Les noms des lauréats de la médaille Fields 2018 ont été révélé à Rio. Surprise, se trouve parmi eux un ancien thésard du lauréat français 2010 Cédric Villani. Alessio Figalli, Italien, est un maître de l'analyse travaillant sur des sujets ayant des implications en mathématique appliquée, de l'économie à la météorologie en passant par la physique théorique. Les autres lauréats sont récompensés pour leurs faits d'armes en géométrie algébrique et arithmétique.

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    Comme tous les quatre ans depuis 1950, le Congrès international des mathématiciensmathématiciens (ICM, International Congress of Mathematicians) s'est réuni, cette fois à Rio de Janeiro comme le montre la vidéo très commerciale mise en ligne sur la chaîne YouTubeYouTube de l'ICM spécialement dédiée à cet évènement. Ce n'est certainement pas pour déplaire au mathématicien Artur Avila.

    Du 1er au 9 août 2018, environ 5.000 mathématiciens venus de toute la planète vont s'y croiser et parler entre eux des dernières avancées de leurs disciplines. Comme tous les quatre ans aussi, cette rencontre est l'occasion de l'attribution de la mythique médaille Fields, considérée comme l'équivalent du prix Nobel (lequel ignore les mathématiques). Elle s'accompagne d'un prix d'environ 11.000 euros et les lauréats, quatre mathématiciens au plus, doivent être âgés de moins de 40 ans. Les premières médailles Fields ont en réalité été décernées en 1936 et, fait qui peut intriguer, depuis cette époque jusqu'en 2010 tous les lauréats étaient des hommes. Ce n'est qu'à l'occasion de l'ICM 2014 qu'une de ces médailles a été attribuée une femme, la mathématicienne iranienne Maryam Mirzakhani, hélas décédée depuis.


    Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Rio ICM2018

    Verrait-on à nouveau une femme parmi les quatre médaillés 2018 ? Eh bien non, ce sont à nouveau des hommes...

    Il s'agit de l'Italien Alessio Figalli, chargé de recherche du CNRS depuis 2007 et actuellement détaché à l'École polytechnique fédérale de Zurich, du naturalisé britannique d'origine kurde Caucher Birkar, professeur à l'université de Cambridge, de l'Allemand Peter Scholze , professeur à l'université rhénane Frédéric-Guillaume de Bonn, et enfin d'Akshay Venkatesh, professeur à l'université de Stanford né en Inde mais aujourd'hui de nationalité australienne. Le fameux journal Quanta Magazine, de la Simons Foundation, a consacré quatre articles présentant chacun d'eux, aussi bien du point de vue de leur vie privée que de leur accomplissement en mathématique. La même fondation a mis en ligne quatre interviews des lauréats sur la chaîne de l'ICM 2018.


    Interview d'Alessio Figalli. La traduction en français est mauvaise mais les sous-titres en anglais ne sont pas difficiles et quelques explications se trouvent dans le texte ci-dessous, comme l'histoire de la reine Didon (Queen Dido en anglais). © Rio ICM2018

    Un maître des équations aux dérivées partielles et du calcul variationnel

    Le lauréat de la médaille Fields 2018 qui nous concerne le plus en tant que Français est l'Italien Alessio Figalli, né le 2 avril 1984 à Rome. Il a commencé son parcours de mathématicien à la célèbre l'École normale supérieure de Pise fondée en 1810 par Napoléon comme « succursale » en Toscane de l'ENS de la rue d'Ulm à Paris. C'est une pépinière de talents qui a compté parmi ses élèves le physicienphysicien Enrico FermiEnrico Fermi.

    Alessio Figalli y a obtenu son master tout en faisant un séjour à l'ENS de Lyon, ce qui le conduira finalement à passer un doctorat en 2007 sous la direction conjointe de Luigi Ambrosio de l'ENS de Pise et Cédric VillaniCédric Villani à l'ENS Lyon, avant que celui-ci ne décroche sa médaille Fields en 2010. Il continuera ensuite ses travaux dans plusieurs institutions, notamment chargé de recherche CNRS au laboratoire Jean-Alexandre Dieudonné (CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis) et il est actuellement professeur à l'École polytechnique fédérale de Zurich où ont enseigné Hermann WeylHermann Weyl et Hermann Minkowski.

    De gauche à droite, Caucher Birkar, Alessio Figalli, Peter Scholze et Akshay Venkatesh, les lauréats de la médaille Fields 2018 à Rio. © IMPA (<em>Instituto de matemática pura e aplicada</em>)

    De gauche à droite, Caucher Birkar, Alessio Figalli, Peter Scholze et Akshay Venkatesh, les lauréats de la médaille Fields 2018 à Rio. © IMPA (Instituto de matemática pura e aplicada)

    Les travaux d'Alessio Figalli relèvent de l'analyse et concernent directement les mathématiques appliquées avec des répercussions aussi bien en économie qu'en physique mathématique et en physique théorique via les équations aux dérivées partielles. Ces équations sont omniprésentes en physique mathématique comme le montre le célèbre traité de Courant et Hilbert). Ils reposent sur la théorie du transport optimal, un thème de recherche important également dans les travaux de Cédric Villani qui avait fourni à Futura un dossier sur le sujet il y a quelques années.

