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Ces côtes de bœuf ont été spécialement préparées pour des membres de la belle-famille d’Amenhotep III décédés entre 1386 et 1349 avant J.-C., pour qu'ils ne meurent pas de faim dans l'au-delà. © Pnas
Au temps de l'Égypte antique, l'élite ne lésinait pas lorsqu'il s'agissait d'enterrer l'un des leurs, car il fallait assurer l'immortalité du défunt. Ainsi, le corps était momifié avant d'être inhumé dans un tombeau aux mursmurs richement gravés et peints, parfois avec des animaux de compagnie eux aussi embaumés à ses côtés. Le site funéraire était ensuite scellé, non sans avoir reçu divers objets dont le mort pourrait avoir besoin dans l'au-delà, comme des meubles, des vêtements et des bijoux.
Ne l'oublions pas, les momies devaient également manger ! Ainsi, certaines ont été inhumées avec des denrées alimentaires devant les accompagner dans l'au-delà. Pour le pain, les fruits et les légumes, aucun problème de conservation ne se posait. En effet, l'environnement sec des tombes favorisait leur dessiccation progressive. En revanche, la situation était plus délicate pour la viande rouge et la volaille. Heureusement, les Égyptiens de l'époque ont trouvé la solution : ils les ont momifiées !
La momification de la viande est connue depuis longtemps, mais peu d'études ont été réalisées pour comprendre les techniques et les produits utilisés par les embaumeurs de l'époque. Il est probablement plus excitant de travailler sur un corps humain ou animal que sur une entrecôte, même si elle a plus de 3.000 ans. Néanmoins, des chercheurs menés par Richard Evershed (université de Bristol, Royaume-Uni) se sont attelés à la tâche. Ils viennent de livrer leurs observations dans la revue Pnas. Visiblement, des pièces de bœuf, de veau, de chèvre ou de canard n'avaient parfois rien à envier au traitement reçu par les momies.
En tout, 48 récipients en forme d'œuf qui contenaient de la viande momifiée ont été retrouvés dans la tombe du pharaon égyptien Toutankhamon. © Harry Potts, Flickr, cc by sa 2.0
De la simple dessiccation à l’utilisation d’une résine végétale
Les trois scientifiques ont commencé leurs travaux en prélevant des tissus (de la chair), des bandelettes et des baumesbaumes organiques sur quatre morceaux de viande conservés au musée du Caire (Égypte) et au British Museum (Londres, Royaume-Uni). Les échantillons ont ensuite été analysés au moyen d'un spectromètre de masse afin de déterminer la composition, notamment en lipideslipides, des substances qui les recouvraient, et ainsi révéler la disparité des techniques d'embaumement employées.
Entre 1064 et 948 avant J.-C., le veau mis à la disposition de la momie d'Isetemkheb D (XXIe dynastie) a par exemple été recouvert de bandelettes, qui ont ensuite été enduites de graisse animale. Cette même substance a également été trouvée sur une jambe de chèvre non enveloppée découverte dans la tombe de la princesse Henutmehyt (décédée en 1290 avant J.-C.). Toutefois, il n'a pas été possible de confirmer son origine : produit d'embaumement ou sécrétionsécrétion naturelle ? En l'absence de bandelettes, la graisse pourrait avoir été produite par l'animal. Précisons que dans la même sépulture, un morceau de canard n'a fait l'objet d'aucune préparation particulière.
La surprise est venue du quatrième prélèvement, sur des côtes de bœuf retrouvées dans la tombe de Yuya et Tjuiu, des membres de la belle-famille d'Amenhotep III morts entre 1386 et 1349 avant J.-C. Leur particularité : elles ont été recouvertes de bandelettes et d'une résine très onéreuse extraite d'une plante du genre Pistacia. Or, ce produit, qui entrait aussi dans la composition d'encens et de vernisvernis, a été utilisé pour conserver des corps humains embaumés 600 ans plus tard. Ainsi, cette découverte suggère que les techniques de momification voici 3.300 ans sont plus sophistiquées que nous le pensions. Cependant, de nouvelles analyses menées sur des corps humains ou d'animaux sont requises pour l'affirmer avec certitude.