L’un des verrous à l’exploitation de la fusion nucléaire pour produire une énergie propre et durable pourrait bien avoir sauté récemment. Des chercheurs sont en effet parvenus à produire un champ magnétique d’une intensité record grâce à un électro-aimant supraconducteur à haute température.
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Une source d'énergie pratique, bon marché et qui plus est, zéro carbone. Aujourd'hui plus que jamais, tout le monde en rêve. Des chercheurs travaillent depuis longtemps à faire de ce rêve une réalité. Ils ont notamment placé leurs espoirs dans la fusion nucléaire. Pour Maria Zuber, vice-présidente pour la recherche au Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis), « la fusion nucléaire -- celle qu'utilise notre Soleil pour briller -- est même, à bien des égards, la source d'énergie propre par excellence. La quantité d'énergie qu'elle rendrait disponible à partir d'une ressource presque illimitée -- comprenez l'eau -- changerait réellement la donne ». Seul bémol : il reste toujours à trouver le moyen de dompter cette énergie.
Alors que du côté des Bouches-du-Rhône, la première des six pièces d'un gigantesque électro-aimant vient d'être livrée sur le site du chantier d’Iter -- une installation destinée à démontrer que la fusion nucléaire peut devenir la source d'une énergie propre --, il se pourrait bien qu'un « tournant ait été pris dans la science et la technologie de la fusion nucléaire » grâce à du Commonwealth Fusion Systems et du Massachusetts Institute of Technology (MIT, États-Unis). S'appuyant sur un électro-aimant supraconducteur à haute température, ils sont parvenus à produire un champ magnétiquechamp magnétique de 20 teslasteslas. Le plus intense des champs magnétiques jamais créés sur Terre à l'aide d'un tel dispositif. C'est environ quatre fois plus que ce qui est annoncé pour IterIter. Et c'était justement ce qui manquait aux chercheurs pour espérer réussir à confiner un plasma au cœur d'un dispositif en forme de donut -- les physiciensphysiciens parlent de tokamak -- qui produirait alors, par fusion nucléaire, plus d'énergie qu'il n'en consommerait.
Avant de continuer, peut-être est-il bon de rappeler que le principe même de la fusion nucléaire par confinement magnétique est là. Il s'agit d'abord de parvenir à chauffer un gazgaz pour former un plasma. Pour cela, il faut tout de même atteindre plus de 100 millions de degrés Celsiusdegrés Celsius. Car c'est alors que le deutérium et le tritiumtritium -- des isotopesisotopes de l'hydrogènehydrogène --, introduits dans le tokamak, commencent à fusionner. En émettant des noyaux d'héliumhélium et des neutronsneutrons. Et c'est l'énergie de ces neutrons, transférée sous forme de chaleurchaleur à un liquideliquide caloporteurcaloporteur qui circule dans les parois du tokamak, qui va permettre de produire de l'électricité. Pour maintenir le plasma -- et donc les réactions de fusion nucléaire --, il faut, en revanche, éviter que celui-ci entre en contact direct avec les parois en question. Il faut donc réussir à le confiner. Grâce à un champ magnétique.
Grâce à un aimant supraconducteur à haute température
Jusqu'alors, la plupart des tokamaks comptaient sur des électro-aimants conventionnels, en cuivrecuivre. Le projet Iter, lui, s'appuie sur des supraconducteurs à basse température -- des températures proches du zéro absoluzéro absolu, de l'ordre de -270 °C. Et les travaux du MIT, eux, se concentrent sur des supraconducteurs à haute température -- qui fonctionnent tout de même à quelque -250 °C. Les physiciens les appellent Rebco - pour rare-earth barium copper oxide. « Nous avons construit un aimant unique en son genre », explique Joy Dunn, responsable des opérations chez Commonwealth Fusion Systems, dans un communiqué du MIT. Le résultat de trois années de travail sur un aimant arrangé en forme de ruban plat. Un aimant constitué finalement de 16 plaques empilées dont chacune constituerait à elle seule, l'aimant supraconducteur à haute température le plus puissant du monde.
Cet aimant, c'était véritablement l'élément qui manquait aux physiciens pour construire enfin un système capable de produire de l'énergie par fusion nucléaire. Avec, qui plus est, des performances égales à celles d'un supraconducteur à basse température, mais dans un système... 40 fois plus petit ! La base physiquephysique d'un tel dispositif avait été posée l'année dernière dans une série d'articles. Sa viabilité avait été confirmée par simulation. Et maintenant que cet aimant existe dans le monde réel, il ne reste plus qu'à construire un démonstrateurdémonstrateur.
Les chercheurs l'ont baptisé Sparc. Il devrait pouvoir être mis en service dès 2025. Pour tester, à petite échelle et seulement quelques secondes à la fois, la faisabilité d'une centrale électrique à fusion nucléaire que les ingénieurs envisagent à l'horizon 2033. Objectif : générer 50-100 MW de puissance thermique en comptant sur un champ magnétique de 12 teslas, mais surtout, avec un gain de 2 -- le dispositif devrait générer deux fois l'énergie injectée dans le plasma, ce qui reste loin de représenter réellement l'énergie injectée pour faire fonctionner le réacteur, loin également de rendre compte de l'énergie réellement récupérée sous forme d'électricité en sortie --, sachant que le record actuel est de... 0,7 !
“Nous pouvons vraiment y arriver.”
