Au tout début de la formation du Système solaire, il y a environ 4,5 milliards d'années, Jupiter aurait migré sur plusieurs milliards de kilomètres en direction du Soleil. C'est ce que suggèrent des simulations numériques capables de rendre compte de l'existence des astéroïdes troyens de Jupiter.


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    En 2005, l'astronomeastronome et planétologue Alessandro Morbidelli et ses collègues avaient publié dans Nature une série d'articles concernant des simulations numériquessimulations numériques faisant intervenir après la formation des planètes internes - donc au moins 100 millions d'années après le début de la formation du Système solaire - des migrations des planètes géantes vers l'extérieur du Système solaire. Ce scénario permettait de rendre compte de plusieurs caractéristiques des corps célestes du Système solaire et il est rapidement devenu célèbre sous le nom de Modèle de Nice. Ces migrations rendaient compte en particulier du Grand Bombardement tardif (Late Heavy BombardmentLate Heavy Bombardment ou LHB, en anglais), une période de l'histoire du Système solaire qui s'étend approximativement de -4,1 à -3,9 milliards d'années, durant laquelle se serait produite une notable augmentation des impacts météoritiques ou cométaires sur les planètes telluriques et dont la surface de la Lune garde des traces. Cette augmentation se serait produite sous l'effet de la migration des géantes à ce moment-là.


    Le Système solaire est un laboratoire pour étudier la formation des planètes géantes et l'origine de la Vie que l'on peut utiliser conjointement avec le reste de l'Univers, observable dans le même but. MOJO : Modeling the Origin of JOvian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses par deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Les effets de la gravité du disque protoplanétaire

    D'autres migrations, plus anciennes celles-là, ont été proposées quelques années plus tard par Alessandro Morbidelli et l'astronome Sean Raymond du Laboratoire d'astrophysiqueastrophysique de Bordeaux. Toujours avec des collègues, les deux hommes ont proposé une hypothèse connue désormais sous le nom de scénario du Grand Tack (que l'on pourrait traduire par « Grand virement », tacking en anglais fait référence au virement de bord d'un voilier). Il implique que JupiterJupiter aurait migré en direction du SoleilSoleil avant de faire demi-tour sous l'influence de SaturneSaturne. Cette fois-ci, le phénomène se serait produit moins de 10 millions d'années après le début de la naissance du Système solaire, c'est-à-dire quand un disque protoplanétairedisque protoplanétaire encore riche en gazgaz existait.

    Cette migration de Jupiter en direction du Soleil se serait faite en accord avec des idées déjà avancées au cours des années 1980, quand a été développée une théorie générale des interactions entre les planètes en formation et ce disque. Elle conduit à la notion de migration de type II.

    Lorsqu'une géante se forme, elle creuse un sillon appauvri en matièrematière dans le disque mais la partie interne de celui-ci continue de tomber en direction du Soleil sous l'effet combiné de la gravitégravité et de forces de viscositéviscosité qui conduisent la matière à chuter en spirale. Or, ce disque a un champ de gravité qui, au final, va attirer avec lui la géante qui se met donc à migrer.

    À 60° de part et d'autre de Jupiter, sur son orbite, les champs de gravité combinés du Soleil et de la géante piègent des petits corps célestes qui accompagnent alors Jupiter. Ce sont les troyens, qu'illustre ce dessin d'artiste. © Nasa
    À 60° de part et d'autre de Jupiter, sur son orbite, les champs de gravité combinés du Soleil et de la géante piègent des petits corps célestes qui accompagnent alors Jupiter. Ce sont les troyens, qu'illustre ce dessin d'artiste. © Nasa

    Des populations de troyens fixées par une migration planétaire

    Une équipe internationale d'astronomes menée par des chercheurs de l'université de Lund en Suède vient de publier un article déposé sur arXiv dans lequel il est expliqué que l'odyssée de Jupiter est encore plus mouvementée qu'on ne l'imaginait. Si la géante gazeusegéante gazeuse est aujourd'hui sur une orbiteorbite à presque 778 millions de kilomètres du Soleil, elle aurait commencé à se former quatre fois plus loin, c'est-à-dire à plus de 3 milliards de kilomètres de notre étoileétoile. Pour mémoire, UranusUranus et NeptuneNeptune sont respectivement à 2,8 et 4,5 milliards de kilomètres environ du Soleil.

    Jupiter aurait commencé à se former comme une planète rocheuse normale ou presque, c'est-à-dire que les poussières à l'origine des planètes au-delà de l'orbite actuelle de Mars étaient enrobées de grandes quantités de glace, de sorte que celle-ci est une composante importante de ces planètes et que la quantité de matière disponible étant plus importante que dans les régions centrales, la taille des embryonsembryons planétaires pouvait l'être aussi. On estime que c'est une fois la dizaine de massesmasses terrestres atteinte qu'un processus d'accrétionaccrétion de gaz s'est emballé conduisant à des planètes comme Jupiter et Saturne.

    Dans le scénario proposé par les astronomes de Lund, Jupiter n'avait pas encore atteint ce stade d'accrétion et sa masse devait être comparable à celle de la Terre, et ce quelques millions d'années tout au plus après le début de la naissance du Système solaire. Jupiter aurait alors migré en seulement 700.000 ans vers les régions internes du disque protoplanétaire, parcourant ainsi des milliards de kilomètres, sous l'effet des interactions dynamiques avec ce disque, théorisées dans les années 1980.

    Mais comment les mécaniciens célestes sont-ils arrivés à cette étonnante conclusion ? En conduisant des simulations numériques destinées à rendre compte de l'existence de deux populations d'astéroïdesastéroïdes bien particulières : les astéroïdes troyens de Jupiter. Il s'agit de petits corps célestes qui se trouvent piégés autour des points de Lagrangepoints de Lagrange L4 et L5 de Jupiter, donc à 60° de part et d'autre de la géante sur son orbite.

    Il se trouve qu'il y a plus de troyenstroyens en avant de Jupiter et ce fait curieux avait jusqu'ici défier les explications. La migration planétaire découverte par les chercheurs et les effets de résonancesrésonances gravitationnelles impliquées avec des petits corps célestes lors de cette migration expliquent cette curieuse asymétrie. C'est pour cette raison que cette nouvelle migration vient d'être proposée dans les débats sur la cosmogonie du Système solaire.