Entre -2600 et -1900 avant JC, l’une des plus énigmatiques civilisations au monde brille de tout son éclat pour disparaître ensuite sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Il s’agit de la civilisation de l’Indus avec sa ville emblématique, Mohenjo Daro. Avec l’aide de l’ordinateur, une équipe de chercheurs indiens tente de décrypter les traces écrites de cette civilisation.

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    L'Inde possède un passé culturel glorieux et extraordinairement riche qui la fait rivaliser avec la civilisation égyptienne et la Grèce de l'époque de Périclès. Les grands ouvrages philosophiques, poétiques et religieux que sont les upanisads, la Bhagavad Gîtâ et le Rig Veda semblent avoir été rédigés dans leur forme finale vers -500 av. JC. Mais on a toutes les raisons de penser, au moins pour le dernier, que les parties les plus anciennes dateraient de -1.800 à -1.500 av. JC.

    Jusqu'au début des années 1920, on pensait cependant que l'Inde était dépourvue de grandes réalisations urbaines et architecturales avant le premier millénaire avant JC mais les découvertes des sites d'Harappa et surtout de Mohenjo Daro allaient changer les choses.

    Bien que prenant racine très probablement dans des temps plus anciens, une brillante phase d'urbanisation étonnamment moderne s'est produite entre -2600 av. JC et -1900 av. JC dans la région entourant l'Indus, le célèbre fleuve parcourant aujourd'hui le Pakistan. Le peuple constituant ce que l'on appelle désormais la civilisation de l'Indus semble avoir été constitué principalement de marchands réunis dans des villes sans temples ni palais, ce qui témoigne d'une société fortement égalitaire.

    La ville de Mohenjo Daro est particulièrement surprenante car elle bénéficie d'un urbanisme sophistiqué avec, dans de nombreuses maisons, une salle de bain et un système de drainagedrainage des eaux uséeseaux usées. Les habitants maîtrisaient l'irrigationirrigation, contrôlaient les crues du fleuve et semblent avoir été étonnamment pacifiques pour l'époque. Comme dans le cas des autres sites de l'Indus, il ne semble pas y avoir existé d'activités militaires.

    Pendant son existence, la civilisation de l'Indus a visiblement prospéré en grande partie par ses échanges, par exemple avec la Mésopotamie. De nombreux sceaux gravés de symboles énigmatiques accompagnant des dessins d'animaux et parfois d'hommes, typiques de cette civilisation, se retrouvent dans les sites du golfe. On trouve aussi dans les tables sumériennes des mentions des échanges avec cette civilisation.

    Cliquer pour agrandir. Quelques-uns des sceaux de la civilisation de l'Indus. Crédit : J. M. Kenoyer / harappa.com

    Cliquer pour agrandir. Quelques-uns des sceaux de la civilisation de l'Indus. Crédit : J. M. Kenoyer / harappa.com

    Des symboles ou un langage ?

    Les signes portés par les sceaux sont peut-être associés à un véritable langage écrit mais jusqu'à présent personne n'a été capable de le comprendre. On aimerait bien car, non seulement cette brillante civilisation disparaît brutalement vers -1900 av JC sans qu'on ait vraiment d'explications, mais on spécule toujours pour savoir si sa culture a ou non été à l'origine de la civilisation de l'Inde du Nord. A première vue, il ne semblerait pas mais les recherches des dernières années laissent planer un doute.

    Les tentatives pour décrypter l'écriture de la civilisation de l'Indus n'ont pas manqué... malgré le fait que personne n'était vraiment certain qu'il s'agisse bel et bien d'une écriture.

    En 2007, plusieurs chercheurs indiens travaillant dans le domaine de l'astrophysique ont utilisé leurs compétences en informatique et analyse des données pour tenter de répondre à cette question. On peut citer principalement Mayank Vahia et Nisha Yadav.

    Ils viennent de publier avec d'autres collègues, notamment Rajesh P. N. Rao de l'université de Whashington, un article dans les Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences), intitulé A Markov model of the Indus script, qui confirmerait les résultats qu'ils avaient déjà publiés dans Science en mai 2009.

    Les fréquences de répétitions et les ordres des symboles trouvés sur les sceaux auraient toutes les caractéristiques d'un langage écrit, avec une grammaire. Il semblerait peu probable qu'il s'agisse seulement de symboles renvoyant à des images religieuses ou politiques.

    Les chercheurs pensent que leur méthode peut apporter une aide au déchiffrementdéchiffrement de cette écriture. Mais il est probable que tant que l'équivalent d'une Pierre de RosetteRosette ne sera pas trouvé, les progrès resteront très lents et partiels.

    Malheureusement, tout n'est peut-être pas dit. La publication de l'article de Science a provoqué une levée de boucliers parmi les spécialistes de la civilisation de l'Indus. Sur le Web, ces experts ont sévèrement critiqué les affirmations du groupe de chercheurs indiens et la méthodologie employée, basée sur des notions de calculs des probabilités et d'entropie, bien connues en physique statistique. En particulier, Steve Farmer, qui avait été l'un des co-auteurs d'un article en 2004 réfutant la thèse de l'existence d'un langage écrit pour les membres de la civilisation de l'Indus, est particulièrement actif sur propre site Web.

    La situation est peut-être en train de se retourner en ce moment même. Affaire à suivre....