Mis en condition, l’homme n’éprouve aucun remords à faire souffrir ses semblables. L’expérience de Milgram l’avait démontré il y a cinquante ans, sa réédition vient de le confirmer.

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    L'expérience de Milgram. L'expérimentateur (E) demande à S d'infliger des décharges électriques à la personne A, en fait un acteur simulant la souffrance. Source Commons

    L'expérience de Milgram. L'expérimentateur (E) demande à S d'infliger des décharges électriques à la personne A, en fait un acteur simulant la souffrance. Source Commons

    Entre 1960 et 1963, le psychologue américain Stanley Milgram a effectué une des expériences les plus surprenantes qui soient. Elle visait à déterminer jusqu'à quel point un individu était prêt à transgresser les règles de la morale et de la conscience les plus élémentaires pour obéir à une autorité qu'il juge légitime, même si cela lui pose des problèmes éthiques.

    Conduite sur un total de 636 sujets, l'expérience consistait à placer isolément des candidats dans la situation d'un enseignant chargé de faire apprendre par cœur à un élève des suites de mots, avec le pouvoir de stimuler celui-ci en lui faisant subir des décharges électriques de plus en plus pénibles si le résultat n'était pas satisfaisant. La séance était supervisée par un expérimentateur, revêtu de la blouse du chercheur, censé évaluer de la manière la plus scientifique qui soit l'influence de la punition sur les capacités d'apprentissage.

    En réalité, élève et expérimentateur étaient des comédiens, seul le candidat était un volontaire ayant répondu à un appel publié dans un journal local pour participer à l'expérience, contre rémunération de 4 dollars, plus 50 cents pour les frais de déplacement (à l'époque le salaire hebdomadaire moyen était de 25 dollars).

    Différence par rapport à Milgram : 300 volts

    Dans l'expérience de base (elle comportait 19 variantes), 82,5% des candidats ont atteint le cap des 150 volts et 65% étaient allés jusqu'au bout en infligeant jusqu'à trois décharges électriques de 450 volts à l'élève, malgré les hurlements de douleurdouleur de plus en plus importants de ce dernier, allant jusqu'à la supplication. Ce taux grimpait à 92,5% si les chocs étaient administrés par un pair sur instruction du candidat.

    Jerry M. Burger, professeur et docteur en psychologie de l'université Santa Clara (Californie) vient de rééditer l'expérience avec 70 participants, dont 29 hommes et 41 femmes, auxquels une prime de 50 dollars était offerte.

    Avant d'entamer le processus, chaque candidat recevait lui-même une décharge de 15 volts afin de le sensibiliser à ce qu'allait subir l'élève et se voyait annoncer qu'il recevrait sa rémunération même s'il abandonnait en coure de route. Milgram avait procédé de même (en prétendant infliger 45 volts, mais n'envoyant que 25 volts en réalité).

    La seule différence notable entre les expériences de Milgram et de Burger est que cette dernière ne simulait que jusqu'à hauteur de 150 volts, c'est-à-dire jusqu'à un palier intermédiaire, tout en permettant quand même d'établir une corrélation valable à un demi siècle de distance.

    Les résultats sont interpellants. 70% des candidats ont atteint le seuil des 150 volts et accepté de poursuivre au-delà, avant que l'expérience ne soit stoppée. Avec Milgram, 80% des candidats ayant atteint ce niveau avaient poursuivi jusqu'à 450 volts, et rien ne laisse suggérer que cela n'aurait pas été le cas cette fois-ci... Comme dans l'expérience initiale, aucune différence notable n'a été constatée entre les sujets des deux sexes.

    « Lorsqu'ils sont sous pression, les hommes peuvent faire des choses effrayantes », conclut Jerry Burger dans PsychoMedia, en précisant que « ce phénomène peut partiellement expliquer qu'en temps de conflit, les gens puissent prendre part à des génocides ». Les résultats seront publiés en janvier par l'auteur dans la revue American Psychologist.

    Résultats semblables pour d'autres expériences

    D'autres variantes de l'expérience de Milgram ont été conduites dans le monde entre 1969 à nos jours. Parmi les plus remarquables, on peut citer celle d'Edwards et al. (1969) en Afrique du Sud, où les 16 volontaires ont atteint un taux d'obéissance de 87,5%, de Shanab et Yayha (Jordanie) portant sur 96 sujets (M/F) âgés de 6 à 16 ans avec un taux de 62,5%, ou de MirandaMiranda (Espagne-1981) portant sur 24 sujets, où questionneur, élève et technicien étaient tous du même sexe, avec un taux de 50%.

    En revanche, une expérience tentée par Kilham et Mann en Australie (1974) où l'exécutant était un homme et l'élève une femme (25 groupes mixtes), n'a abouti qu'à 28% de taux d'obéissance. L'homme reste un homme...