La Lune offre un environnement idéal pour l’observation de l’espace : elle est (pour l’instant) exempte d’infrastructures humaines et ne possède pas d’atmosphère, permettant de relever des données en l’absence de certaines interférences, qui peuvent biaiser les mesures sur Terre. Dans le cadre de son programme Artemis, la Nasa a proposé d’y installer un interféromètre d’imagerie optique pour l’imagerie aux longueurs d’onde visibles et ultraviolettes. Le réseau de télescopes Artemis-enabled Stellar Imager (AeSI) a ainsi été sélectionné pour sa première phase de développement, et pourrait fonctionner sur la face cachée de la Lune, prenant des images détaillées des surfaces stellaires et de leur environnement.


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    Depuis l'annonce de son programme Artemis, avec notamment le retour d'êtres humains sur la surface lunaire, l'Agence spatiale américaine (Nasa) voit grand : installation d'une base habitée sur la Lune, mise en place de vols commerciaux entre la Lune et la Terre, développement d'une station spatiale en orbite lunaire... : tous ces objectifs fixés afin de permettre à l'humanité de réaliser ce que certains scientifiques qualifient de « bond vers l'espace », avec une présence humaine continue au-delà de la Terre. En plus des prouesses techniques à réaliser, un accès permanent à notre satellite naturel générera de nombreuses avancées scientifiques, d'abord concernant directement la Lune, mais aussi l'Univers de manière plus globale : l'environnement lunaire présente en effet des conditions bien plus idéales que sur Terre pour observer l'espace. C'est dans cet esprit que la Nasa a sélectionné dans le cadre de son programme Nasa Innovative Advanced Concepts (NIAC) 2024 un projet de constructionconstruction d'un télescope géanttélescope géant ... sur la face cachée de la Lune.

    Un réseau de multiples télescopes qui observent dans le silence

    La Lune est en rotation synchronesynchrone avec la Terre, c'est-à-dire qu'elle présente constamment sa même face à notre Planète. Ainsi, le principal intérêt du développement d'un télescope sur sa face cachée (constamment à l'opposé de la Terre), c'est qu'elle offre un environnement silencieux, loin de toutes les émissions anthropiques (radio, etc.) qui peuvent modifier les mesures, leur apportant d'éventuelles anomaliesanomalies parfois non détectées pouvant influencer les analyses. De plus, du fait de cette rotation synchrone, le cycle diurnediurne lunaire dure environ 14 jours : journée et nuit lunaires durent ainsi deux semaines, au cours desquelles la surface est soit constamment éclairée par le SoleilSoleil, soit constamment plongée dans l'obscurité. Pour finir, la Lune ne possède pas d'atmosphèreatmosphère qui peut également produire des biais de mesure sur Terre.

    Selon une équipe de scientifiques du Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center, le principal centre de recherche scientifique de la Nasa, l'ensemble de ces caractéristiques fait de la face cachée de la Lune un environnement idéal pour la réalisation d'imageries interférométriques à haute résolutionrésolution -- une méthode d'observation où plusieurs télescopes reliés entre eux observent des rayonnements électromagnétiques et cherchent à y déceler la présence d'interférencesinterférences, témoignant par exemple des environnements que ces rayonnements ont traversés. C'est ce type d'interférences qui avaient par exemple permis au télescope Event Horizon -- un réseau de télescopes observant dans les ondes radio-- de produire la première image d'un trou noirtrou noir jamais capturée. L'usage simultané de plusieurs télescopes permet d'obtenir une bien meilleure résolution qu'avec un télescope unique.

    Illustration du <em>Lunar Long-Baseline Optical Interferometer : Artemis-enabled Stellar Imager</em> (AeSI) déployé sur la surface lunaire. © Kenneth Carpenter, <em>Nasa Goddard Space Flight Center</em>
    Illustration du Lunar Long-Baseline Optical Interferometer : Artemis-enabled Stellar Imager (AeSI) déployé sur la surface lunaire. © Kenneth Carpenter, Nasa Goddard Space Flight Center

    Lors de son édition 2024 de la NIAC, l'Agence spatiale américaine a ainsi donné le feufeu vert pour la première phase de développement d'un réseau d'interféromètresinterféromètres d'imagerie optique sur la surface lunaire. Selon l'équipe de scientifiques, le réseau Artemis-enabled Stellar Imager (AeSI) permettra d'observer les surfaces d'étoilesétoiles, de sonder les disques d'accrétiondisques d'accrétion entourant les étoiles naissantes et les trous noirs, et de réaliser d'importants progrès quant à la caractérisation de la surface d'exoplanètesexoplanètes et de leurs systèmes climatiques. Le développement d'un tel réseau d'interféromètres pourrait ainsi produire de grandes avancées en astrophysiqueastrophysique, que ce soit à propos d'étoiles, de galaxiesgalaxies ou de phénomènes cosmiques à grande échelle ; il nécessitera la mise en place de technologies qui pourront peut-être, à terme, permettre d'imager directement les surfaces d'exoplanètes rocheuses proches, ou de favoriser notre recherche de biosignatures ailleurs dans l'Univers.

    D’importantes contraintes à prendre en compte

    Mais l'équipe de scientifiques ne se fait pas d'illusion, car l'installation complète d'un tel réseau de télescopes serait très coûteuse. Ils proposent ainsi de commencer d'abord par le développement et le test de quelques petits télescopes qui, une fois la technologie déployée, pourront être progressivement rejoints par davantage de télescopes, augmentant petit à petit la taille du réseau. Les scientifiques prévoient que chacune de ces mises à niveau puisse être réalisée avec une perturbation minimale du reste du système, permettant son exploitation permanente. Le réseau sera ainsi maintenu en état de fonctionnement et progressivement amélioré par une équipe mêlant robotsrobots et humains, lesquels seront continuellement présents sur la surface lunaire si tous les objectifs de la Nasa se réalisent.

    Illustration d'astronautes de la Nasa travaillant sur le pôle Sud lunaire. © Nasa
    Illustration d'astronautes de la Nasa travaillant sur le pôle Sud lunaire. © Nasa

    Dans le but de conserver la Lune comme une source de progrès scientifiques communs à toute l'humanité, certains astronomesastronomes souhaitent d'ailleurs un durcissement des lois internationales spatiales : la mise en place d'un tel réseau de télescopes lunaires perdrait en effet de nombreux atouts si une présence anthropique trop importante venait à apparaître sur la Lune. Si d'autres projets de télescopes lunaires sont en cours (comme le développement du radiotélescoperadiotélescope Lu-SEE Night), il apparaît nécessaire d'entretenir les caractères scientifiques et communs de notre astreastre voisin afin que les progrès et les avancées scientifiques demeurent la priorité des futures missions lunaires. Selon les scientifiques responsables du projet, la mise en place du réseau AeSI pourrait permettre de sensibiliser les populations à l'importance scientifique de l'espace.