« Il reste encore de nombreux défis à relever, dont le moindre n'est pas de développer une conception permettant un fonctionnement fiable et durable », souligne Maria Zuber. Pour produire de l'électricité à l'échelle industrielle, il faudra en effet réussir à faire fonctionner un tokamak de manière continue, alors même que les conditions en son cœur seront dantesques. « Et sachant que le but ici est la commercialisation, un autre défi majeur sera économique. » Ainsi la fusion nucléaire ne devrait-elle pas prendre une part significative dans la production d'électricité avant plusieurs décennies encore. « Mais ce moment que nous venons de vivre, c'est un peu le moment "wow". Celui à partir duquel je commence à penser que nous pouvons vraiment y arriver », conclut Maria Zuber.
Fusion nucléaire : les nouveaux supraconducteurs changeraient la donne
Espoir d'une énergie quasiment inépuisable, la fusion nucléaire repose sur des technologies encore en devenir. Les progrès pourraient s'accélérer, affirme une équipe du MIT lancée dans un projet baptisé ARC. La clé : une nouvelle génération de supraconducteurs qui permet de créer des champs magnétiques bien plus intenses, ce qui simplifierait la conception d'un réacteur.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 10/08/2015
Depuis plusieurs décennies, les scientifiques rêvent d'exploiter la fusion nucléaire, ce phénomène qui a lieu au cœur des étoilesétoiles, pour produire une énergie sûre, quasi inépuisable et presque propre. Grâce aux récentes avancées réalisées dans le secteur des technologies magnétiques, des chercheurs américains du MIT (Massachusetts Institute of Technology) estiment possible de construire un réacteur à fusion nucléaire compact en une petite dizaine d'années seulement.
Pour parvenir à leurs fins, ils ont employé de nouveaux supraconducteurs, déjà disponibles dans le commerce. Ces supraconducteurs à base d'oxyde de baryumbaryum, de cuivre et de terres raresterres rares, et baptisés Rebco (rare-earth barium copper oxide), se présentent sous forme de rubans. De quoi permettre aux chercheurs du MIT de fabriquer des bobines génératrices de champs magnétiques particulièrement intenses, suffisamment pour confiner du plasma, la clé d'un réacteur à fusion nucléaire. Ils ont baptisé leur projet ARC, pour affordable, robust, compact (abordable, robuste et compact). On ne peut pas manquer d'y voir un clin d'œilœil à la source d'énergie de l'armure d'Iron Man, le héros des bandes dessinées de Marvel Comics et des films éponymes.
Pour mieux comprendre, revenons aux bases physiques de la fusion nucléaire. Elle consiste à faire fusionner deux noyaux atomiques légers, des noyaux d'hydrogène en l'occurrence. Or, les noyaux sont électriquement positifs et deux charges de même signe ont la fâcheuse tendance à se repousser. Seules des températures extrêmes, qui se compteraient en millions de degrés, peuvent accélérer les noyaux au point de leur permettre de casser la barrière dressée par les forces électromagnétiques. Et, actuellement la plupart des scientifiques s'accordent à dire que la meilleure solution pour y parvenir est celle du tokamak, une sorte de boîte magnétique dans laquelle deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium et le tritium, seraient confinés et maintenus à une température de quelque 150 millions de degrés. À cette température, la matièrematière se présente sous la forme d'un plasma, un gaz extrêmement chaud et électriquement chargé. Un environnement favorable à la fusion nucléaire.
Comme Iter mais en mieux
Un prototype à grande échelle de ce type de réacteur est actuellement en cours de constructionconstruction à Saint-Paul-lez-Durance, en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le projet Iter vise à valider la faisabilité scientifique et technologique de l'énergie de fusion et à ouvrir la voie à son exploitation industrielle. Au cœur de ce réacteur seront produits des noyaux d'hélium, des neutrons et de l'énergie. Les noyaux d'hélium, chargés, resteront confinés dans le tokamak sous l'effet du champ magnétique. 80 % de l'énergie produite sera portée par les neutrons, insensibles au champ magnétique. Ceux-ci transféreront leur énergie sous forme de chaleur aux parois du réacteur. Une chaleur qui sera, par la suite, utilisée pour produire vapeur et électricité.
La solution proposée par les chercheurs du MIT pour ce projet ARC repose sur les mêmes principes physiques. Cependant, basée sur des champs magnétiques bien plus intenses, elle permet de diminuer la taille du réacteur et, partant, son coût. Elle permet aussi d'envisager d'autres avancées. Les scientifiques ont en effet établi qu'en doublant l'intensité du champ magnétique appliqué, l'énergie produite pouvait être multipliée... par 16 ! Avec un réacteur tel que cet ARC, l'énergie produite serait 10 fois supérieure à celle que l'on attend en utilisant des supraconducteurs classiques. Ainsi, un réacteur d'un diamètre deux fois plus petit que celui d'Iter pourrait produire tout autant d'énergie, pour un coût bien moindre et une duréedurée de construction plus courte, explique le communiqué du MIT. Rappelons tout de même que Iter n'est pas prévu pour produire de l'électricité mais pour valider des concepts techniques.
Parmi les autres avantages cités par l'équipe américaine : la possibilité de remplacer le cœur de fusion sans avoir à démanteler le réacteur tout entier. De quoi mener aisément des recherches plus poussées (matériaux, conception, etc.) dans le but d'améliorer encore les performances du système. De même, les matériaux solidessolides qui entourent habituellement ce type de réacteurs pourront être remplacés par un liquide qui pourra facilement être mis en circulation autour de la chambre de fusion et remplacé sans grand frais.
Pour l'heure, aucun réacteur de fusion n'a pu produire plus d'énergie qu'il n'en consomme. Or, dans sa configuration actuelle, ARC serait théoriquement capable de produire trois fois plus d'électricité que celle utilisée pour le faire fonctionner. Et les chercheurs du MIT assurent que ce rendement pourrait être encore doublé...