Une fuite vers les contrées septentrionales aurait-elle sauvé l’Humanité de l’extinction il y a 900 000 ans ? C’est ce que suggère une nouvelle étude, qui voit une forte corrélation entre une dégradation des conditions environnementales en Afrique, une réduction critique de la population humaine mise en évidence par une précédente étude génomique et la datation d’habitats préhistoriques en Eurasie.

En 2023, une étude portant sur notre génome révélait que l'Humanité aurait échappé de peu à l'extinction il y a environ 900 000 ans (voir article ci-dessous). La population d’Hominina aurait en effet dramatiquement chuté, et se serait réduite à quelque 1 300 individus en âge de se reproduire. Ce goulot d'étranglement, même s'il n'est pas le seul à avoir marqué l'histoire de l'évolution humaine, est donc certainement le plus dramatique.

A-t-on retrouvé le fameux « chaînon manquant » de l'humanité ? Découvrez l'histoire pleine de rebondissements de l'une des découvertes les plus capitales de notre existence sur cette planète. © Futura

À cette époque, le climat connaît des bouleversements majeurs, avec notamment un allongement conséquent des cycles glaciaires, qui passent de 41 000 ans à 100 000 ans. Durant cette période que l'on appelle la Transition climatique du milieu du Pléistocène, la lignée humaine n'est d'ailleurs pas la seule à être menacée. Les périodes glaciaires plus intenses entraînent en effet la disparition de nombreuses espèces, notamment marines.

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Les périodes glaciaires plus intenses entraînent une croissance des calottes polaires. © 2ragon, Adobe Stock

La lignée humaine mise en péril deux fois en 200 000 ans ?

Une seconde étude publiée peu de temps plus tard suggérait également l'existence d'un autre goulot d'étranglement dans la population humaine primitive, en se basant sur le faible nombre de sites d'occupation identifiés en Eurasie il y a 1,1 million d'années. En 200 000 ans, la lignée humaine aurait donc connu deux épisodes dramatiques l'ayant presque poussé à l'extinction.

Mais pour Giovanni Muttoni de l'université de Milan et Dennis Kent de l'université Columbia, ces deux événements n'en seraient en réalité qu'un seul. En réexaminant les sites archéologiques découverts sur le continent eurasiatique, les chercheurs se sont en effet rendu compte que la datation des sites les plus anciens, réalisée dans la précédente étude, était contestable, remettant ainsi en question l'existence d'un goulot d'étranglement il y a 1,1 million d'années.

La survie de la lignée humaine grâce à une migration vers le nord ?

Les datations des habitats datant de 900 000 ans semblent cependant plus fiables, suggérant un flux migratoire de l'Afrique vers l'Eurasie à cette période critique marquée par un bouleversement climatique. Mis en parallèle de l'étude génomique réalisée précédemment, ces résultats suggèrent que le goulot d'étranglement de la population d'Hominina et ce flux migratoire vers le nord ont été contemporains, et très certainement liés.

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Les conditions climatiques de plus en plus hostiles en Afrique et la menace d'une extinction auraient-elles poussées les ancêtres d'Homo sapiens à s'aventurer vers l'Eurasie il y a 900 000 ans ? © luchschenF, Adobe Stock

Pour les chercheurs, dont les travaux ont été publiés dans la revue PNAS, il est donc possible que les premiers représentants du genre Homo présents alors en Afrique aient tenté d'échapper aux conditions de vie de plus en plus hostiles régnant sur le continent, pour s'aventurer en Europe ou en Asie à la faveur d'une baisse globale du niveau marin associée à la croissance des calottes polaires. Durant la Transition climatique du milieu du Pléistocène, l'Afrique et l'Asie subissent en effet un climat de plus en plus aride, qui aurait certainement entraîné un bouleversement écologique majeur. Devant les difficultés croissantes à trouver de la nourriture et de l'eau et la réduction drastique de la population, les survivants n'auraient certainement pas eu d'autre choix que de migrer rapidement vers d'autres territoires pour éviter l'extinction.

Il ne s'agit bien sûr pas de la première migration ayant mené les humains hors d'Afrique. Plusieurs départs se sont succédé au cours du temps, les premières migrations ayant vraisemblablement eu lieu vers 2,5 et 2 millions d'années. Homo sapiens, quant à lui, n’aurait quitté le territoire africain qu’il y a 60 000 ans environ.


