Une nouvelle étude reposant sur l’analyse du génome humain suggère qu’après avoir quitté l’Afrique il y a 60 000 ans, Homo sapiens se serait arrêté pendant plusieurs dizaines de milliers d’années au niveau du plateau iranien, avant d’essaimer vers l’Asie et l’Europe.


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    L'histoire de l'humanité est liée à l'Afrique mais aussi à toute une série de migrations qui ont amené les premiers Hommes à coloniser progressivement l'ensemble du globe, ou presque. Ainsi, il y a 60 000 à 70 000 ans, Homo sapiens quitte le territoire africain pour s'aventurer vers le nord. Ce n'est certes pas la première fois que nos ancêtres font cette excursion. Mais celle-ci est la principale, celle qui mènera à l’établissement définitif de l’Homme moderne en Asie et en Europe.

    A-t-on retrouvé le fameux « chaînon manquant » de l'humanité ? Découvrez l'histoire pleine de rebondissements de l'une des découvertes les plus capitales de notre existence sur cette planète. © Futura

    Cette migration ne s'est cependant pas faite en quelques jours. Il faudra attendre en effet plusieurs dizaines de milliers d'années avant de voir apparaître les premiers témoignages d'une présence d'Homo sapiensHomo sapiens sur le territoire européen. Les plus anciennes traces remontent en effet à 45 000 ans. Mais si Homo sapiens est parti d'Afrique 30 000 ans plus tôt, où donc est-il passé pendant tout ce temps ?

     Il y a 60 000 ans environ, <em>Homo sapiens</em> quitte l'Afrique pour entamer une grande migration vers les territoires du nord. Il se serait cependant arrêté en chemin avant de coloniser l'Europe et l'Asie. © Kristian, Adobe Stock (image générée à l'aide de l'IA)
    Il y a 60 000 ans environ, Homo sapiens quitte l'Afrique pour entamer une grande migration vers les territoires du nord. Il se serait cependant arrêté en chemin avant de coloniser l'Europe et l'Asie. © Kristian, Adobe Stock (image générée à l'aide de l'IA)

    Le plateau iranien, lieu idéal pour une petite pause de 30 000 ans

    Voilà une question qui anime depuis longtemps les scientifiques. Dans un précédent article (voir ci-dessous), nous présentions les résultats d'une étude sur le génomegénome humain suggérant que les Hommes modernes auraient fait une pause de 30 000 ans dans la péninsulepéninsule arabique avant de s'aventurer dans les territoires eurasiatiques. Cette halte lui aurait laissé le temps de s'adapter aux conditions climatiques des terres septentrionales. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature communications, suggère quant à elle que cette halte se serait faite légèrement plus au nord, au niveau du plateau iranien, situé entre le Moyen-Orient et l'Asie centrale. Ces résultats ont été obtenus, ici aussi, par une analyse génomiquegénomique de la population actuelle et de restes archéologiques, combinée à des observations paléoécologiques indiquant que cette région aurait représenté un habitat idéal.

    Le plateau iranien (ici au centre de la carte) est une région de haute altitude qui recouvre les actuels territoires d'Iran, du sud-est de l'Irak et du nord-est de l'Arabie saoudite. © Joe Roe, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 4.0
    Le plateau iranien (ici au centre de la carte) est une région de haute altitude qui recouvre les actuels territoires d'Iran, du sud-est de l'Irak et du nord-est de l'Arabie saoudite. © Joe Roe, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0

    Les quelques milliers de chasseurs-cueilleurs auraient en effet trouvé toutes les ressources nécessaires dans cette région, marquée par une grande variété écologique. Dans ces forêts, prairies et savanes, ces petits groupes nomades auraient ainsi pu chasser gazelles, chèvres et moutons sauvages et se nourrir de nombreux végétaux. C'est à partir de cette position centrale qu'Homo sapiens aurait ensuite essaimé dans toutes les directions, certains groupes se dirigeant vers les territoires asiatiques à l'est, d'autres partant à la conquête de l'Europe, vers l'ouest.


    Homo sapiens a fait une « pause » de 30 000 ans qui a changé à jamais notre génome !

    Article de Morgane GillardMorgane Gillard, publié le 29 mai 2023

    Une nouvelle étude suggère qu'Homo sapiens aurait fait une pause de 30 000 ans dans la péninsule arabique lors de sa dispersion hors d'Afrique. Ce temps a permis à nos ancêtre de s'adapter au climatclimat froid des terres septentrionales.

