caractérisés par des strates obliques (foresets)), témoignant de la progradation du delta (l'apport sédimentaire constant mène à la constructionconstruction du delta, qui progresse vers l'avant), surmontées par des strates horizontales (topsets) qui marquent l'interface entre l'eau et l'air.
L'épaisseur sédimentaire des dépôts deltaïques est très variable et dépend de nombreux paramètres (énergie des environnements fluviatile et marin, quantité de sédiments apportés, variations du niveau de l'eau...). À titre d'exemple, sur Terre, le delta du Pô est capable de progresser de 70 mètres par an et celui du Mississippi comprend une épaisseur de 11.000 mètres de sédiments.
Sur Mars, les séries sédimentaires du delta dans le cratère Jezero sont épaisses de 60 mètres environ. « Mais cela ne nous donne pas vraiment d'indication sur la durée d'existence de ce lac », explique Nicolas Mangold. Pour ce qui est d'une potentielle datation des roches, il faudra donc attendre le retour des échantillons sur Terre, vers 2030. « On pense que le lac aurait existé il y a 3,6 milliards d'années environ, mais on n'en saura peut-être pas plus, tout dépendra de la chance qu'on aura au niveau de l'échantillonnageéchantillonnage. » Douze sites d’échantillonnage sont ainsi prévus au cours des prochains mois.
« L'étude précise des dépôts sédimentaires du delta qui devraient par contre nous permettre d'avoir une idée des débitsdébits de la rivière ayant alimenté le lac », permettant ainsi de contraindre l'environnement de dépôt de ces sédiments.
La fin de l’activité du delta marquée par un événement hydrologique majeur
Les chercheurs s'intéressent d'ailleurs tout particulièrement aux couches les plus récentes, situées au toittoit de la formation géologique et caractérisées par la présence de gros blocs rocheux. « Ces blocs ont dû être transportés par des courants très forts, témoignant d'un événement hydrologique particulièrement violent, marquant la fin de l'activité du delta. » Cet événement hydrologique pourrait notamment être associé à un changement climatiquechangement climatique, mais cette hypothèse reste à confirmer par des analyses plus précises, et notamment par la comparaison avec d'autres sites martiens. « Maintenant que nous avons les données de terrain corrélées à l'imagerie satellitaire, il nous sera possible d'observer d'autres sites sur Mars et de faire des analogiesanalogies. » Le but est de déterminer si cet événement catastrophique a été purement local ou, au contraire, global.
Des sédiments favorables à la préservation de la matière organique… s’il y en a eu !
Lorsque Perseverance sera sur place pour étudier les sédiments du delta en détail, les chercheurs seront également très attentifs à la présence ou non de traces de vie ancienne, qui représente l’un des objectifs principaux de la mission Perseverance. « Nous allons regarder tout particulièrement les dépôts fins et argileux, qui sont plus favorables à la préservation de la matière organique. » Perseverance nous réserve donc encore certainement de bien belles découvertes.