Quand l’humanité a frôlé l’extinction !

Article de Morgane Gillard publié le 3 septembre 2023

Quand nos gènes parlent, ils racontent une histoire pour le moins... mouvementée ! C'est ainsi qu'une équipe de chercheurs a découvert que nos très lointains ancêtres auraient frôlé l'extinction il y a 900 000 ans.

On peut dire qu'on a eu chaud ! Car il semble qu'à quelque 1 300 individus près, la lignée humaine aurait bien pu s'éteindre. C'est du moins ce que rapporte une nouvelle étude publiée dans Science.

Tout commence il y a environ 930 000 ans, alors que la Terre connaît une évolution climatique majeure. Nous sommes alors dans une période communément appelée « Transition du Pléistocène moyen », qui se caractérise par un changement fondamental dans la durée des cycles glaciaires. Alors que la périodicité des glaciations était auparavant de 41 000 ans, celle-ci s’allonge considérablement pour atteindre 100 000 ans. Les contrastes entre périodes glaciaires et interglaciaires sont alors bien plus marqués. Cette évolution du climat, qui ne s'est pas faite du jour au lendemain il faut le préciser, a-t-elle impacté la vie de nos lointains ancêtres ?

Une chute démographique de plus de 98 % !

Possible. Dans tous les cas, cette période semble avoir été particulièrement sombre pour la lignée humaine. Au point que nous serions même passés à deux doigts de l'extinction. Ce drame de l'aube de l'humanité a été mis en évidence par une équipe de chercheurs chinois qui ont réalisé une analyse génomique sur 3 154 individus de par le monde. Leurs résultats suggèrent que la population humaine a ainsi brutalement et dramatiquement chuté il y a environ 900 000 ans. De 100 000 individus, la population aurait en effet diminué pour atteindre une valeur critique d'environ 1 280 individus en âge de se reproduire. Soit une perte démographique de... 98,7 % ! Cette situation n'aurait de plus pas été transitoire et aurait pu perdurer pendant 117 000 ans. Le temps de laisser une marque indélébile dans notre génome.

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L'évolution du climat il y a 900 000 est-elle responsable de la quasi-extinction qu'ont connue nos ancêtres ? © Kovalenko I, Adobe Stock

Une perte de la diversité génétique qui se voit encore dans notre génome

Lorsqu'une espèce subit une importante réduction démographique (on parle de goulot d'étranglement), la diversité génétique diminue en effet forcément et de manière brutale. Un changement qui s'inscrit donc dans les gènes des descendants. Il faut savoir que ce n’est toutefois pas l’unique goulot d’étranglement que l’humanité ait connu au cours de son histoire, même si celui-ci a été plutôt sévère. Famine, guerres, crises climatiques..., les aléas sont nombreux à avoir fait vaciller la population humaine au cours du temps. L'étude de notre génome a ainsi révélé qu'une importante réduction démographique s'était produite il y a 7 000 ans dans l'hémisphère Nord. Mais remonter 900 000 ans dans le temps restait un véritable exploit scientifique, le signal de ces goulots d'étranglement s'atténuant bien sûr avec le temps. Les chercheurs ont ainsi développé une nouvelle méthode numérique dédiée au traitement de ce type de données et permettant d'observer l'évolution et les divergences des lignages génétiques au cours du temps.

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La perte brutale et sévère de la diversité génétique au moment de cette crise démographique a laissé des marques dans notre génome. © Byakkaya, Getty Images

La perte de diversité génétique entre 930 000 et 813 000 ans apparaît ainsi être de plus de 65 %. Selon nos propres critères actuels, nous aurions donc été classés comme espèce en danger critique d’extinction !

Ce qui ne tue pas rend plus fort 

Pourtant, cet événement aurait joué un rôle majeur dans le développement des humains, notamment en accélérant l'évolution du cerveau. Ce goulot d'étranglement aurait également contribué à modeler notre génome en entraînant la fusion de deux chromosomes pour former le chromosome 2, spécifique aux hominines. En effet, alors que toutes les espèces d'hominidés vivants aujourd'hui (les grands singes) possèdent 24 paires de chromosomes, nous les humains n'en possédons que 23 ! C'est donc peut-être en se trouvant au seuil de l'extinction que nos lointains ancêtres auraient acquis cette spécificité qui fait de nous des Hommes.