Quelle différence cela impliquait-il de naître fille ou garçon au Néolithique ? Entre rites funéraires, alimentation et mobilité des personnes, des chercheurs tentent de mettre à jour ces coutumes et organisations passées.


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    L'étude du régime alimentaire et de la mobilité des populations humaines permet de déceler quelle a été l'organisation sociale des communautés au cours de l'évolution de l'Homme. Des différences entre femmes et hommes ou entre personnes du même sexe mais d'âges différents peuvent ainsi être décelées. Dans le nord de la France, une précédente étude a, par exemple, montré que des pratiques funéraires différaient pour les individus âgés de 8-9 ans et ceux âgés de 14-15 ans. Ceci pourrait refléter un changement de statut social, peut-être accompagné de modifications alimentaires et de mobilité.

    Les auteurs d'une récente étude parue dans le Journal of Archaeological Science: Reports ont décidé d'investiguer cette hypothèse sur des individus du Néolithique enterrés au niveau de trois sites de la vallée de l'Yonne, dans le bassin parisien. Les tissus humains se dégradent différemment en fonction de leur composition, c'est pourquoi la plupart des analyses archéologiques sont principalement effectuées sur des os ou des dents, dont l'émailémail est le tissu le plus dur chez l'Homme. De plus, les tissus dentaires constituent des enregistrements du régime alimentaire des individus au cours de leur croissance et qui perdurent à l'âge adulte.

    Trois sites du bassin parisien ont été échantillonnés pour récolter les fragments dentaires et osseux de 19 individus. © Rey et <em>al.</em>, <em>Journal of Archaeological Science: Reports, </em>2021
    Trois sites du bassin parisien ont été échantillonnés pour récolter les fragments dentaires et osseux de 19 individus. © Rey et al.Journal of Archaeological Science: Reports, 2021

    Des âges clés au cours de la croissance

    Les secondes molairesmolaires définitives ainsi que des fragments osseux de 19 individus des sites ont été prélevés et des analyses des isotopes du carbone, de l'azote et du soufresoufre ont été effectuées sur la plupart des échantillons. Les résultats de ces analyses permettent aux auteurs de suggérer qu'une partie des ressources alimentaires consommées au cours de l'enfance provenaient d'un environnement différent de celui occupé à l'âge adulte. Ils expliquent que les différences isotopiques dentaires entre filles et garçons apparaissaient après 9 ans, une fois que la couronne dentaire était formée.

    Les dents des mammifères sont recouvertes d'émail (en blanc), lui-même disposé autour de la dentine au centre de laquelle se trouve la pulpe avec les vaisseaux sanguins et les nerfs. © gaetan, Fotolia
    Les dents des mammifères sont recouvertes d'émail (en blanc), lui-même disposé autour de la dentine au centre de laquelle se trouve la pulpe avec les vaisseaux sanguins et les nerfs. © gaetan, Fotolia

    En deçà de 8 ans, les individus étaient vraisemblablement considérés comme étant des enfants alors qu'ils étaient adolescents entre 8 et 14-15 ans, puis adultes au-delà. Lors de leur entrée dans l'âge adulte, hommes et femmes se nourrissaient probablement différemment et ce, en raison d'activités séparées. Les hommes auraient notamment pu avoir un régime alimentaire plus riche en protéines que les femmes.

    Les individus de moins de 8 ans étaient des enfants et ceux de plus de 15 ans, des adultes

    Les analyses isotopiques suggèrent par ailleurs que plusieurs filles, âgées de moins de 9 ans, avaient des origines plus variées que celles des jeunes garçons. Ce résultat pose à nouveau la question de la patrilocalité dans les sociétés du Néolithique, qui est le fait qu'un couple s'installe à proximité de la famille du conjoint et que les femmes quittent pour cela leur communauté d'origine. Cependant, les variations isotopiques décelées pourraient également donner naissance à une nouvelle vision de l'organisation des communautés de fermiers. Ceux-ci pouvaient en effet voyager occasionnellement, ce qui aurait pu entraîner des variations de régime alimentaire dont les traces ont été emprisonnées au cours du développement dentaire.