Un astrolabe fabriqué en territoire musulman durant le Moyen Âge a révélé des spécificités inhabituelles sur ce type d'objet : des glyphes hébraïques et latins ! Une découverte exceptionnelle qui pourrait témoigner d'un véritable réseau d'échanges savants autour du bassin méditerranéen à cette époque.
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Précieusement conservé par la Fondazione Museo Miniscalchi-Erizzo de Vérone, un astrolabe médiéval s'est révélé être bien plus qu'un « simple » instrument de mesures astronomiques. L'appareil, datant du XIe siècle, est passé au crible des analyses du Dr. Federica Gigante, officiant à l'université de Cambridge. Dans une étude publiée dans la revue Nuncius le 1er mars, l'historienne livre ses observations et ses hypothèses. Une singularité de l'appareil a notamment suscité un vif intérêt chez l'universitaire : il est gravé d'inscriptions en latin, en arabe et en hébreu. Une spécificité qui laisse supposer que l'objet aurait largement circulé dans le sud de l'Europe et autour du bassin méditerranéen. Il serait passé de mains en mains, avant de finir dans la collection d'un noble italien du XVIIe siècle.
Un instrument fabriqué dans l’Andalousie musulmane
Dès l'Antiquité grecque, les savants élaborent des projections et des cartographies du cosmoscosmos, provoquant la création d'objets propres à l'astronomie au cours des siècles. Si l'astrolabe et des mécanismes analogues existent au Moyen Âge, c'est à cette époque que son utilisation connaît un véritable renouveau. Dès le IXe siècle, quantité d'instruments astronomiques sont ainsi créés sous la dynastie Abbasside, si bien que les musées ne manquent pas d'astrolabes médiévaux. L'artefact conservé à Vérone provient lui aussi de l'une des provinces du califat islamique durant son âge d'or. Le Dr. Gigante relève notamment la ressemblance des caractères arabiques avec le stylestyle de réalisations d'un certain Ibrāhim ibn Sa'īd al-Sahli, résidant à Tolède, entre 1018 et 1085. Certaines phrases semblables à des instructions se réfèrent aux latitudeslatitudes de Tolède et de Cordoue, deux villes situées respectivement au centre et au sud de l'Espagne. Gravées sur la plaque originale, elles permettent d'authentifier les origines de l'astrolabe, probablement fabriqué au XIe siècle dans la péninsule ibérique.
Un puzzle à travers les siècles
Sur la base de l'astrolabe viennent se superposer des plaques plus récentes, apposées durant les siècles suivant sa création. Une phrase en arabe renvoie ainsi à une latitude nord-africaine, pouvant se situer au niveau de l'actuel Maghreb. Mais des glyphes en hébreu démontrent que l'astrolabe a changé de propriétaire au fil du temps, tout en traversant plusieurs régions du bassin méditerranéen. Si les astrolabes étaient relativement répandus au cours du Moyen Âge, ils étaient des objets onéreux destinés à une partie restreinte de la population. Cependant, le mécanisme de Vérone pourrait avoir été utilisé par des personnes n'utilisant pas couramment des astrolabes. Le Dr. Gigante explique que certains chiffres sont entièrement rédigés (7 devant « sept »), une pratique peu commune, les astronomes arabes n'ayant pas recours à de telles translitérations.
La structure globale de l'araignéearaignée de l'astrolabe de Vérone confirme qu'il a été conçu dans une province d'al-Andalus, mais certains éléments trouvables sur cette partie du cadran renvoient à l'araignée de l'astrolabe de Barcelone, datant du Xe siècle et marqué de caractères carolingiens. L'instrument préservé par la Fondazione Museo Miniscalchi-Erizzo est un puzzle de 19 centimètres de diamètre, une véritable énigme qui s'étend à travers les siècles. S'il finit son voyage au XVIIe siècle dans le nord de l’Italie, dans les mains du noble véronais Ludovico Moscardo, l'astrolabe de Vérone aura eu une longue et riche histoire. Fascinant objet d'études, ce mécanisme ancien est le marqueur d'une véritable passation de savoirs dans l'Europe du Moyen Âge.