L’Odyssée, relatée par Homère, est l’un des récits mythologiques les plus connus. Ulysse, le héros sillonne la Méditerranée et il est tentant d’essayer de retracer son parcours sur nos cartes actuelles. Mais est-ce vraiment possible ?
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L'une des épopées mythiques les plus connues est certainement L'Odyssée qui retrace le voyage d'Ulysse, héros grec de la guerre de Troie. Relatée par Homère, ce récit d'aventures date de la fin du VIIIe siècle avant J.-C.
Bien que mythologique, ce récit prend place dans un contexte géographique réel, celui du bassin méditerranéen. Il décrit le voyage en mer qu'effectue Ulysse pour rentrer chez lui, sur l’île d’Ithaque, après la destruction de Troie. Un voyage qui durera dix ans et au cours duquel Ulysse fera la rencontre de nombreux personnages mythologiques comme la nymphenymphe Calypso, la princesse Nausicaa, les Cyclopes, les sirènes ou encore la magicienne Circé.
Entre fiction et réalité
Reste à démêler le vrai du faux. Outre la question de savoir si Ulysse a bien existé ou s'il représente seulement un personnage fictif, de nombreux auteurs et analystes ont cherché à savoir si les multiples références géographiques présentes dans le récit correspondaient à des lieux réels. Dès l'Antiquité, Polybe et Strabon ont ainsi tenté de retracer le chemin suivi par Ulysse. Mais tout n'est pas si simple car si, parmi les lieux cités par Homère, certains sont facilement identifiables et transposables sur les cartes actuelles, comme les îles de la méditerranée ou certaines côtes, d'autres semblent complètement imaginaires. C'est le cas du monde souterrain relaté par Homère, le pays des Lotophages ou encore l'archipelarchipel des Phéaciens. En 1858, William E. Gladstone en conclut que L'Odyssée est ainsi un savant mélange de fiction et de réalité et qu'il est vain de tenter de la cartographier.
Un peu plus tard, Samuel Butler, romancier du XIXe siècle, tente, lui aussi, de cartographier le trajet d'Ulysse. Il se base alors sur les informations topographiques que délivre le récit : descriptions de forêts, de montagnes ou de côtes. Selon lui, la plupart de ces informations renvoient à des lieux situés en Sicile ou dans ses environs. Ulysse ne serait donc pas parti bien loin.
Ithaque en mer Ionienne, en Sicile… ou à Gibraltar ?
Au début des années 1900, Victor Bérard, diplomate et homme politique français, se lance dans un voyage censé suivre le trajet d'Ulysse en Méditerranée. En se basant lui aussi sur la topographie décrite dans l'œuvre d'Homère, Bérard identifie des lieux et les prend en photo. Ces données, ainsi que ses interprétations, seront publiées dans un livre, Dans le sillage d'Ulysse, en 1933. Sa carte positionne ainsi différents lieux jusque-là considérés comme purement imaginaires, comme la grotte de Calypso, qu'il place sur une île proche de Gibraltar. Si le travail de Bérard a longtemps fait autorité dans ce domaine -- il est même présenté dans les manuels scolaires --, il est actuellement de plus en plus contesté. Les critiques s'appuient en particulier sur le fait qu'il voulait à tout prix démontrer que L'Odyssée était un récit entièrement réaliste.
Pourtant, la localisation de l'île d'Ithaque elle-même, point final du voyage d'Ulysse, fait débat. Naturellement, les cartographes ayant travaillé sur L'Odyssée l'ont placée dans la mer Ionienne, sur l'île qui porteporte actuellement le même nom. Ce choix est également supporté par le fait qu'Homère décrit un ensemble de quatre îles, dont Ithaque serait la moins appropriée pour les courses de char. La topographie et le contexte géographique pourraient donc correspondre. Mais de nombreux auteurs sont en désaccord, certains positionnant Ithaque sur une autre île ionienne, d'autres la localisant à un tout autre endroit de la Méditerranée, notamment à l'ouest de la Sicile, ou bien plus loin, dans les environs de Gibraltar.
Le plus important : se laisser porter par la magie du récit
La question n'est donc peut-être pas de savoir s'il est possible de cartographier le voyage d'Ulysse, mais plutôt s'il est judicieux de le faire. En effet, transposer simplement des observations topographiques et géographiques datant d'il y a 2.800 ans semble avoir peu de sens, si l'on ne tient pas compte des modifications qu'ont subies les côtes durant tout ce temps, notamment à cause des variations du niveau de la mer et de l'érosion naturelle ou anthropique du littoral.
Le fait est qu'Homère lui-même n'a pas jugé nécessaire d'inclure à son récit une carte, même approximative, du trajet de son héros. Peut-être ne faut-il pas chercher plus loin et simplement se laisser porter par ce beau récit d'aventure.