    S'il est à peu près établi que l'Homme moderne (Homo sapiens) est apparu en Afrique il y a plus de 200 000 ans, la façon dont il s'est essaimé à travers le monde contient encore de nombreuses zones d'ombre. Il est communément admis que cette dispersion s’est produite il y a environ 60 000 à 50 000 ans sur le continent eurasiatique. Cette grande histoire migratoire vers le nord semble cependant avoir été entrecoupée d'arrêts en cours de route.

    Les différentes migrations hors d'Afrique. Celle d'<em>Homo sapiens</em> (l'Homme moderne) est en rouge. © NordNordWest, Wikimédia Commons, domaine public
    Les différentes migrations hors d'Afrique. Celle d'Homo sapiens (l'Homme moderne) est en rouge. © NordNordWest, Wikimédia Commons, domaine public

    Une nouvelle étude publiée dans PNAS révèle en effet que les communautés d'Homo sapiens n'auraient pas rejoint l'Eurasie directement. Au cours de leur migration, elles se seraient arrêtées au niveau de la péninsule arabique pour une longue, très longue période de plus de 30 000 ans, avant de poursuivre leur colonisation des territoires situés plus au nord. Cette « pause » aurait permis à ces êtres humains de s'adapter graduellement à des conditions climatiques plus froides, leur donnant les capacités de survivre par la suite dans les régions plus septentrionales. Or, ces adaptations physiques sont toujours visibles dans notre héritage génétiquegénétique. C'est ce qu'ont découvert des chercheurs de l'Australian Center for Ancient DNADNA de l'université d'Adélaïde (Australie). La plupart de ces changements génétiques seraient d'ailleurs associés aujourd'hui à des maladies comme l'obésitéobésité, le diabètediabète et les désordres cardiovasculaires.

    Une histoire inscrite dans notre génome

    Il est intéressant de noter à quel point le premier séquençageséquençage complet du génome humain en l'an 2000 a ouvert la voie à un nombre phénoménal d'études et d'avancées scientifiques, tant dans le domaine de la médecine que dans l'histoire de l'Humanité. Car les grandes étapes de notre passé peuvent se lire dans nos gènesgènes.

    Le génome humain s'est modifié face à la pression de l'environnement. Certaines grandes étapes de l'Humanité sont ainsi inscrites dans nos gènes. © Byakkaya, Getty Images
    Le génome humain s'est modifié face à la pression de l'environnement. Certaines grandes étapes de l'Humanité sont ainsi inscrites dans nos gènes. © Byakkaya, Getty Images

    Comme tous les organismes sur Terre, l'être humain a en effet subi de nombreuses évolutions face aux contraintes imposées par son environnement de vie. Cette formidable capacité d'adaptation est d'ailleurs ce qui aurait permis à l'Homme moderne de coloniser l'ensemble du globe, en supplantant toutes les autres espècesespèces d'hominidéshominidés.

    Certains événements du passé semblent ainsi avoir notablement influencé le génome humain par le biais d'une sélection naturellesélection naturelle drastique. Pourtant, il n'est pas évident aujourd'hui de retrouver les traces de ces changements, le mélange des populations, notamment, ayant tendance à effacer cette signature génétique.

    Une halte dans la péninsule arabique

    Les scientifiques ont cependant réussi à identifier 57 régions du génome correspondant à une évolution génétique ayant été bénéfique aux anciens groupes humains. L'étude révèle ainsi qu'une phase d'adaptation majeure est survenue avant le grand dispersement en Eurasie il y a 60 000 à 50 000 ans. Cette phase aurait duré pas moins de 30 000 ans. Surnommée la « pause arabe », elle est mise en évidence à la fois par des critères génétiques, mais également archéologiques et climatiques qui suggèrent que nos ancêtres se sont arrêtés dans leur montée vers le nord dans les alentours de la péninsule arabique, le temps de s'adapter à un climat plus froid. Les adaptations génétiques gagnées durant cette période seraient ainsi reliées à la capacité de stockage de la graisse, au développement nerveux, à la physiologie de la peau et au développement de minuscules fibres (des « cilscils ») dans nos voies respiratoires. Ces changements auraient été conduits en réponse à un climat froid et sec régnant sur la péninsule arabique entre 80 000 et 50 000 ans.  

    Il est intéressant de voir que dans notre monde moderne, largement modelé par nos soins, ces adaptations alors bénéfiques il y a 50 000 ans sont aujourd'hui sources de maladies !

    En dehors du fait que ces résultats permettent de mieux comprendre l'histoire des migrations humaines, l'identification de ces changements génétiques pourrait permettre de développer de nouvelles approches thérapeutiques et préventives pour les populations actuelles.