Le lien entre les humains et le monde souterrain est certainement bien plus fort qu’on ne pourrait le penser. Si pour nous, humains modernes, ces galeries obscures peuvent paraître effrayantes, elles représentaient un abri sûr pour les peuples de la Préhistoire. Et peut-être même bien plus que cela, comme le révèlent les fresques ornant de nombreuses grottes. Une nouvelle étude montre d’ailleurs à quel point les Préhistoriques pouvaient s’aventurer profondément dans ces réseaux souterrains.


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    On représente souvent les Préhistoriques assemblés autour d'un feu, à l’entrée d’une grotte. Si l'on sait, grâce à de nombreuses découvertes archéologiques, que les groupes humains du Paléolithique ont en effet souvent élu domicile dans ces abris-sous-roche naturels, il apparaît également que la zone habitée restait limitée au porcheporche ou tout du moins à l'entrée de la grotte. Cela ne signifie cependant pas qu'Homo sapiensHomo sapiens et peut-être NéandertalNéandertal avant lui, ne se sont pas aventurés plus loin dans ces galeries souterraines plongées dans les ténèbres.

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    Une appropriation du monde souterrain plus poussée qu’on ne le pensait

    De nombreuses grottes ornées, comme celle de Lascaux et de Chauvet, témoignent d'intrusions bien plus poussées dans ces réseaux souterrains. Les fresques présentant les animaux sont en effet retrouvées dans des salles éloignées de plusieurs centaines de mètres de l'entrée, preuve que les peuples de la Préhistoire osaient s'aventurer dans ce monde obscur, non pas pour y vivre, mais dans un but culturel et certainement rituel.

    Cette appropriation du monde souterrain pourrait même être bien plus poussée qu'on ne le pensait. De nombreux petits indices révèlent en effet que les Préhistoriques pouvaient s'enfoncer sous terre sur plusieurs kilomètres, il y a de cela 10 000 ans !

    Cette présence humaine a été révélée par la découverte, dans la grotte Saint-Marcel, d'étranges structures composées de stalagmitesstalagmites cassées.

    Détail de la fresque du Grand Panneau, dans la grotte Chauvet, en France. © Claude Valette, CC by-nc 4.0
    Détail de la fresque du Grand Panneau, dans la grotte Chauvet, en France. © Claude Valette, CC by-nc 4.0

    L’un des plus vastes réseaux souterrains de France

    Située à l'entrée des gorges de l'Ardèche, cette grotte ouverte au public est bien connue pour ses magnifiques concrétionsconcrétions et pour les artefacts retrouvés dans son porche d'entrée. Ceux-ci indiquent que cette grotte a été peuplée à deux époques différentes, durant le Paléolithique moyen, il y a environ 100 000 ans, et durant le Paléolithique supérieur et le Néolithique, il y a environ 8 000 ans.

    Avec ses 64 kilomètres de galeries aujourd'hui topographiées, cette grotte représente le quatrième réseau souterrain de France. Elle s'organise sur cinq niveaux superposés, qui s'étagent entre +218 mètres et -107 mètres par rapport au niveau de l'Ardèche. Les deux niveaux inférieurs sont aujourd'hui ennoyés et actifs, les trois supérieurs étant secs et considérés comme fossilesfossiles.

    En matière d'études archéologiques, cet immense réseau n'avait cependant été limité qu'à la zone proche de l'entrée naturelle, qui se caractérise par une vaste galerie, facilement praticable. Les chercheurs avaient en effet considéré que le puits remontant d'une dizaine de mètres marquant la fin de cette première partie aurait été infranchissable par les humains de la Préhistoire. Ils se trompaient.

    La grotte Saint-Marcel, en Ardèche, est célèbre pour ses magnifiques concrétions, mais également pour ses restes archéologiques. © Getfunky Paris, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by 2.0 
    La grotte Saint-Marcel, en Ardèche, est célèbre pour ses magnifiques concrétions, mais également pour ses restes archéologiques. © Getfunky Paris, Wikimedia Commons, CC by 2.0 

    Preuves d’une présence humaine jusqu’à plus de 2 km de l’entrée

    En parcourant les galeries situées derrière cet obstacle, des scientifiques spéléologues ont en effet découvert des structures qui n'avaient rien de naturel. Ici, ce sont plusieurs concrétions qui ont été empilées pour former des marches permettant de franchir un ressaut. Plus loin, ce sont des stalagmites brisées qui ont été alignées, ou disposées en cercle. L'ensemble de ces observations a été réalisé entre 1 et 2,5 kilomètres de l'entrée de la grotte. Des analyses plus poussées ont d'ailleurs révélé que certaines concrétions avaient été fracturées à l'aide d'outils avant d'être disposées sur le sol suivant un schéma réfléchi. Ce sont ainsi environ un millier de concrétions qui ont été déplacées intentionnellement.

    L'étude publiée dans la revue Journal of Archeological Method and Theory balaye par ailleurs l'idée qu'il pourrait s'agir d'agencements réalisés par des explorateurs modernes. Les morceaux brisés et déplacés sont en effet soudés au sol par de nouvelles concrétions, dont la datation a permis d'établir que ces alignements remontaient à la fin du Paléolithique supérieur et au Mésolithique européen (il y a environ 10 000 ans).

    Non seulement ces résultats révèlent que les humains de la Préhistoire n'avaient pas peur de s'aventurer en profondeur dans le réseau de galeries, malgré le noir et la présence d'obstacles nombreux et difficiles à franchir sans équipement, mais qu'ils ont volontairement structuré cet espace souterrain. Dans quel but ? Voilà la question ultime à laquelle il restera difficile de répondre avec certitude, même si l'on peut soupçonner qu'il était de dimension symbolique, comme l'explique Jean-Jacques Delannoy, auteur principal de l'étude et de cet article dans The Conversation.