Le réacteur coréen Kstar, bien plus petit que son grand frère, le géant Iter, vient de battre un nouveau record : les chercheurs ont réussi à maintenir un plasma à 100 millions de degrés durant 48 secondes dans un confinement magnétique. Un exploit qui nous rapproche d'une future production d'énergie abondante et décarbonée pour relever les défis du XXIe siècle qui nécessitent de se passer d'énergies fossiles tout en maintenant un certain niveau de vie.
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C'est à nouveau le buzz avec le Kstar (Korea Superconducting Tokamak Advanced Research) comme Futura l'expliquait déjà il y a deux ans. Rappelons que la Corée du Sud, derrière ce réacteur permettant de faire de la fusion thermonucléaire en confinant par de puissants champs magnétiques un plasma certes moins dense qu'au cœur du Soleil mais nettement plus chaud, est membre du programme Iter, dont l'acronyme signifie International Thermonuclear Experimental ReactorInternational Thermonuclear Experimental Reactor mais également en latin « le chemin ».
Les Coréens n'explorent donc pas une alternative à Iter avec le Kstar, mais au contraire confortent sa réalisation et son succès pour l’avenir de la production d’énergie basée sur la fusion contrôlée avec leurs partenaires de la Chine, des États-Unis, d'Inde, du Japon, de la Russie et de l'Union européenne.
Des images du Kstar en fonctionnement il y a deux ans. © ScienceAlert
Un mode pour contrôler des « éruptions solaires »
Toujours est-il que l'Institut coréen de l'énergie de fusion (KFE) a annoncé avoir réussi à maintenir avec sa machine du plasma à des températures ioniques de 100 millions de degrés Celsius pendant 48 secondes au cours de la dernière campagne plasma qui s'est déroulée de décembre 2023 à février 2024. Est ainsi battu le précédent record de duréedurée à cette température avec le Kstar qui était de 30 secondes.
Plus intéressant encore est le fait que les ingénieurs et physiciensphysiciens coréens ont aussi obtenu un temps de 102 secondes pour ce qu'on appelle, comme Futura l'expliquait dans le précédent article plus en détail, le mode H. Il s'agit d'un mode de fonctionnement particulièrement stable pour un tokamak et qui sera employé avec Iter. Rappelons que comme il s'agit de reproduire le fonctionnement du Soleil sur Terre pour produire de l'énergie, les chercheurs sont confrontés depuis des décennies à des instabilités dans le plasma qui ne sont pas sans points communs avec les éruptions solaireséruptions solaires. Il ne sera pas possible de faire de la production industrielle d'électricité sans contrôler ces instabilités.
Une présentation de la fusion avec confinement magnétique dans un tokamak. © CEA, DRF
L'un des grands enjeux d'Iter est de montrer justement que l'on peut garder stable les réactions de fusion assez longtemps pour produire l'énergie nécessaire non seulement pour maintenir ces réactions mais au final produire plus d'énergie qu'il n'en coûte au total pour maintenir la fusion. Contrairement à ce que l'on laisse parfois entendre, on en est encore bien plus loin avec une alternative à la fusion par confinement magnétique, la fusion inertielle, malgré l’annonce il y a quelque temps de la National Ignition Facility (NIF) du mythique Laboratoire national Lawrence Livermore (LLNL), en Californie.
Objectif 300 secondes à 100 millions de degrés
Les chercheurs coréens ne vont pas se reposer sur leurs laurierslauriers nouvellement acquis car leur objectif final avec le Kstar est d'atteindre la température de 100 millions de degrés pendant 300 secondes. Pour cela, plusieurs technologies sont utilisées, notamment l’intelligence artificielle comme dans le cas d’Iter, ainsi que l’avait expliqué à Futura le regretté Bernard Bigot.
Il est question d'améliorer une technologie à l'origine du nouveau record, celle qui a consisté à remplacer les divertors en carbonecarbone du Kstar par des divertors en tungstènetungstène. Futura a déjà parlé de ce genre de divertor avec le projet West du CEA il y a des années.
Une présentation du dernier record du Kstar. Pour obtenir une traduction en français, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en coréens devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © KFE
Pour terminer, il est important de se souvenir qu'Iter lui-même n'est pas le prototype des centrales à énergie de fusion, qui fleuriront peut-être un jour sur tous les continents. Il n'est pas conçu pour cela : il sert à donner une preuve de principe que de telles centrales sont réalisables. À Iter, devrait donc succéder Demo (demonstration power plant), le premier véritable prototype de réacteur pour la commercialisation d'électricité, prévue à l'horizon 2050.
Fusion contrôlée : nouveau record en mode H pour un mini-Iter
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 15/09/2022
Un nouveau réacteur à fusion contrôléefusion contrôlée, une sorte de version miniature d'Iter car fonctionnant selon les mêmes principes, a battu ses propres records et se retrouve donc dans le peloton de tête des machines qui préparent Iter tout en donnant une confiance accrue dans sa conception. Ce succès est de bon augure pour le futur d'une production d'énergie abondante, décarbonée et presque sans déchetsdéchets.
C'est l'annonce qui fait un peu le buzz dans le domaine de l'actualité de la fusion contrôlée en ce moment et elle accompagne une publication dans le journal Nature. Les ingénieurs et physiciens de la Corée du Sud sont fiers d'avoir atteint une température d'environ 100 millions de kelvinskelvins pendant environ 30 secondes dans leur tokamak expérimental avec des aimantsaimants supraconducteurssupraconducteurs : Korea Superconducting Tokamak Advanced Research (KSTAR).
