En l’an 1197, une armée venue du sud de la Norvège attaque et pille le château du roi Sverre Sigurdsson. Le corps d’un homme sera même jeté dans le puits afin de rendre l’eau impropre à la consommation. Fait historique ou légende ? Difficile en effet de démêler le mythe de la réalité dans ces contes épiques que représentent les sagas nordiques. Pourtant, une découverte archéologique vient apporter crédit à cet épisode sanglant de l'histoire norvégienne.


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    Mêlant récits légendaires et historiques, les sagas plantent le décor de ce que fut la Scandinavie au Moyen Âge. Conquêtes, explorations, luttes de pouvoir, héros courageux et interventions divines, ces récits souvent épiques étaient surtout un moyen de transmettre les valeurs et l'histoire des peuples nordiques aux nouvelles générations. Aujourd'hui, elles transportent les lecteurs au cœur de la culture viking, aux côtés des premiers rois de Norvège.

    Saga des rois norvégiens : difficile de démêler le mythe des faits historiques

    Difficile, toutefois, de démêler le mythe de la réalité dans ces contes captivants. S'il est avéré que la plupart des héros mentionnés ont existé et que le récit de leur vie se base sur des faits s'étant réellement produits, la véracité de certains épisodes est cependant parfois douteuse. Et pour cause : nombre de sagas auraient été écrites par des érudits islandais, plusieurs siècles après les faits, sur la base de récits oraux.

    Extrait de la Saga de Sverris. © Gilwellian, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Extrait de la Saga de Sverris. © Gilwellian, Wikimedia Commons, domaine public

    Des chercheurs révèlent cependant que l'histoire du raid conduit sur le château de Sverresborg en l'an 1197 serait plutôt véridique. L'un des passages de la saga de Sverris, qui relate la vie du roi Sverre Sigurdsson (1151-1202), raconte en effet comment ce château a été assiégé par ses opposants, les Bagleres, représentant l'Église catholique romaine. Contrairement à de nombreuses sagas, ce texte semble avoir été écrit plus ou moins à l'époque des faits, sous la dictée même du roi. Riche en détails, le récit explique ainsi que le roi Sverre, ayant passé l'hiverhiver dans la ville de Bergen, une armée Bagler aurait profité de cette absence pour attaquer son château situé à proximité de Trondheim. Réussissant à entrer dans l'enceinte, les assaillants l'auraient alors mis à sac. Le texte rapporte qu'ils auraient même jeté le corps d'un homme mort dans le puits central avant de le combler de cailloux, afin d'empoisonner l'eau. Si cette pratique semble avoir été courante lors des conflits au Moyen Âge, ce détail de la saga de Sverris va ici prendre une importance majeure.

    « L’homme du puits » retrouvé 700 ans plus tard atteste la véracité du récit

    Plus de 700 ans après cet épisode dramatique, en 1938, des fouilles archéologiques dans l'enceinte du château de Sverresborg vont en effet mettre au jour la présence d'ossements au fond du puits, à la base de l'amoncellement de roches. Si les recherches ne sont alors pas allées plus loin, de nouvelles fouilles en 2014 et 2016 vont permettre de dégager le reste du squelette. Les analyses vont alors révéler qu'il s'agissait d'un homme âgé de 30 à 40 ans au moment de sa mort, qui aurait été causée par de graves blessures au niveau du crânecrâne.

    « L'homme du puits » retrouvé lors de fouilles archéologiques dans le château de Sverresborg. © <em>Åge Hojem NTNU Vitenskapsmuseet</em>
    « L'homme du puits » retrouvé lors de fouilles archéologiques dans le château de Sverresborg. © Åge Hojem NTNU Vitenskapsmuseet

    La datation des ossements au radiocarbone corrèle plutôt bien avec la date annoncée du raid sur le château de Sverresborg, ce qui laisse penser que cet individu serait bien l'homme qui a été jeté dans le puits lors de l'attaque. Une preuve archéologique qui permet de crédibiliser le récit de la saga.

    Fouilles dans l'ancien puits du château de Sverresborg. © <em>Norwegian Institute for Cultural Heritage Research</em>
    Fouilles dans l'ancien puits du château de Sverresborg. © Norwegian Institute for Cultural Heritage Research

    De précieuses données génétiques

    Mais les chercheurs sont allés encore plus loin. L’ADN extrait d’une dent a en effet permis d'établir que l'homme était bien 100 % scandinave et non islandais, mais qu'il n'était pas originaire de la région centrale où se situe le château, mais plutôt de l'extrémité sud de la Norvège. Le génomegénome de cet individu indique également que la différenciation génétiquegénétique entre les populations du nord et du sud du pays existait déjà il y a 800 ans. En théorie, le roi Sverre recrutait ses hommes dans le centre de la Norvège alors que les Bagleres venaient du sud. L'homme du puits aurait-il donc fait partie de la horde ayant envahi le château ?

    Les résultats de cette étude archéologique publiée dans la revue iScience viennent donc corroborer le récit de la saga de Sverris tout en apportant de précieux éléments complémentaires qui aident à reconstruire l'évolution démographique de la Norvège au Moyen Âge.