Bienvenue dans ce nouveau chapitre du Cabinet de curiosités ! Aujourd'hui, nous partons en voyage dans l'infiniment petit, aux côtés de l'un des plus grands scientifiques et vulgarisateurs de l'Histoire : le très excellent Robert Hooke. Installez-vous confortablement, chaussez vos binocles, et allons-y.
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Si l'on parle d'atomes depuis au moins l'Antiquité grecque avec Démocrite, l'accès au minuscule et à l'infiniment petit a longtemps été restreint au monde des idées. Faute d'avancées technologiques adéquates, l'on ne pouvait que s'imaginer la fourmillante richesse des « animalcules » dont l'existence avait été théorisée par les philosophes et les naturalistes. Mais avec le développement du microscopemicroscope et son premier âge d'or au XVIIe siècle, un nouvel univers s'est ouvert aux scientifiques et aux curieux, trouvant son point culminant dans Micrographia, l'un des livres les plus fascinants jamais publiés.
Robert Hooke : une carrière prolifique...
Micrographia, ou, quelques descriptions physiologiques des corps minuscules effectuées par des loupes, paraît en septembre 1665 dans les librairies. Il est le fruit du travail de Robert Hooke, un jeune homme de 29 ans aux yeuxyeux couleur de fer et au regard perçant. Si vous n'avez jamais entendu son nom auparavant, sachez qu'il est considéré comme l'une des figures clés de la Révolution scientifique de l'époque moderne, l'un des plus grands scientifiques expérimentaux du XVIIe siècle et, pour l'historienhistorien des sciences Allan Chapman, le Léonard de VinciLéonard de Vinci anglais.
Avant de parler de son ouvrage et du succès instantané qu'il connut auprès du public, prenons donc un instant pour lister les contributions de Hooke, afin de mieux situer le personnage. Dès ses 23 ans, le jeune expérimentateur construit la première pompe à air sur la base des esquisses d'Otto von Guericke, puis à 25 ans, il découvre la loi de Hooke - qui modélise le comportement des corps élastiques - et élabore l'une des premières théories ondulatoires de la lumièrelumière, mettant en échec la théorie corpusculaire de NewtonNewton.
Il devient professeur de géométrie l'année où sort Micrographia, puis publie ses travaux sur les propriétés de la courbe dite de la « chaînette renversée », avec des résultats qui seront directement mis en applicationapplication par les célèbres architectesarchitectes Jacques-Germain Soufflot et Antoni Gaudí. Du côté de la mécanique, Hooke est considéré comme le père du joint universel ; il conçoit une machine à vapeur, et, alors qu'il n'a que 22 ans, il a l'idée d'introduire le balancier et le ressort en horlogerie pour assurer la meilleure régularité des instruments de mesure du temps.
...Et ce n'est pas tout
On ne s'arrête pas là puisque Hooke postule également que la Terre aurait pu à un moment être recouverte d'eaux et qu'un cataclysme aurait provoqué l'extinctionextinction de certaines espècesespèces. Il étudie les taches solairestaches solaires, les cratères lunaires et les anneaux de Saturneanneaux de Saturne, découvre la Grande Tache rougeGrande Tache rouge de JupiterJupiter et le premier système d'étoilesétoiles triples, et entrevoit les préludes de ce qui deviendra la loi d'attraction universelle. Il invente le téléphone à ficelle, construit le premier baromètrebaromètre à cadran et le thermomètrethermomètre à alcoolalcool, redécouvre l'anémomètreanémomètre, et est considéré ni plus ni moins comme le père de la météorologiemétéorologie scientifique.
Enfin, Hooke est l'un des premiers scientifiques à construire un microscope composé, utilisant un jeu de lentilleslentilles au lieu d'une seule optique. Avec cette invention, dotée d'une capacité de grossissement bien supérieure à la moyenne de son époque, il apporte une contribution sans précédent au domaine de la biologie : il décrit nombre de ces animalcules jusqu'alors cantonnés au domaine de l'imaginaire, et est le premier à employer le terme de « cellule », dans Micrographia.
Micrographia : fenêtre sur un nouveau monde
Micrographia est un condensé de tout ce qu'a accompli le jeune Hooke depuis ses débuts académiques. On y retrouve sa théorie ondulatoire, sa description des corps planétaires, ou encore son téléphone à ficelle ; mais ce qui fascine les foules, ce sont ces illustrations. De gigantesques gravuresgravures - si grandes que des pages dépliantes leur sont consacrées - donnent à voir dans les plus minutieux détails l'anatomieanatomie d'une puce ou d'une fourmifourmi, les yeux facettés d'une mouche, des larveslarves de moustiquesmoustiques, des structures cristallines, et bien d'autres merveilles que je ne peux que vous conjurer d'aller découvrir par vous-mêmes (vous pouvez déplier les gravures grâce à l'icôneicône représentant trois feuilles superposées).
Aujourd'hui encore, et en dépit de la fascinante richesse technologique du monde dans lequel nous vivons, ces images continuent de produire un effet formidable sur l'esprit de celui qui les contemple. En parallèle des illustrations, l'auteur accompagne le lecteur dans son exploration à travers des commentaires enjoués, humoristiques et souvent poétiques. Parmi ceux-ci, on trouve l'anecdote d'une fourmi un peu trop agitée que Hooke a dû saouler au brandy afin qu'elle se tienne immobile. Une heure plus tard, raconte l'auteur, la fourmi « est soudainement sortie de sa torpeur et s'est enfuie » en produisant de petites bulles.
À sa publication, l'ouvrage connaît un succès retentissant, contribuant à imposer l'identité glorieuse de la Royal Society, fondée cinq ans auparavant. Le célèbre diariste anglais Samuel Pepys, à qui nous devons une connaissance par le menu des années 1660, écrit qu'il s'agit là du « livre le plus ingénieux que j'aie jamais lu de mon existence ». Un autre critique anonyme commente dans la revue Philosophical Transactions : « un nouveau monde visible est révélé par ce moyen [le microscope], et la Terre nous montre un aspect entièrement inédit. » Il était donc impossible que cet ouvrage prodigieux échappe à un nouveau chapitre du Cabinet de curiosités.