En première impression, on a un haussement d'épaules. Et alors ? On a atteint des températures de plus de 500 millions de kelvins dans des tokamaks par confinement magnétique depuis des décennies et le record du monde de stabilité d'un plasma chauffé pour faire de la fusion contrôlée dépasse les six minutes.
C'est exact, mais il se trouve que la performance des Coréens réside dans une double réussite, d'abord le chauffage et l'état du plasma se fait dans le jargon des physiciens de la fusion thermonucléaire selon un mode dit H (de l'anglais High confinement c'est-à-dire haut confinement), précisément celui qui sera utilisé dans le réacteur Iter, et enfin le couple température/durée obtenu est très proche du record atteint par les Chinois en 2021 avec l'Experimental Advanced Superconducting Tokamak (EAST), à savoir 120 millions de kelvins pendant 101 secondes.
La signification de ces deux prouesses combinées c'est que dans les deux cas, il s'agit bien de deux mini-Iter, si l'on peut dire, et qui fonctionnent selon la même modalité à savoir le mode H dont on a déjà parlé et avec des aimants supraconducteurs. C'est donc une raison de plus d'espérer atteindre les succès prévus avec la machine dont la constructionconstruction avance bien à proximité immédiate du centre d'études nucléaires de Cadarache à Saint-Paul-lez-Durance.
La voie royale de la fusion par confinement magnétique
Rappelons si nécessaire que le projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor) consiste en la construction d'un réacteur expérimental à fusion nucléairefusion nucléaire, né d'une collaboration internationale à long terme entre 34 pays, mais les premiers plasmas ne seront pas obtenus avant 2027 et la production de réactions de fusion dans un mélange de deux isotopesisotopes de l'hydrogènehydrogène quelques années plus tard seulement.
Ce sera un mini-cœur solaire sur Terre mais, comme on ne peut pas réaliser exactement les conditions de densité au centre du Soleil pour la réaction de fusion, l'intérieur d'Iter devra être 10 fois plus chaud, c'est-à-dire atteindre environ 150 millions de kelvins. Bien évidemment, aucun matériaumatériau ne peut résister longtemps à un gazgaz ionisé transformé en plasma à une telle température et c'est pour cette raison que le plasma sera confiné dans les puissants champs magnétiques d'un tokamak (acronyme russe de « chambre toroïdale avec bobines magnétiques »), comme sont appelées ces machines développées par l'ex-Union soviétique dans les années 1950-1960.
Le problème clé à résoudre avec un tokamak est celui de la stabilité de la réaction de fusion qui doit se maintenir en produisant bien plus d'énergie qu'elle n'en consomme pour pouvoir à l'horizon 2050 être exploitée par des réacteurs pour la production à l'échelle industrielle mondiale d'électricité.
Le plasma est potentiellement très turbulent avec des instabilités pouvant conduire à l’équivalent des éruptions solaires mais au cours des expériences des années 1980 et 1990, on a découvert qu'il existait une nouvelle façon de constituer un plasma de fusion avec des champs magnétiques selon un mode dit H, remplaçant le mode dit L qui avait permis d'atteindre certains des précédents records de fusion.
Pour la petite histoire et comme le raconte Robert Arnoux sur le site d'Iter dans un texte dont nous nous inspirons, le mode H a été découvert par Friedrich (« Fritz ») Wagner le 4 février 1982 par sérendipitésérendipité sur le tokamak ASDEX à l'Institut Max-PlanckPlanck de physiquephysique des plasmas (IPPIPP) à Garching, en Allemagne.
Le physicien allemand a raconté au sujet de cette découverte dans l'expérience de chauffage du plasma par injection de particules sous forme d'un faisceau neutre qu'il menait que : « C'est sorti de rien. Ce n'était pas prévu, c'est arrivé... »
Le plasma est devenu beaucoup moins turbulent et si d'autres instabilités existent encore, les travaux ultérieurs, notamment avec le tokamak Jet, ont laissé penser qu'en construisant une machine suffisamment grande fonctionnant suivant le mode H, le graal d'une énergie abondante et avec très peu de déchets radioactifsdéchets radioactifs devait être à portée de main.
L'avenir nous le dira...
Le saviez-vous ?
En 1985, le réacteur états-unien Tokamak Fusion Test Reactor (TFTR), sur le site de l'université de Princeton dans le New Jersey, avait atteint le seuil des 100 millions de degrés kelvins, puis en 1986 celui des 200 millions de degrés (pour rappel, la température au centre du Soleil est estimée à 15-20 millions de degrés environ).
Au cours des années 1990, le tokamak européen JET – acronyme de l'anglais Joint European Torus, littéralement Tore commun européen –, le plus grand tokamak existant, situé au Culham Science Center près d'Oxford, atteignait aussi les 100 millions de degrés et devenait le premier à faire vraiment de la fusion de noyaux de deutérium et de tritium avec un mélange 50/50, la réaction la plus prometteuse pour la production d’énergie. Aussi capable de faire des expériences avec ce type de réaction, le TFTR atteignait en 1995 un record du monde qu’il détient toujours, une température record de 510 millions de degrés kelvins.
La France, quant à elle, détient toujours un autre record depuis 2003 grâce au tokamak Tore Supra du CEA. Il a permis d’obtenir un plasma stable pour la fusion pendant six minutes et demie.
Une vieille présentation des recherches sur la fusion contrôlée avec notamment le TFTR. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © princetoncampuslife