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Au cours du temps, l'ADN d'un être mort se dégrade progressivement, à une vitesse qui dépend des conditions dans lesquelles la dépouille est conservée. En d'autres termes, il se fragmente en une multitude de séquences nucléotidiques de plus en plus petites, au grand dam des paléogénéticiens. En effet, ce processus limite l'âge maximal des séquençages pouvant être réalisés sur des restes humains ou animaux. Cependant, les spécialistes ne s'avouent pas vaincus pour autant.
Ainsi, plusieurs laboratoires cherchent à améliorer les techniques d'extraction de l'ADN fossileADN fossile, notamment pour mieux saisir les séquences nucléotidiques qui ne font que quelques dizaines de paires de bases. Et le succès est au rendez-vous. Pour preuve, en septembre dernier, l'ADN mitochondrialADN mitochondrial d'un ours des cavernes mort voici 300.000 ans a intégralement été présenté à la communauté scientifique. Cet animal avait été exhumé de la Sima de los huesos, une grotte tempérée et humide qui se situe dans la sierra d'Atapuerca (Espagne).
Ce site est bien connu des anthropologues, puisque des restes de 28 Homo heidelbergensisHomo heidelbergensis y ont également été trouvés depuis le début des fouilles en 1978. Parmi eux figure un fémurfémur exhumé dans les années 1990. Ce jour, nous venons d'apprendre que des chercheurs ont non seulement réussi à en extraire de l'ADN mitochondrial, mais qu'ils sont aussi parvenus à le séquencer dans son intégralité. Or, cet os est vieux d'environ 400.000 ans ! Présenté dans la revue Nature, cet exploit est une fois encore l'œuvre de l'équipe dirigée par Svante Pääbo du Max PlanckMax Planck Institute for Evolutionary Anthropology (Allemagne).
Le plus vieux génome d'hominidé séquencé a 400.000 ans. Il a été extrait de mitochondries trouvées dans ce fémur d'Homo heidelbergensis. © Javier Trueba, Madrid Scientific Films
La morphologie et la génétique divergent une fois de plus
Ce génomegénome mitochondrial a été comparé à celui d'autres représentants du genre Homo. Les résultats ont laissé certains spécialistes sans voix. Morphologiquement, Homo heidelbergensis ressemble à l'Homme de Néandertal qui a vécu dans la même région, mais quelques milliers d'années plus tard. D'ailleurs, pour quelques experts, le second descendrait du premier.
Génétiquement... c'est une tout autre histoire. En effet, les hominidéshominidés de la Sima de los huesos seraient plus proches des Hommes de Denisova, le groupe frèregroupe frère des néandertaliens qui s'est épanoui dans le sud-est de la Sibérie, donc à des milliers de kilomètres de l'Espagne. Cette découverte a tout simplement apporté plus de questions que de réponses, car il est difficile de l'expliquer.
De l’ADN nucléaire extrait d’ici un an ?
À partir de là, chacun y va de sa petite théorie. Pour sa part, Svante Pääbo a rappelé que la comparaison des génomes des Hommes de Denisova et de Néandertal a montré qu'ils ont un ancêtre communancêtre commun qui a vécu voici 700.000 ans. L'Homme de la Sima de los huesos pourrait avoir appartenu à cette population fondatrice, qui avait alors une distribution eurasienne.
Ainsi, les Néandertaliens et les Dénisoviens auraient théoriquement reçu un patrimoine génétiquegénétique mitochondrial similaire, mais les premiers l'auraient ensuite perdu. Rappelons-le, l'ADN mitochondrial se transmet uniquement par la mère. Ainsi, il est possible qu'une néandertalienne ait donné naissance à un fils qui se serait hybridé avec une femelle d'une autre espèceespèce, ce qui aurait fait disparaître les gènesgènes retrouvés en Espagne (Homo heidelbergensis) et dans la molairemolaire de la fille morte dans la grotte de Denisova voici 30.000 à 50.000 ans.
Pour y voir plus clair, l'équipe allemande s'est déjà remise au travail, avec pour objectif d'extraire de l'ADN nucléaire du fémur d'ici un an. Puisqu'il est transmis par les deux parents, celui-ci fournit de meilleures informations sur l'histoire évolutive d'une population. Il faut avouer que les défis à relever sont nombreux. Souhaitons leur bonne chance.