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L'étude des météorites est indispensable pour comprendre l'origine des planètes du Système solaire, y compris, donc, celle de la Terre. Les spécialistes de la cosmogonie le savent bien, et depuis longtemps. Les plus anciennes météorites sont évidemment les plus intéressantes car elles nous donnent des renseignements précieux sur ce qu'il s'est passé dans le disque protoplanétaire, là où sont nées les planètes. Elles nous permettent aussi de mieux comprendre les évènements très primitifs qui ont eu lieu juste après la dissipation de ce disque, donnant alors un autre disque de débris dans lequel la formation planétaire s'est poursuivie avec des collisions de planétésimaux.
Les météorites les plus primitives sont des chondrites carbonées. L'une de ces mémoires du Système solaire les plus emblématiques est la météorite d’Allende, mais il est possible d'en citer d'autres, comme celle de Murchison. La matière retrouvée dans ces météorites n'a jamais dû être incorporée dans des planétésimaux et des protoplanètes de grandes tailles. En effet, ces derniers auraient alors subi un processus de différentiationdifférentiation analogue à celui ayant produit la croûtecroûte, le manteaumanteau et le noyau de la Terre. Cette matière n'a donc pas subi de fortes pressions, ni de fortes températures, ni de processus chimiques qui l'auraient conduite à devenir une sidérite ou l'équivalent d'une roche volcaniqueroche volcanique terrestre.
Des traces d’altération hydrothermale dans certaines météorites
L'étude des chondrites mène à plusieurs paradoxes qui laissent penser qu'elles ont tout de même été soumises à quelques transformations. On trouve par exemple des traces d'altération hydrothermale. De l'eau liquideliquide à une certaine température se serait donc trouvée dans les petits corps célestes constitués de matière chondritique.
Quelque part, cela n'est pas étonnant puisque ces corps se sont formés à partir des glaces, des poussières et des fameux chondreschondres présents dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire initial. Ils contenaient également des isotopesisotopes radioactifs en quantité plus importante qu'aujourd'hui, dont certains venaient tout juste d'être synthétisés (à l'échelle des processus astronomiques) suite à l'explosion en supernovasupernova de Coatlicue, l'étoileétoile mère du SoleilSoleil. La chaleurchaleur dégagée a donc dû modérément chauffer les petits corps célestes, faisant fondre la glace et provoquant ainsi des circulations d'eau plus ou moins chaudes, altérant les minérauxminéraux.
Les précurseurs des planétésimaux étaient peut-être des boules de boue chaudes en convection, comme celle représentée sur cette image issue d'une simulation. Les couleurs indiquent les températures en degrés Celsius. Les distances sont en fait données ici en kilomètres. © Planetary Science Institute
Des planétésimaux avec de la boue chaude en convection
Toutefois, ce scénario n'explique pas tout :
- Il aurait en effet dû exister un gradientgradient thermique dans ces premiers corps célestes et l'on devrait donc trouver des chondrites carbonées ayant subi des altérations à différentes températures. Or, tout indique que ces températures étaient peu élevées et presque partout les mêmes.
- Les spécialistes ne comprennent pas non plus pourquoi la composition chimique reste globalement uniforme, alors que plusieurs substances devaient être en solution et qu'elles auraient donc dû être transportées en conséquence, par exemple selon le gradient gravitationnel, et se concentrer dans les profondeurs des corps parents des chondrites. Les chondres eux-mêmes devraient refléter des distributions inhomogènes selon leurs tailles.
Philip Bland, de l'université Curtin, en Australie, et son collègue Bryan Travis, de l'institut de Sciences planétaires, en Arizona, pensent avoir trouvé une explication à toutes ces énigmes, comme ils l'expliquent dans un article de Science Advances. Le mélange initial des chondres, de la poussière et des gazgaz devait constituer un matériaumatériau peu compactifié et pas vraiment rocheux. Lorsque l'eau a commencé à fondre, ce matériau chondritique aurait alors plutôt donné des sortes de boules de boue légèrement chaudes. Cette boue serait entrée en convectionconvection, comme le montrent des simulations sur ordinateurordinateur effectuées avec un modèle numériquemodèle numérique appelé Mars and Asteroids Global Hydrology Numerical Model (Maghnum).
La convection, par sa nature même, aurait donc assuré une homogénéisation des températures, de la composition chimique et de la distribution des tailles de chondres. Ce ne serait que plus tard, quand les températures auraient baissé et que ces boules de boue se seraient agglomérées du fait des collisions pour donner des planétésimaux de tailles moyennes, que le refroidissement et l'augmentation des pressions auraient permis de former le matériau chondritique rocheux que l'on connaît actuellement sur Terre et qui provient de la fragmentation des plus anciens astéroïdes encore présents dans le Système solaire. Nous en saurons sans doute plus à ce sujet avec l'exploration et l'exploitation intensive des astéroïdes qui aura peut-être lieu d'ici une cinquantaine d'années.
Ce qu’il faut
retenir
- Les chondrites carbonées sont la mémoire du Système solaire. Elles nous renseignent sur sa formation. Ces corps célestes sont nés de l'accrétion de blocs rocheux constitués d'un mélange de glace, de poussières et de chondres (des petites billes de liquide silicaté refroidi).
- Ces météorites contiennent des traces d'altération hydrothermale. Cela signifie que les premiers planétésimaux (larges de plusieurs dizaines à centaines de kilomètres et à l'origine des planètes) ont peut-être été, temporairement, des boules de boue chaudes en convection.