Dans l’Univers d’aujourd’hui, on trouve essentiellement des galaxies matures. Mais la cosmologie prévoit qu’il existe aussi encore quelques galaxies dans leur premier stade d’évolution. Et, avec l’aide d’une intelligence artificielle, des chercheurs viennent justement de débusquer l’une d’entre elles.
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Pour comprendre comment elles se forment, les astronomesastronomes ont besoin d'étudier les galaxies à différents stades de leur évolution. Malheureusement, dans l'Univers tel qu'il se présente aujourd'hui, la plupart ont atteint le stade de la maturité. Selon les principes de la cosmologie, toutefois, certaines galaxies pourraient encore en être au stade de la formation. Et c'est justement l'une de ces rares galaxies que des chercheurs de l’Institut national des sciences naturelles du Japon viennent de débusquer dans les données du télescope Subaru (Mauna Kea, Hawaï).
Les astronomes ont mis au point une nouvelle méthode d'apprentissage automatique - une nouvelle méthode de machine learning -, un passage obligatoire pour fouiller efficacement les 40 millions d'objets observés par le télescope. Et y trouver, à 430 millions d'années-lumière de notre Terre, une galaxie (HSC J1631+4426) dont l'abondance en oxygèneoxygène est de seulement 1,6 % de celle de notre SoleilSoleil. Une valeur qui suggère que la plupart des étoilesétoiles de cette galaxie se sont formées très récemment. La valeur la plus basse jamais rapportée pour une galaxie.
Zoom sur HSC J1631+4426, la galaxie dont l’abondance en oxygène est la plus basse jamais observée. © NAOJ/HSC-SSP
L’une des dernières galaxies formées par notre Univers
Autres indices qui laissent penser aux astronomes que la galaxie est jeune : sa taille et sa massemasse. Elle ne dépasse pas 1/100.000 fois celle de la Voie lactée. C'est à peine autant que les amas d'étoiles que l'on trouve dans notre Galaxie.
Pour les chercheurs, HSC J1631+4426 constitue la preuve attendue que des galaxies à un stade d'évolution précoce existent encore aujourd'hui. De quoi confirmer une théorie de la cosmologie standard, selon laquelle de nouvelles galaxies ont pu se former récemment dans l'histoire de l'Univers. Mais si, toujours selon cette cosmologie, la densité de matièrematière de l'Univers diminue à mesure que celui-ci s'étend de plus en plus rapidement, plus aucune galaxie ne pourra bientôt se former. Et HSC J1631+4426 pourrait bien être l'une des dernières galaxies formées de la longue histoire de notre Univers.
Intelligence artificielle : un regard neuf sur l’évolution des galaxies
L'intelligence artificielleintelligence artificielle vient en renfortrenfort aux astronomes. À leurs côtés, elle déchiffre les secrets des galaxies dans les simulations cosmologiques et dans les images de Hubble, avec un objectif : comprendre comment ces machines à étoiles évoluent. Cette collaboration originale donne des résultats impressionnants, comme nous l'explique l'astrophysicienastrophysicien Marc Huertas-Company, qui l'a mise en place avec ses collègues.
Article de Floriane Boyer paru le 31/05/2018
Les galaxies, ces impressionnantes structures de l'Univers, ne vivent que pour transformer le gazgaz d'hydrogènehydrogène, élément le plus abondant depuis le Big BangBig Bang, en étoiles. En résumé, « les galaxies sont des usines à fabriquer des étoiles », déclare à Futura Marc Huertas-Company, astrophysicien à l'Observatoire de Paris et à l'université Paris Diderot. Mais cette vie n'a rien d'un long fleuve tranquille...
