En 1519, le navigateur Magellan se lance dans une formidable aventure maritime : faire le tour du monde par la mer. Si l’on sait bien à l’époque que la Terre est ronde et qu’un tel voyage est a priori possible, les navigateurs n’ont pourtant qu’une connaissance très limitée des océans Atlantique et Pacifique, encore moins de l’immense continent qui les sépare : le continent américain. Comment Magellan a-t-il fait pour se guider et s’orienter durant ce voyage ? Cette traversée épique représente en effet l’une des plus grandes prouesses de l’histoire de la navigation.
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S'il ne fait aucun doute que Magellan s'est lancé dans l'aventure par envie d'exploration, l'objectif du voyage était avant tout commercial : ouvrir une route maritime en découvrant une façon d'accéder à l'Asie par l'Ouest et non par l'Est. Ce chemin permettrait ainsi à l'Espagne d'avoir accès aux épices si prisées sans avoir à traverser l'océan Indien, alors sous contrôle portugais.
Un voyage de trois ans dans l’inconnu
Les précédentes explorations de la côte sud-américaine laissent en effet supposer à Magellan qu'il existe un passage à travers ce que l'on appelle à l'époque le « nouveau continent », permettant de relier l'Atlantique et le Pacifique par la voie maritime. Le voyage, dont Magellan ne verra malheureusement pas le bout, durera trois années. Trois années jalonnées de mutineries, de naufrages, de maladies et d'affrontements avec les populations des îles, durant lesquelles l'équipage réussira néanmoins la traversée complète de deux océans et découvrira le fameux détroit de Magellan, passage tant espéré situé à l'extrémité sud du continent américain. Comment, avec les connaissances et les moyens de l'époque, cet exploit a-t-il été possible ? Quels outils et techniques de navigation ont permis à ces navigateursnavigateurs d'arriver à bon port ?
Car, si aujourd'hui le positionnement par GPS guide avec précision les navires, la cartographie des océans et des continents était loin d'être complète au XVIe siècle et les moyens pour s'orienter étaient rudimentaires. Rudimentaires mais suffisamment ingénieux pour permettre la traversée de part en part de deux immenses océans.
Mesurer le cap et le temps, deux éléments essentiels
À l'époque, les marins naviguaient principalement « à l'estime ». Les pêcheurs, à force de pratiquer les mêmes routes maritimes, arrivaient à se repérer grâce aux reliefs du littoral dès qu'ils pouvaient l'apercevoir. Pour garder le cap, ils s'aidaient de quelques instruments simples : compas, sablier, sonde et loch.
Le compas magnétique représente certainement l'instrument dont l'usage était le plus régulier. Il permettait de suivre un cap en indiquant la direction du nord magnétique. Mais, pour positionner correctement un bateau en mouvement et suivre l'évolution du voyage, la mesure du temps était un paramètre également très important. Les navigateurs étaient ainsi équipés de cadrans solaires et de sabliers qui permettaient de comptabiliser le temps écoulé. Une personne à bord était chargée de les retourner au moment précis où le dernier grain de sablesable passait dans l'ampoule inférieure. Ces petits instruments étaient précieux, notamment la nuit où l'on ne pouvait plus estimer le temps grâce au soleil.
La sonde permettait, quant à elle, d'estimer la profondeur d'eau et de choisir le bon itinéraire pour éviter au navire de s'échouer. Simple fil lesté de plomb, la sonde permettait également de ramener un petit échantillon du fond. Les premières cartes des fonds marins se sont ainsi construites progressivement, grâce à la compilation des relevés de sondes réalisés au fil des décennies, puis des siècles. C'est d'ailleurs en reliant les points de même profondeur que les hydrographes du XVIIIe siècle inventèrent les courbes de niveau pour cartographier les reliefs sous-marinssous-marins.
Enfin, pas de positionnement sans connaissance de la vitesse du navire. Cette donnée pourtant importante était obtenue de façon très approximative grâce à un morceau de boisbois, le loch, accroché à une corde, que l'on jetait à l'eau à l'avant du navire. Les hommes mesuraient alors le temps que mettait la bûche pour arriver à l'arrière du navire, dont la longueur était connue. La vitesse était ensuite obtenue par un simple calcul : la longueur du bateau divisée par le temps de parcours de la bûche.
L’astrolabe ou la révolution du positionnement par l’observation astronomique
Mais la navigation en pleine mer, au beau milieu de l'océan Pacifique ou Atlantique, ne pouvait se suffire de ces instruments. Lors de sa traversée, Magellan utilisa un nouvel outil de positionnement, basé sur des repères astronomiques : l'astrolabe. Cet instrument servait à déterminer la latitudelatitude, par le biais de la mesure de la hauteur des astres (étoile polaire ou soleil) dont la valeur est reportée sur des tables astronomiques. Au cours de ces grands voyages d'exploration, les relevés réguliers de la latitude, couplés aux autres observations (description des côtes, sondages) ont permis une avancée considérable de la cartographie du globe et de la connaissance géographique de notre monde. Progressivement, les premières cartes faisant apparaitre des latitudes se construisent et sont utilisées par les navigateurs pour se repérer. La détermination de la longitudelongitude restera, par contre, longtemps problématique -- jusqu'au XVIIIe siècle.