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Cette pointe de flèche aux dimensions impressionnantes intrigue les chercheurs : la bande tracée en gris clair est-elle ornement ou poison ?
« Alors que nous fouillions le site de Beaurieux-la-Plaine, entre Reims et Soissons, une structure en ellipse, longue de 15,5 mètres et large de 4 mètres nous est apparue »,raconte Laurence Manolakakis, spécialiste du néolithique et des pierres taillées au CNRS. Les archéologues, qui depuis trois décennies s'intéressent à toutes les traces des occupants de la vallée de l'Aisne - des premiers agriculteurs aux gallo-romains -, venaient de mettre au jour une sépulturesépulture néolithique.
Avant que les plaines de Beaurieux ne soient transformées en carrières de graviers, un premier décapage à fleur de terre a révélé les emplacements de fossés et de trous de poteaux. Au printemps 2005, les chercheurs de l'Inrap et de l'équipe « Protohistoire européenne » du laboratoire Arscan dégagent deux tombes côte à côte, initialement couvertes de tertres en terre et qui recèlent un véritable trésor : une « collection » de 20 pointes de flèches en silex.
La tombe de gauche renferme un individu jeune, recroquevillé. Autour de lui, 6 pointes de flèches, 4 vases, un amas de coquilles de moules d'eau douceeau douce et d'autres éléments qui restent à examiner : carquois, vases écrasés, résidus de colorant, outils en boisbois de cerf, en os, en silex, etc. Dans la seconde tombe, coffrée de pierre, un adulte repose aussi, en position encore plus contractée, accompagné de 14 pointes de flèches, 4 lames de silex, une grande coquille de moule d'eau douce et 2 vases.
Certaines pièces sont teintées de colorant, mais, fait inédit, sur l'une des pointes de flèche est nettement tracée une bande gris clair. Pour Laurence Manolakakis, « il est bien trop tôt pour parler de "flèche peinte" ».
Seule l'analyse en cours dira s'il s'agit d'un ornement ou d'une trace de poison. Cette pointe de flèche, parfaitement régulière, est aussi particulièrement impressionnante (6,7 g pour 8 cm) comparée à celles retrouvées sur des lieux d'habitat (3 à 4 g pour 4 à 5 cm). Il s'agit peut-être de la tombe d'un individu important. On en sait très peu sur les rites funéraires de cette époque car jusque-là, seules des parties de nécropole ont été retrouvées, essentiellement en Allemagne. L'équipe tout entière s'est attelée à la reconstitution du mobilier funéraire, qui a permis d'établir la datation à - 4 200 ans 3, à l'analyse des matières, du façonnage des flèches et des vases, à la datation et à l'étude des squelettes (âge, sexe, pathologiespathologies, lien de parenté...). Avec pour travaux d'automneautomne, l'examen des parcelles contiguës : peut-être contiennent-elles de nouvelles tombes, d'autres monuments ou qui sait, un habitat ?