Si l'origine de la Lune à partir d'une collision violente entre la proto-Terre et une petite planète nommée Théia n'est plus guère contestée, les détails du scénario ne sont pas encore fixés. L'un d'eux prend plus de poids aujourd'hui, c'est-à-dire que l'on pense de plus en plus sérieusement que des restes très importants de Théia se trouvent en fait à la base du manteau de la Terre, sous la forme de régions où les ondes sismiques ont des vitesses anormales par rapport au reste du manteau.
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Rappelons quelques explications déjà données par Futura au sujet de la découverte de la théorie moderne de l'origine de la Lune. C'était il y a presque 50 ans, William K. Hartmann et Donald R. Davis publiaient alors dans le célèbre journal Icarus un article destiné à faire date.
Les deux hommes s'étaient inspirés des travaux concernant la formation des planètes du Système solaire, issus de l'école soviétique menée par Viktor Safronov. Les deux chercheurs disposaient aussi des données cosmochimiques fournies par les missions ApolloApollo et l'analyse des météorites trouvées sur Terre. En s'appuyant sur ces recherches, Hartmann et Davis avaient élaboré une théorie concernant l'origine de la Lune. Alastair G.W. Cameron et William R. Ward étaient également arrivés à des conclusions similaires au même moment.
Selon les travaux de ces quatre chercheurs, quelques dizaines de millions d'années après le début de la formation du Système solaire, il y a 4,56 milliards d'années, une petite planète de la taille de Mars et baptisée Théia, en souvenir de la divinité grecque mère d'Hélios (le SoleilSoleil) et de Séléné (la Lune), serait entrée en collision avec la proto-Terre. Les débris de cette collision auraient ensuite donné naissance à la Lune dans le disque formé autour de la jeune Terre. La mécanique céleste nous dit en effet qu'une collision est bien plus probable qu'une capture de la Lune par la Terre.
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La sismologie, une machine à remonter le temps dans l'histoire de la Terre ?
L'hypothèse n'eut pas vraiment d'écho dans la communauté scientifique jusqu'à ce qu'une conférence se tienne en 1984 à Hawaï sur l'origine de la Lune. Celle-ci donna lieu à la publication d'un livre en 1986 qui est devenu une référence en la matièrematière. Depuis lors, l'hypothèse de l'impact géant est devenue standard et de nombreuses simulations numériquessimulations numériques à son sujet ont vu le jour, notamment celle de Robin Canup dans les années 1990. Elles ont tout à la fois contribué à conforter cette théorie et à la rendre problématique.
Un nouveau rebondissement s'était produit il y a quelques années dans la saga de la théorie de l'origine de la Lune exposée dans la vidéo ci-dessus, comme Futura l'avait expliqué dans le précédent article ci-dessous. Le nouvel épisode, aujourd'hui publié dans Nature, prend là aussi racine dans les travaux du géophysicien Qian Yuan et ses collègues du célèbre Caltech, renommé pour ses prix Nobel de physiquephysique, comme Richard Feynman et Kip Thorne.
Tout repose sur l'identification au cours des années 1980 par les séismologues de deux régions à la composition et densité anormales, plus riches en ferfer, à la base du manteau de la Terre et qui se signalaient donc par des vitessesvitesses de propagation des ondes sismiquesondes sismiques tout aussi anormales, les fameuses grandes provinces à faible vitesse (large low-velocity provinces ou LLVP en anglais encore appelées Large low-shear-velocity provinces, LLSVP, que l'on traduit en français par province de basse vitesse des ondes S ou grandes provinces à faible vitesse de cisaillement).
De nouvelles recherches répondent à deux mystères de longue date de la science planétaire : que sont les mystérieuses « gouttes » géantes de matière proche du noyau terrestre, et qu’est-il arrivé à la planète qui s’est écrasée sur la Terre pour créer la Lune ? Une nouvelle étude de Caltech suggère que les restes de cette ancienne planète se trouvent toujours à l’intérieur de la Terre, expliquant les origines des « blobs » près de la limite noyau-manteau. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Caltech
De nouvelles simulations de la collision entre la Terre et Théia
L'une de ces LLSVP est sous le continent africain et l'autre sous l'océan Pacifique, chacune étant deux fois plus grande que la Lune. Le nouvel article publié renforce aujourd'hui l'idée que ces anomaliesanomalies ne sont rien de moins que des restes de Théia, restes qui sont plus importants qu'on ne pouvait le penser au départ, au point qu'ils constitueraient une large part de Théia.
