L’Histoire est parsemée de récits aux accents légendaires, ayant inspiré des aventuriers de fiction et les explorateurs du monde réel. De l’Atlantide à l’El Dorado en passant par Shambhala ou Avalon, Futura vous propose de revenir sur les traces de ces lieux mythiques, afin d’en comprendre les origines tout en analysant le vrai du faux.


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    Il y a plus de 2 000 ans, un navigateurnavigateur grec, PythéasPythéas de Massilia, découvrait une île éloignée du continent, la plus septentrionale qu'il ait observée. Baptisé Thulé, ce morceau de terre était considéré comme le bout du monde pour les explorateurs antiques, lieu lointain où le Soleil ne se couchait que trois heures par jour. Une île si éloignée que la mer se situant au-delà représentait un péril infranchissable pour les marins.

    Le récit complet de Pythéas ne survécut pas à l'épreuve du temps, et seule la légende demeure. D'autres savants anciens prirent néanmoins l'histoire au sérieux, au point que cette île inconnue est aujourd'hui gravée dans l'inconscient collectif, et une part intégrante de la mythologie scandinave que, depuis deux millénaires, explorateurs, chercheurs et historienshistoriens tentent de retrouver.

    La dernière île de l’archipel britannique

    Vers 325 avant J.-C., Pythéas, né dans la colonie grecque de Massilia (actuelle Marseille), décide de s'aventurer au nord de l'Europe. À cette époque, l'archipelarchipel anglais et plusieurs îles bordant le continent sont déjà connues des marins. Lorsque son expédition découvre Thulé, le Grec la définit comme la dernière île de britannique. Toutefois, si les récits de Pythéas racontent son exploration de l'Angleterre, peu d'éléments postérieurs viennent étayer sa découverte. Des écrits plus tardifs provenant du géographe Starbon offrent des détails sur la vie des habitants de l'île, se nourrissant de « racines et de fruits, de grains et de miel ». Il indique que si le Soleil ne disparait presque pas derrière l'horizon, il n'atteint pas son zénith dans le ciel.

    Le cartographe Olaus Magnus illustrait en 1539 Thulé, située entre l'Islande et les Îles Féroé. © Olaus Magnus
    Le cartographe Olaus Magnus illustrait en 1539 Thulé, située entre l'Islande et les Îles Féroé. © Olaus Magnus

    Des savants grecs et romains ont tenté de déterminer la localisation de Thulé, y compris le géographe et mathématicienmathématicien Claude Ptolémée. Au VIe siècle, Procope de Césarée décrit une île bien plus vaste qu'imaginée par les précédents penseurs. Thulé serait ainsi habitée par différents peuples et serait positionnée dans le cercle polairecercle polaire avec un cycle jour-nuit variable selon les saisonssaisons et très différent du cycle continental.

    Toutefois, la source originelle de cette quête, l'ouvrage De l'Océan, de Pythéas, a été perdu lors de la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie en 48 avant J.-C. Alors, comment distinguer le vrai du faux ? Il fait aujourd'hui peu de doute qu'un explorateur grec ait effectivement découvert une île reculée, mais l'enjeu est de déterminer de quel site Pythéas pouvait bien parler au IVe siècle avant J.-C.

    Voir aussi

    À la découverte d’Iram, « l’Atlantide des Sables » mentionnée dans le Coran

    Islande, Féroé, Smøla : la recherche continue

    Si Thulé existe, elle pourrait bien être une île actuellement connue et occupée. Plus au nord du Royaume-Uni, deux sites pourraient avoir été visités par Pythéas : l'Islande ou l'archipel des Féroé. Ce dernier est situé à environ 350 kilomètres des côtes écossaises. L’Islande est bien plus distante, mais pourrait tout autant correspondre à la description de l'île légendaire.

    Il faut calculer les capacités de navigation de l'aventurier grec, qui avait supposément vogué six jours et six nuits avant d'atteindre cette terre mystérieuse. Un tel voyage est réalisable dans des étendues telles que la mer du Nordmer du Nord, mais pourrait se complexifier dans l'océan Atlantique et la rigueur de cet environnement. Il est alors peu probable que Pythéas ait pu voguer plus loin que l'Islande, l'hypothèse la plus probante étant celle d'un voyage dans ces régions nordiques de l'hémisphère Nordhémisphère Nord

    À Smøla, les locaux sont bel et bien convaincus que la légendaire Thulé est le nom donné à leur île par le navigateur grec. © Annar Thinn, CC BY SA 2.5
    À Smøla, les locaux sont bel et bien convaincus que la légendaire Thulé est le nom donné à leur île par le navigateur grec. © Annar Thinn, CC BY SA 2.5

    D'autres pistes évoquent les Iles Shetland, toujours au nord de l'Écosse, et au sud des îles Féroé. Des thèses plus récentes laissent penser que la légendaire Thulé se situerait à l'ouest de la Norvège, où dort une petite île du nom de Smøla. Dans un article publié en 2020, le magazine Hakai relayait la théorie de chercheurs allemands de l'université Technique de Berlin selon laquelle Thulé se situerait précisément à Smøla.

    Les deux scientifiques, spécialistes en géodésiegéodésie, tentaient alors de corriger les erreurs de philosophes et savants grecs ayant élaboré l'œkoumène, l'espace habitable par l'Homme sur Terre. Une tâche délicate et inter-disciplinaire nécessitant une étude approfondie des archives cartographiques de l'Antiquité, des ressources géographiques actuelles et des calculs mathématiques.

    Une véritable aubaine pour les 2 000 habitants de l'île, qui profitent ainsi d'un afflux de touristes et de curieux depuis quelques années. Mais la partie des manuscrits originaux rédigés par Pythéas renvoie l'existence de Thulé à une énigme peut-être insoluble. Un fait est certain : sa légende devrait continuer à alimenter les questionnements ainsi que les débats des historiens et des passionnés au cours des prochaines décennies.