    Pour faire simple, la théorie du transport optimal s'occupe de problèmes similaires à celui que se posait un mathématicien de l'époque napoléonienne, d'ailleurs ami et professeur de Napoléon, Gaspard Monge. De nos jours, cela reviendrait à chercher par quels chemins les plus courts et donc les moins coûteux en temps, énergie et argent, on peut apporter des matières premières à des usines et distribuer ensuite les produits qu'elles fabriquent.

    Il s'agit de maximiser ou minimiser certaines quantités, des problèmes rencontrés aussi en physique et qui sont liés à des questions dite de calcul variationnelcalcul variationnel, par exemple pour trouver une trajectoire optimale, un état d'un objet physique qui minimise son énergie, etc. Comme l'explique Alessio Figalli dans la vidéo ci-dessus, ce genre de problème est connu depuis l'Antiquité, et notamment présent dans la légende de la reine Didon associée à la fondation de Carthage. En terme moderne, elle avait résolu en quelque sorte un problème isopérimétrique, c'est-à-dire trouvé la forme d'une courbe maximisant l'aire qu'elle entoure.

    Ces problèmes d'optimisations, avec des inégalités majorantes et minorantes et des approximations qui sont bien propres à l'analyse comme l'affirmait Jean-Alexandre Dieudonné dans son traité de calcul infinitésimal, se retrouvent dans bien des domaines. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient conduit Alessio Figalli à aborder des questions présentes en météorologiemétéorologie, en physique de la matière condensée et concernant les « matrices aléatoires ». Ce dernier outil a été introduit il y a longtemps en physique nucléaire par le prix Nobel de physique Eugène Wigner, et on le retrouve en théorie du chaos et gravité quantiques.

    Présent à Rio, Cédric Villani a bien sûr commenté la récompense de son ancien thésard dans un article du Journal du CNRS. Le ton est dithyrambique et donne la mesure des capacités impressionnantes du nouveau médaillé Fields. Extrait :

    « Alessio Figalli est un mathématicien hors normes, je l'ai vu immédiatement. Sa thèse n'a pas duré dix-huit mois : à peine la moitié du temps réglementaire. Ce n'est pas un hasard si, fait rarissime, le CNRS l'a recruté avant même sa soutenance, fin 2007. Dans la lettre de recommandation que j'avais rédigée en 2012, alors qu'il postulait à l'université de Princeton, je le considérais déjà comme l'un des plus impressionnants jeunes analystes avec lesquels j'avais interagi, doué d'une incroyable vitesse et d'une énorme puissance. Alessio Figalli était capable de trouver en un rien de temps une piste qui permettait de débloquer un problème. C'est un créatif, et sa capacité à digérer ses nombreuses lectures scientifiques lui fait mériter la qualification d'"éponge mathématique" que je lui avais donnée ! Lorsque j'ai moi-même reçu la médaille Fields en 2010, certains de mes collègues, impressionnés par sa puissance et sa rapiditérapidité, voyaient alors déjà en lui un favori pour l'ICM 2018. »

    Des maîtres de la théorie des nombres et de la géométrie algébrique

    Les autres récipiendaires de la médailles Fields 2018 ont des travaux qui relèvent plus des mathématiques pures, en l'occurrence à l'intersection de la géométrie algébrique et de l'arithmétique, comme le montrent les vidéos et les articles de la Simons Foundation ci-dessous.


    L'interview de Caucher Birka. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Rio ICM2018

    Caucher Birkar est né en Iran en juillet 1978, juste avant la révolution iranienne et le début de la guerre Iran-Irak, dans une famille de paysans kurdes à la frontière entre les deux pays. Ses parents étaient heureusement auto-suffisants dans leur ferme ce qui lui a permis de traverser ces turbulencesturbulences jusqu'à intégrer la célèbre université de Téhéran. Son frère, l'aîné de six enfants, a stimulé son intérêt pour les mathématiques naissant en lui enseignant les bases du calcul infinitésimal des années en avance. Il lira aussi la fameuse biographie écrite en 1937 par Eric Temple Bell, « Les Grands Mathématiciens », et un autre ouvrage, un « must » pour les débutants en mathématique se destinant à exceller dans ce domaine, « Qu'est-ce que les mathématiques ? » du mathématicien Richard Courant, recommandé par EinsteinEinstein et Vladimir Arnold.

    En tant que Kurde, il finira par demander, et obtenir, l'asile politique au Royaume-Uni, ce qui lui permettra d'entreprendre une thèse en géométrie algébrique. Ce domaine de recherche a été révolutionné au XXe siècle par Alexandre Grothendieck, avec qui Birkar se sent d'ailleurs beaucoup d'affinités pour des raisons devenant évidentes devant la comparaison des trajectoire de ces deux médaillés Fields.

    Birkar est aujourd'hui professeur à Cambridge et il a donc sûrement croisé à répétition Stephen HawkingStephen Hawking. Ses travaux en géométrie algébrique portent sur la géométrie birationnelle, qui permet de classifier et d'étudier des formes géométriques définies par des équations algébriques en montrant que ces formes se transforment les unes dans les autres grâce à des fonctions définies par des quotients de polynômespolynômes (des fonctions rationnelles donc. L'exemple le plus connu est la transformation birationnelle en géométrie projective transformant un cercle en une droite. On peut consulter l'article de Quanta magazine pour en savoir un peu plus.


    L'interview de Peter Scholze. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Rio ICM2018

    L'interview de Akshay Venkatesh. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Rio ICM2018