L’analyse toxicologique de deux individus morts il y a 350 ans à Milan révèle qu’ils étaient positifs à la cocaïne. Cette découverte suggère que les feuilles de coca, plante provenant d’Amérique du Sud, circulait déjà en Europe au XVIIe siècle, 200 ans plus tôt qu’on ne le pensait.


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    Drogue au pouvoir addictif puissant, la cocaïne circule aujourd'hui dans le monde entier sous la forme d'une poudre. Il s'agit en réalité de chlorhydrate de cocaïne, une forme de sel, qui est obtenu à l'origine à partir d'une plante que l'on trouve en Amérique du Sud : la feuille de coca.

    L'effet stimulant de cette plante, un peu comme celui de la caféinecaféine, est ainsi connu depuis bien longtemps par les populations indigènesindigènes d'Amérique du Sud, qui mâchent les feuilles ou préparent des infusionsinfusions. Les premiers conquistadors espagnols, qui arrivent sur le continent à la toute fin du XVe siècle, remarquent également que les feuilles de coca sont utilisées à des fins médicales, comme antiseptiquesantiseptiques et analgésiquesanalgésiques notamment. Les populations incas les consomment ainsi pour soigner l'asthmeasthme, les douleursdouleurs d'estomacsestomacs ou les maladies respiratoires.

    Feuille de coca. © Marcello Casal Jr./ABr, <em>Wikimedia Commons</em>, cc by 3.0 BR
    Feuille de coca. © Marcello Casal Jr./ABr, Wikimedia Commons, cc by 3.0 BR

    Une analyse toxicologique sur deux individus morts il y a 350 ans

    Ce « remède miracle » mettra cependant du temps avant d'être importé sur le vieux continent européen, contrairement à d'autres produits nouveaux comme le sucre et le tabac. Ce n'est ainsi qu'à la fin des années 1800 que la plante est introduite en Europe, où elle fera dans un premier temps l'objet de plusieurs études afin d'en isoler le principe actifprincipe actif (la cocaïne), avant d'être rapidement utilisée comme anesthésiqueanesthésique local, notamment par les dentistes.

    Pourtant, une nouvelle étude révèle que les feuilles de coca auraient été utilisées sur le sol européen bien avant cette date. C'est ce que suggère l'analyse toxicologique des os de deux individus morts il y a 350 ans, et dont les restes ont été retrouvés dans une crypte à MilanMilan. Cette crypte, qui contient les restes de près de 10 000 individus, aurait servi dans les années 1600 de tombeautombeau commun pour les personnes décédées dans ce qui fut certainement le premier hôpital de la ville, connu aujourd'hui sous le nom d'« Ospedale Maggiore ». L'analyse des tissus momifiés des deux cerveaux a permis de mettre en évidence une consommation de feuilles de coca. Dans quel but ? 

    Cerveau momifié de l'un des deux individus retrouvés dans la crypte de l'<em>Ospedale Maggiore</em> à Milan, et les zones analysées pour la toxicologie. © Giordano et <em>al.</em> 2023, <em>Scientific Reports</em>
    Cerveau momifié de l'un des deux individus retrouvés dans la crypte de l'Ospedale Maggiore à Milan, et les zones analysées pour la toxicologie. © Giordano et al. 2023, Scientific Reports

    Les registres de l'hôpital ne mentionnant pas d'utilisation de la feuille de coca comme curatifcuratif avant le XIXe siècle, les chercheurs supposent que ces deux individus devaient avoir leur propre source d'approvisionnement, peut-être pour soulager des douleurs. La cocaïne n'aurait en effet été consommée que peu de temps avant leur mort.

    Des feuilles de coca circulaient déjà en Europe dans les années 1600

    Ces résultats, publiés dans la revue Scientific Reports, suggèrent que des feuilles de coca en provenance de l'Amérique du Sud arrivaient déjà en Europe dès le XVIIe siècle, soit 200 ans plus tôt qu'on ne le pensait. Cela concorde avec le fait que Milan était alors sous domination espagnole et représentait une étape sur la route des Amériques.  

    Si la faible quantité de cocaïne dans les feuilles de coca ne représentait à l'époque pas de danger d'addictionaddiction, la synthèse d'une poudre grâce à laquelle elle est bien plus importante va rapidement faire apparaître les premiers cas de cocaïnomanie. L'usage non médical commencera ainsi à être réglementé dès le début du XXe siècle. Sa consommation reste actuellement un problème de santé publique très préoccupant.