Les galaxies traversent des phases très actives, pendant lesquelles elles forment énormément d'étoiles, et d'autres plus calmes. Un de ces épisodes de forte activité, appelé phase blue nugget, intéresse particulièrement les astronomes car il conduit à la formation du bulbe galactique, cette concentration d'étoiles au cœur des galaxies. Mais, cependant, « cette phase caractéristique où la galaxie arrive à créer un bulbe a été identifiée dans les simulations », indique Marc Huertas-Company, mais pas dans les observations. Jusqu'à maintenant.
En mobilisant de façon novatrice les techniques d'apprentissage profondapprentissage profond, branche de l'intelligence artificielle, lui et ses collègues ont réconcilié les simulations cosmologiques et les données observationnelles. Dans le cadre du projet Deep learning for galaxies, ils ont en effet entraîné un réseau neuronalréseau neuronal convolutif à classer les galaxies générées par ordinateurordinateur selon leur stade d'évolution. L'outil a ensuite reproduit l'exploit avec les images prises par le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble. Ces résultats plus que prometteurs ont été publiés dans The Astrophysical Journal.
Le réseau neuronal classe les images de Hubble
Pour entraîner le réseau d'apprentissage profond à étudier la fascinante histoire des galaxies, les chercheurs ont tout d'abord conduit des simulations cosmologiques Vela. « C'est ce qui se fait de mieux en termes de résolutionrésolution dans le monde », précise Marc Huertas-Company. Les galaxies ainsi générées sont plus détaillées, mais moins nombreuses. En revanche, elles sont en 3D et évoluent au cours du temps, depuis le début de l'Univers jusqu'à aujourd'hui. Elles ont donc pu être projetées en 2D d'innombrables fois, sous des angles variés et à des instants différents.
« Au final, à partir de quarante galaxies, multipliées par le temps et les projections, on obtient de l'ordre de 15.000 images », indique Marc Huertas-Company. C'est une quantité d'images plus que raisonnable pour enseigner convenablement au réseau neuronal à reconnaître les trois stades clés de l'évolution des galaxies, à savoir : les phases blue nugget, pré-blue nugget et post-blue nugget.
Le saviez-vous ?
Les réseaux neuronaux convolutifs sont utilisés dans la reconnaissance faciale et la reconnaissance d’images en général.
L'outil s'est montré d'une efficacité remarquable. D'une part, il a su trouver dans les simulations des marqueurs permettant de classer les galaxies selon qu'elles subissent une de ces trois phases. « C'était une bonne surprise, se souvient le chercheur. Le réseau est capable d'extraire les caractéristiques d'un phénomène physiquephysique [la phase blue nugget, NDLRNDLR] dans les simulations. » De plus, une fois le réseau entraîné, les chercheurs l'ont mis au défi de repérer les mêmes informations dans les images de Hubble, ce qu'il est parvenu à faire. Et c'est extraordinaire, car il n'était pas dit, en effet, que la phase blue nugget promise par les simulations existait vraiment.
Le réseau, pour être plus précis, a identifié des galaxies qui semblent expérimenter une phase blue nugget. « Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que la plupart des galaxies blue nugget que le réseau a trouvées ont une masse d'étoiles caractéristique : 1010 masses solaires environ », ajoute Marc Huertas-Company. Cela suggère que les galaxies seraient davantage susceptibles de passer par un stade blue nugget à un moment particulier de leur histoire, lorsqu'elles ont formé une certaine quantité d'étoiles.
Bien qu'elle ne révolutionne pas radicalement l'astronomie, l'intelligence artificielle donne donc tout de même un sacré coup de pouce aux astronomes. D'ailleurs, ceux-ci anticipent déjà l'avenir : l'ère des nouveaux télescopes plus puissants que Hubble, comme le James-Webb Space Telescope (JWSTJWST), s'annonce et l'on prédit qu'elle provoquera une véritable tempêtetempête de données. « On peut déjà essayer d'entraîner des machines à analyser les futures observations du JWST, pense Marc Huertas-Company. Grâce aux simulations, on peut prédire comment les galaxies se verraient avec ce télescope. »