Pour arriver à cette conclusion, Yuan et ses collègues ont conduit plusieurs simulations de la collision entre la proto-Terre et Théia permettant de mieux comprendre comment le mélange des matériaux des deux planètes s'est produit suite à la collision, tenant compte de différents scénarios concernant la composition chimique de Theia et son impact sur la Terre.
Il est apparu que si l'énergieénergie de l'impact avait bien fondu ce qui tenait lieu de manteau supérieur de la proto-Terre, le manteau inférieur était plus froid et moins fondu, ce qui aurait permis au cœur ferreux de Théia incorporé à la jeune planète - selon le scénario standard de collision - de ne pas complètement se mélanger au manteau ni de percoler en fusionfusion pour s'ajouter en entier au noyau de notre Planète. C'est ce qui aurait assuré la conservation des restes de Théia si les chercheurs ont bien raison quant à la nature des LLSVP.
Il sera intéressant de voir comment ce modèle modifie l'image et l'histoire de l'évolution de la Terre primitive avec notamment la mise en place de la tectonique des plaquestectonique des plaques de Jason Morgan et Dan MacKenzie.
Des restes de Théia sont-ils enfouis sous la surface de la Terre ?
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, publié le 28/03/2021
Théia, c'est le nom que les astronomesastronomes ont choisi pour désigner la protoplanète hypothétique qui aurait donné naissance à la Lune en entrant en collision avec la Terre. Le tout, il y a 4,5 milliards d'années. Aujourd'hui, des chercheurs émettent une folle hypothèse : les restes de Théia resteraient enfouis profondément dans le manteau de notre planète !
Il y a quelque 4,5 milliards d'années, une protoplanète entrait en collision avec la Terre. L'événement donnait naissance à la Lune. Les chercheurs s'accordent à peu près sur ce scénario. Mais aujourd'hui, coup de tonnerretonnerre, une équipe suggère que les restes de Théia - ladite protoplanète - pourraient être trouvés dans deux couches de roches de la taille d'un continent, enfouies profondément dans le manteau terrestremanteau terrestre.
Ces couches de roches sont connues des sismologuessismologues. Ils les appellent les grandes provinces d'anomalies des vitesses sismiques d'ondes de cisaillement (LLSVP). Car elles ralentissent brusquement les ondes sismiques qui les traversent. C'est cette observation qui leur a permis de conclure à la présence de ces deux massesmasses importantes, plus denses et chimiquement différentes du manteau environnant, quelque part à environ 2.900 kilomètres sous l'Afrique de l'ouest et l'océan Pacifique. Des sortes de continents qui s'étendent sur plusieurs milliers de kilomètres.
« L'idée folle que ces objets correspondent aux restes de Théia est au moins possible », a estimé Qian Yuan, géophysicien à l'université de l'État de l'Arizona (États-Unis) lors d'une conférence. Il a rassemblé plusieurs preuves qui tendent à le montrer.
Des preuves et des interrogations
Il y a d'abord ces éléments radioactifs trouvés en Islande et aux Samoa. Des éléments qui ne se sont formés que pendant les 100 premiers millions d'années de l'histoire de la Terre. Le lien avec les LLSVP ? Des panaches de magmamagma qui relient les LLSVP aux volcansvolcans des deux îles.
Il y a aussi la nouvelle image que les astronomes se sont faites de Théia, suite à une étude parue en 2019. Celle d'une protoplanète dépourvue d'eau et presque aussi grande que la Terre. Pour expliquer l'abondance d'hydrogènehydrogène léger dans les échantillons de roche lunaire ramenés par les missions Apollo. Une Théia plus massive que celle initialement imaginée par les astronomes permet d'expliquer les dimensions des LLSVP. Une telle protoplanète aurait aussi pu se séparer en un noyau appauvri en fer et un manteau riche en fer, environ 2 à 3,5 % plus dense que celui de la Terre. Rapidement après la collision, le noyau de Théia aurait fusionné avec celui de notre planète. Le matériaumatériau constituant son manteau, du fait de sa densité particulière, ne se serait pas mélangé au manteau terrestre et aurait fini « en tas », à proximité du noyau de la Terrenoyau de la Terre.
Mais tant que la structure exacte des LLSVP n'aura pas pu être établie de manière certaine, le doute subsistera. Des études suggèrent en effet qu'elles pourraient finalement être moins massives que les chercheurs le pensaient à l'origine. Et cela pourrait être difficile à faire correspondre avec une Théia de la taille de la Terre.
Peut-être les chercheurs trouveront-ils une réponse dans les échantillons de manteau lunaire que la NasaNasa espère aller chercher du côté du pôle sud de notre satellite naturel. Affaire à suivre...