De deux os fossiles de néandertaliens, une équipe allemande a extrait de l’ADN et y a découvert un gène qui, chez l’homme moderne, est associé au langage. Ce n’est pas une preuve qu’il parlait, mais c’est un élément qui vient s’ajouter à plusieurs autres.
Un homme de Néandertal prend forme sous les doigts et les outils d’Elizabeth Daynès, Homo sapiens sculpteur, spécialiste des reconstitutions de ses ancêtres. © Ph. Plailly

Un homme de Néandertal prend forme sous les doigts et les outils d’Elizabeth Daynès, Homo sapiens sculpteur, spécialiste des reconstitutions de ses ancêtres. © Ph. Plailly

Parlait ? Parlait pas ? Chez les paléoanthropologues, on se range en deux camps : ceux qui pensent que l'homme de Néandertal s'exprimait par le langage et ceux qui l'en croient incapable. Aucun argument certain n'est venu trancher. Svante Pääbo, lui, fait partie du premier camp. Depuis des années, ce chercheur de l'institut Max Planck, en Allemagne, s'est fait une spécialité de l’étude génétique de l’homme de Néandertal.

La dernière trouvaille de son équipe, publiée dans la revue Current Biology, est la découverte du gène FOXP2, dans une version de type humain, dans des fragments d'ADN récupérés sur les os de deux individus ayant vécu il y a 43.000 ans. Ce résultat a de quoi surprendre. Ce gène, en effet, est impliqué dans l'ensemble de fonctions qui nous permettent de parler. Il existe chez de nombreux mammifères mais les hommes en possèdent une variante toute particulière. On pensait jusque-là que cette forme datait de 120.000 ans, c'est-à-dire bien après l'époque où la lignée des néandertaliens (Homo neandertalensis) s'est séparée de celle de l'homme moderne (Homo sapiens). On ne dispose que d'une médiocre précision sur la date de cette séparation mais les dernières études la situent entre 500.000 et 370.000 ans en arrière.

La controverse ne sera pas éteinte cette fois-ci

Pourtant, il y a seulement 43.000 ans, les deux individus dont l'équipe de Pääbo a étudié l'ADN, possédaient bel et bien cette version humaine du gène FOXP2, avec les deux mutations censées jusqu'à présent n'appartenir qu'à H. sapiens. Que faisait-il là ? Pääbo suggère que le calcul ayant conduit à l'âge de 120.000 ans est faux et que ce gène est en réalité apparu avant la séparation entre néandertaliens et hommes modernes. D'autres scientifiques (de l'autre camp, probablement), cités par Science, expliquent déjà que le gène a pu arriver chez l'homme de Néandertal par croisement avec des H. sapiens, une hypothèse toujours en lice pour décrire l'histoire des deux Homo qui ont vécu aux mêmes endroits durant plus de vingt mille ans...

La présence de ce gène n'est bien sûr pas une preuve que l'homme de Néandertal parlait, mais simplement que la possibilité existe. D'autres arguments allant en ce sens ont déjà été avancés, à commencer par la capacité crânienne importante : entre 1.500 et 1.700 centimètres cubes, soit plus que celle de l'homme moderne alors que celui-ci est plus grand. Sur les fossiles, qui ne conservent que les os, l'anatomie est peu bavarde sur le sujet du langage mais en 1983, un os hyoïde découvert dans la grotte de Kébara, en Israël, a un peu parlé : sa structure est très voisine de celle de l'homme moderne. Or, ce petit os, situé à la base de la langue, est indispensable à la parole.

Par ailleurs, la fabrication d'outils perfectionnés et l'existence de sépultures seraient, selon beaucoup de chercheurs, des preuves d'une communication élaborée entre les individus. L'homme de Néandertal, une fois de plus, nous surprend...