L’Histoire est parsemée de récits aux tons légendaires, ayant inspiré des aventuriers de fiction et les explorateurs du monde réel. De l’Atlantide à l’El Dorado en passant par Shambhala ou Avalon, Futura vous propose de revenir sur les traces de ces lieux mythiques, afin d’en comprendre les origines tout en analysant le vrai du faux.
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À l'ombre des plus grandes montagnes du monde, se cacherait une cité légendaire dont la réputation se perpétue dans les religions bouddhistes et hindouistes. Shambhala, ou « lieu du bonheur paisible » en sanskrit, fait rêver depuis des siècles les explorateurs et les orientalistes. Un véritable paradis perdu, dont l'histoire entremêle mythes et réalité, sans que personne n'ait jamais réellement attesté de son existence. Lieu purement symbolique, ville perdue dans l'Himalaya ou région dont le nom a changé au fil des siècles, Shambhala a suscité les passions, plusieurs expéditions ont tenté de retrouver la trace de cette province mystérieuse.
Un mythe sacré du bouddhisme et de l’hindouisme
L'histoire de Shambhala prend racine dans l’hindouisme. Des textes consacrés à l'existence du dieu Vishnu expliquent que la cité serait le lieu de naissance de la dixième et dernière incarnation de Vishnu, nommé Kalki. Ce dernier signerait la fin d'une ère sombre et chaotique : Kali Yuga ou « l'âge des ténèbres », personnifié par la déesse de la mort et de la destruction, Kali. Les textes religieux érigent Shambhala comme une ville resplendissante, aux bâtiments chatoyants et à la végétation luxuriante. Lorsque les bouddhistes réinterprètent la légende, ils en font le lieu de création du Kalachakra. Le Kalachakra est une véritable cosmologie ancrée dans le bouddhisme tibétain, offrant une vision singulière de l'existence, en opposant notamment le karma à l'ignorance.
Le Kalachakra, que l'on retrouve dans l'hindouisme, est un texte particulièrement ancien. Selon une étude particulièrement complexe publiée en 1998 dans l'Indo-Iranian Journal, certains fragments du Kalachakra semblent avoir été rédigés durant l'Antiquité, avec un assemblage final estimé entre le Xe et le XIVe siècle de notre ère. Il est difficile de dater l'émergenceémergence de Shambhala dans le Kalachakra, mais ses origines sont particulièrement lointaines et brumeuses. Le Kalachakra est un texte se révélant particulièrement important pour les moines tibétains, car revêtant un aspect prophétique. En faisant de Shambhala un haut lieu du bouddhisme, c'est dans la cité que les forces guidées par un idéal spirituel combattraient et déferaient des barbares commandés par un roi aux mauvaises intentions, tentant de prendre possession des lieux. Shambhala, comme des récits bibliques, judaïques ou coraniques, représente la lutte existentielle entre les forces du Bien et du Mal. Une observation trouvant un écho dans le monde réel, avec plusieurs campagnes lancées au cours du XXe siècle, visant à découvrir la cité.
Les nazis et les Américains sur la piste de Shambhala
Indiana Jones, irréaliste ? Pourtant, Shambhala a bel et bien suscité l'intérêt d'explorateurs de tous horizons visant à découvrir la province mystique. Entre 1925 et 1929, Nicolas Roerich, sa femme Helena et leur fils George se lancent dans un périple à travers l'Asie, passant notamment par la Mongolie, la Chine, le Tibet avant de tenter de rejoindre l'Inde. Les objectifs de l'aventure sont divers. Les Roerich étant portés sur l'ésotérisme et l'occulte, l'Asie apparaît comme un continent privilégié pour recueillir des savoirs philosophiques, scientifiques et géographiques. Parcourant de nombreuses régions sensibles, les Roerich attirent l'attention et la suspicion de l'URSS et du Japon. Un an après leur retour en Occident, en 1930, Nicolas Roerich publie Shambhala. Dans un mélange de dialogues, de réflexions personnelles et d'expériences en Asie, le symboliste russe étaye la vision d'une cité resplendissante, aux propriétés quasi surnaturelles.
Le récit de Roerich connaît un certain retentissement, inspirant des auteurs tels que James Hilton et son roman Lost Horizon, paru en 1933. Mais l'histoire de Shambhala ne s'arrête pas là. En 1938, un petit groupe de cinq scientifiques allemands affiliés au IIIe Reich et appartenant aux SS atterrit en Inde avant de mettre le cap sur le Tibet. Adolf Hitler et les pontes du régime nazi sont alors persuadés que les montagnes himalayennes abritent le royaume d'Agartha, peuplé par des « Aryens » originels. Dans le cadre de leur mission, les Allemands analysent des squelettes d'autochtones et emportent de nombreux artefacts à leur retour. À l'instar des Roerich, les nazis repartent bredouilles de l'Himalaya, aucun élément factuel ne venant corroborer l'existence d'une cité perdue à flanc de montagne.
En 1934, la famille Roerich décide de repartir en Asie. Nicolas est alors commissionné par le Département de l’Agriculture des États-Unis, afin d'étudier les sols du désert de Gobi. Cette nouvelle aventure des Roerich les mène de nouveau dans des lieux délicats, en Mandchourie notamment. Les historienshistoriens soupçonnent que le symboliste ait continué à rechercher Shambhala, sans plus de succès. Derrière cette ville légendaire, déclinée dans de nombreuses œuvres de fiction, se cache surtout un message allégorique mettant en exergue les croyances bouddhistes. Peut-être que Shambhala se cache bel et bien sous les ruines d'un monastère tibétain, protégée par des gardiens millénaires, mais elle ne reste pour l'heure qu'un mystère historique et spirituel...