Les restes d’un mammouth trouvés en Sibérie montrent que, 10.000 ans plus tôt qu’on ne le pensait, l’Homme moderne était déjà suffisamment équipé pour chasser jusque dans le cercle Arctique. De quoi pouvoir passer en Amérique...

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    Bien des enfants ou de jeunes adolescents rêvent de découvrir un fossilefossile de dinosauredinosaure ou des restes congelés de lionceaux des cavernes dans le pergélisolpergélisol. En août 2012, un jeune Russe de 11 ans a eu cette chance dans le golfe de l'Ienisseïe, un long et large estuaireestuaire au sein de la réserve naturelle du Grand ArctiqueArctique, la plus grande réserve naturelle de Russie. En se promenant le long d'une falaise, l'enfant a repéré les os d'un mammouthmammouth laineux que l'érosion avait fait surgir de sédimentssédiments gelés.

    Prévenus, des chercheurs dirigés par l'archéologue Alexei Tikhonov se sont rendus sur place, avec une belle surprise à l'arrivée. Le mammouth, surnommé Zhenya en hommage à son découvreur, Evgeniy Solinder (Zhenya est un diminutif d'Evgeniy en russe), est parmi les mieux conservés à ce jour. Son corps avait beaucoup de choses à leur dire.

    Ramenés par avion cargo à l'institut zoologique de l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg, les restes de Zhenya présentaient d'incontestables preuves que l'animal a été la victime de chasseurs, comme l'expliquent les chercheurs dans un article paru dans le journal Science.

    Les restes du mammouth Zhenya en cours d'excavation par les chercheurs. © Pitulko <em>et al.</em>, <em>Science</em> (2016)

    Les restes du mammouth Zhenya en cours d'excavation par les chercheurs. © Pitulko et al., Science (2016)

    Il y a d'abord des traces de coups portés sur les orbites, les côtes et la mâchoire qui rappellent celles constatées sur des éléphants modernes chassés en Afrique. Une pointe de lance a d'ailleurs laissé sa marque sous forme d'une brèche dans la pommette de l'animal. Enfin, ses défenses ont clairement fait l'objet de prélèvements. L'ivoire est un matériau de choix pour fabriquer des outils comme des harpons ou des aiguilles à coudre les peaux. On peut aussi s'en servir pour créer des objets d'art comme la célèbre Dame de Brassempouy, appelée aussi Dame à la Capuche, l'une des plus anciennes représentations de visage humain, qui a été taillée dans de l'ivoire en France il y a environ 21.000 ans.

    Des hommes déjà équipés pour franchir le détroit de Béring

    Mais le véritable intérêt de la découverte de Zhenya n'est pas là, car ce n'est pas la première fois que l'on trouve de traces de chasse sur un mammouth ou sur des rhinocérosrhinocéros laineux, des rennesrennes ou d'autres animaux qui ont été dépecés par l'Homme. Non, ce qui a surpris les chercheurs c'est la datation grâce au carbone 14 du collagènecollagène des os, des poils et des tissus musculaires préservés par le pergélisol. L'âge déterminé est de 45.000 ans. Or, c'est 10.000 ans plus vieux que les précédentes traces de la présence de l'Homme dans le cercle Arctique, des perles et des outils de pierre et d'os datant de 35.000 ans découverts sur plusieurs sites dans les montagnes à l'extrême nord-est de l'Oural et dans le nord de la Sibérie.

    Il fallait être particulièrement bien adapté à cet environnement difficile et c'est pourquoi les chercheurs pensent qu'il devait s'agir de l'Homme moderne. Il s'est probablement rendu dans les hautes latitudeslatitudes de l'Arctique en suivant les troupeaux de mammouths qui constituaient une richesse importante, en tant que nourriture mais aussi pour les peaux servant à confectionner des vêtements pour lutter contre le froid. Cela permet d'imaginer que l'Homme pouvait traverser le détroit de Béring pour coloniser l'Amérique plus tôt qu'on ne l'imaginait. Les dernières avancées dans ce domaine laissent maintenant penser que c'est bien ce qu'il a fait il y a au moins 15.000 ans et peut-être 18.500 ans.