En 1610, Galilée pointait pour la première fois un instrument optique vers le ciel. Un geste qui allait changer notre vision du monde. Depuis, les télescopes n’ont cessé de se perfectionner. Jusqu’à ce qu’enfin, un télescope soit mis en orbite : le télescope spatial Hubble. C’était il y a 30 ans. Retour sur des débuts chaotiques.
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Nous sommes le mardi 24 avril 1990. Il y a quelques nuagesnuages à l'horizon du Kennedy Space Center de Cap Canaveral (États-Unis). Mais rien qui puisse retenir le lancement de la navette Discovery. Elle s'apprête à mettre sur orbite l'instrument dont tous les astronomesastronomes rêvent depuis des décennies maintenant : le télescope spatial Hubble. Un engin de quelque 13 mètres de long pour 12 tonnes, destiné à se maintenir à quelque 550 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre.
Revivez le lancement de la navette Discovery, le 24 avril 1990. © Nasa
Alors que pour lui, l'âge de la retraite devait sonner en 2005, le télescope spatial continu, 30 ans après son lancement, à rendre de fiers services à la science. Et à nous émerveiller de ses images d'une beauté incomparable. Une réussite éblouissante pour cet instrument accouché dans la douleurdouleur.
De Jules Verne à Hubble
C'est à une époque où seuls les héros de Jules Verne osaient s'aventurer dans l'espace que l'idée d'un télescope spatial est née. En 1923 ! Dans la tête d'un jeune physicienphysicien austro-hongrois, Hermann Oberth.
L'idée est reprise quelque 20 années plus tard, en 1946. Par un astrophysicienastrophysicien de l'université de Yale (États-Unis). Dans son étude intitulée « Astronomical advantages of an extra-terrestrial observatory », Lyman Spitzer défend le concept du télescope spatial. Mais pour l'heure, pas le moindre satellite n'a encore été mis en orbite. Le rêve est encore loin de la réalité.
Le saviez-vous ?
Les gaz et les poussières qui constituent l’atmosphère de notre Terre brouillent la lumière visible qui nous arrive des étoiles. Certaines longueurs d’onde — les infrarouges, les ultraviolets ou encore les rayons gamma ou les rayons X — sont même partiellement, voire totalement, absorbées au passage.
La couverture nuageuse et les autres aléas météorologiques ou la pollution lumineuse ne sont pas pour arranger les choses. Et même si aujourd’hui, les technologies d’optique adaptative — qui utilisent des miroirs déformables — ou de traitement des images apportent quelques solutions, les astronomes comptent toujours sur les télescopes spatiaux pour affranchir leurs observations de toutes ces difficultés.
À partir de la fin des années 1960, l'idée gagne peu à peu en crédibilité. L'Union soviétique a lancé son premier satellite artificiel, en 1957. Les États-Unis ont créé une Agence spatiale, la NasaNasa. Les deux grandes puissances sont engagées dans une véritable course à l'espace. En 1969, Neil ArmstrongNeil Armstrong pose le premier pied humain sur la Lune. Un grand pas est fait.
Un premier groupe de travail se réunit alors en 1974. Ingénieurs et astrophysiciens définissent alors les contours de leur projet, des caractéristiques du futur télescope spatial à celles de l'engin qui sera nécessaire à son lancement. Mais le budget fait défaut. En 1975, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) prend part au projet (à lire, notre entretien avec Roger-Maurice Bonnet sur ce sujet). Pourtant, même après l'approbation par le Congrès américain fin 1977, les ambitions du Large Space Telescope, comprenez Grand télescope spatial, doivent être revues à la baisse. Le miroir du télescope initialement de plus de trois mètres de diamètre devra être réduit à moins de 2,4 mètres. Mais l'enthousiasme des astronomes, lui, ne faiblit pas.
L'histoire s'accélère. Fin 1978, la taille du miroirmiroir du télescope spatial est lancée. Dès 1979, les astronautesastronautes s'entraînent pour les missions qui les attendent dans le cadre du déploiement et de la maintenance de l'instrument. En 1983, enfin, le projet est baptisé en l'honneur de celui qui a démontré l'expansion de l'UniversUnivers : Edwin HubbleEdwin Hubble. Et en 1985, le télescope spatial est enfin prêt à entrer en service.
De longues années de doutes et enfin, la délivrance
Mais le 28 janvier 1986, c'est le drame. Il est 17 heures 38, heure française, et 73 secondes après son décollage de Cap Canaveral, ChallengerChallenger explose sous les yeux de millions de téléspectateurs médusés. Le programme de la navette spatiale américaine est suspendu. Le temps qu'une enquête éclaire les causes de l'accidentaccident qui a couté la vie à sept astronautes.
Et ce n'est donc que plus de quatre années plus tard que le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble est enfin mis sur orbite. Prêt à ouvrir son œilœil sur un Univers merveilleux. Quelques mois seulement après la disparition d'Hermann Oberth...
La mission est un succès. Mais l'euphorieeuphorie est de courte duréedurée.
Les images transmises par Hubble sont décevantes. Elles manquent de netteté. « Les premiers mois après le lancement ont été un enfer », confie Jean OlivierOlivier, ingénieur en chef du projet, dans un entretien à Nature. Un défaut est identifié dans le système optique. D'une fraction de l'épaisseur d'un cheveu seulement. Des dispositifs correcteurs sont développés. Et sept astronautes sont embarqués en 1993 à bord de la navette EndeavourEndeavour pour une opération de sauvetage inédite.
Le Corrective Optics Space Telescope AxialAxial Replacement (Costar), un système de la taille d'une cabine téléphonique, fournit au télescope spatial cinq paires de miroirs correcteurs. Hubble est enfin à la hauteur des espoirs placés en lui.
Les années filent. Les missions de maintenance se succèdent, en 1997, en 1999, en 2002 et la dernière, en 2009. Depuis, les scientifiques rivalisent d'ingéniosité pour prolonger la durée de vie d'Hubble. En comptant sur d'autres types de capteurscapteurs, par exemple, lorsque les gyroscopesgyroscopes ont commencé à montrer des signes de faiblesse.
Et les images que le télescope spatial offre aux astronomes sont toujours exceptionnelles de qualité. Plus de 1,4 million d'observations. Plus de 16.000 publications scientifiques. De quoi éveiller le rêve d'un nouveau télescope spatial. Baptisé James-Webb, il est tout particulièrement destiné à observer notre Univers dans le domaine de l'infrarougeinfrarouge. Et comme son illustre grand frère, il connait son lot de difficultés...