Et si le développement cognitif de nos ancêtres préhistoriques était allé de pair avec la taille des proies chassées ? C’est ce que suggère une équipe de chercheurs de l’Université de Tel Aviv après avoir mis en corrélation l’évolution physiologique et culturelle des humains préhistoriques avec celle des pratiques de chasse et la taille des proies.
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Au cours de l'histoire, l’Homme n’a pas uniquement chassé le mammouth, bien au contraire. Si les animaux de grande taille ont pour sûr représenté des cibles de choix dans un premier temps, leur disparition progressive face à l'évolution du climatclimat mais également de la sur-chasse a obligé les humains à se tourner vers des proies plus petites et plus rapides, les forçant notamment à adapter leurs outils de chasse. En effet, on n'utilise pas le même type d'arme pour chasser un éléphant ou un lapin. Si pour le premier de simples lances peuvent suffire, attraper le second nécessite le développement de nouvelles techniques, bien plus sophistiquées. Pour les chercheurs, cette évolution de la taille des proies serait ainsi à l'origine de notre développement cognitif.
Des proies de plus en plus petites et un cerveau de plus en plus gros
L'étude, publiée dans la revue Quaternary, repose sur l'analyse archéologique de 9 sites préhistoriques situés en France, Espagne, Afrique du Sud et dans l'est de l'Afrique. Tous ces sites ont été habités au Paléolithique, il y a 300 000 ans. Cette époque, connue sous le nom d'Âge de Pierre, correspond à la première émergenceémergence des Hommes de NéandertalNéandertal et d'Homo sapiensHomo sapiens. Parmi les restes retrouvés dans ces abris préhistoriques, de nombreux ossements d'animaux bien sûr, mais également des outils en pierre utilisés pour la chasse ou pour le découpage des proies. C'est ainsi que les scientifiques ont observé une intéressante corrélation.
La réduction progressive de la taille des animaux chassés est en effet associée à l'émergence de nouvelles techniques de chasse et de taille des pierres. Les scientifiques notent ainsi que l'apparition de la technique de Levallois est à chaque fois associée temporellement à une diminution significative de la quantité d'ossements provenant de grands animaux, comme les éléphants. La technique de Levallois est une technique de taille de la pierre impliquant plusieurs étapes, et l'obtention, à partir d'un seul fragment de roche initial, de toute une série d'éclats à la forme réfléchie et prédéterminée. L'apparition de cette technique très sophistiquée est synonyme d'un avancement cognitif important puisqu'elle implique que l'artisan imagine au préalable la forme finale de l'outil qu'il veut réaliser et de mette ensuite en pratique un ensemble de gestes techniques différents pour l'obtenir.
Des techniques de chasse toujours plus sophistiquées, jusqu’à l’émergence de l’agriculture !
Alors qu'une simple lance en boisbois semble avoir été suffisante pour chasser l'éléphant, ce type d'arme rudimentaire n'était plus efficace pour la chasse d'animaux plus petits et très rapides, comme les daimsdaims par exemple. Les lances équipées de pointe en pierre taillées semblent dans ce cas plus adaptées, causant une blessure plus importante en un seul coup. Cette évolution se poursuivra avec l'apparition des arcs et des flèches il y a environ 50 000 ans.
25 000 ans plus tard, l'Homme se dotera encore de nouvelles techniques de chasse, avec notamment l’assistance des chiens, la confection de pièges et de filets de pêchepêche, dans le but de s'adapter à la chasse de proies de plus en plus petites. Mais plus les proies sont petites, plus il faut en attraper pour se nourrir. Et malgré les outils de plus en plus sophistiqués, est arrivé le jour où la chasse n'a plus représenté un intérêt énergétique suffisant. L'Homme a donc trouvé une autre solution, bien plus pratique et moins énergivore : la domesticationdomestication des animaux. Ainsi est née l’agriculture.
La pression environnementale à l’origine de notre développement cognitif
Pour les chercheurs de l'Université de Tel Aviv, cette histoire s'agence donc de façon totalement cohérente. Elle montre notamment que l'évolution cognitive est intimement liée à une réponse adaptative face à une évolution environnementale. Alors que l'on pensait jusqu'à présent que l'évolution cognitive des Hommes était la cause de l'évolution des outils, cette nouvelle étude suggère l'inverse : ce serait bien la fabrication de nouveaux outils, en réponse à la diminution de la taille des proies, qui serait la cause de l'évolution cognitive.