Le budget total de la mission internationale de retour d'échantillons martiens de la Nasa et de l'ESA (MSR) pourrait atteindre 11 milliards de dollars selon le rapport de la dernière revue indépendante commandée par la Nasa et publié le 21 septembre dernier. Il pointe également l’absence de viabilité de l’architecture de la mission s’appuyant sur les financements actuels, et met en doute la crédibilité du coût et du calendrier. Étonnamment, la mission ExoMars de l’Agence spatiale européenne pourrait en faire les frais ! Nos explications.
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Selon un rapport d'un panel d'experts présidé par Orlando Figueroa, ancien directeur de l'exploration de Mars à la Nasa, publié le 21 septembre, le budget et le calendrier actuels de la mission internationale de retour d'échantillons martiensretour d'échantillons martiens de la Nasa et de l'ESA (MSR) sont tout simplement « irréalistes en l'état » ! En conséquence, la Nasa a annoncé le report des prochaines phases de développement de MSR, notamment celui d'une revue de confirmation du budget prévue à l'automneautomne qui devait statuer sur la suite à lui donner.
À sa place, une équipe dirigée par Sandra Connelly, administratrice associée adjointe de la Nasa pour la science, examinera en détail ce rapport et fera d'ici mars 2024 une ou plusieurs recommandations sur l'avenir du MSR « dans le cadre d'un programme scientifique global équilibré », tient-elle à souligner. Si le risque d'un report de la mission de plusieurs années est bien réel, tout comme celui d'une nouvelle architecture, il parait très peu probable que la Nasa décide de l'annuler. Une augmentation du budget alloué à la mission est également guère réaliste car cela se ferait au détriment d'autres missions en développement.
Des experts indépendants sceptiques sur la configuration actuelle de la MSR
Ce rapport considère que deux des éléments principaux de la mission, le Sample Retrieval Lander de la Nasa et l'Earth Return Orbiter de l'ESA, dont les lancements sont prévus respectivement en 2027 et 2028, ne puissent être livrés dans les délais prévus. Les experts ont aussi souligné que le conteneur d'échantillons martiens (Orbiting Sample) qui sera amené en orbite pour y être récupéré par le satellite qui le ramènera sur Terre, suscite de nombreuses interrogations. Et non des moindres. Pour les experts, l'absence d'une conception bien définie du conteneur impacte et contraint de nombreux systèmes de MSR, et pourrait poser problème. Elle interroge sur le bon dimensionnement du conteneur par rapport aux règles de la protection planétaire.
Des coûts qui s'envolent
Quant au coût de la mission, il est devenu exorbitant, bien loin des projections initiales. En 2020, un rapport indépendant estimait le coût total de la mission entre 3,8 et 4,4 milliards de dollars ; ce qui, à l'époque, était déjà une augmentation significative par rapport à ce qui était prévu. Cet été, un rapport l'a estimé entre 8 et 9 milliards de dollars. Aujourd'hui, sur la base de ce dernier rapport, MSR est estimé entre 8 et 11 milliards de dollars, ce qui est nettement plus élevé que prévu sur la base des projections budgétaires de la Nasa. Concrètement, l'architecture de référence actuelle n'est pas viable dans le cadre du financement proposé par la Nasa. Si la Nasa et l'ESA décidaient de modifier cette architecture, il n'est pas certain que le coût de la mission deviendrait « raisonnable ».
Une mission jugée d'un très grand intérêt scientifique
Malgré ces problèmes techniques et programmatiques, l'examen a rappelé la valeur scientifique du MSR. Le rapport a recommandé à la Nasa de trouver un moyen de retourner tous les échantillons collectés jusqu'à présent par PerseverancePerseverance, et pas seulement les 10 échantillons du dépôt de Three Forks plus tôt cette année en tant que site de secours. Les échantillons de ce dépôt sont certes d'un très grand intérêt scientifique, mais ils « ne représentent pas la pleine diversité des environnements géologiques rencontrés tout le long de la traversée du rover qui pourraient préserver les signes de vie ». Les 20 échantillons à bord du rover Perseverance sont, quant à eux, d'une très grande valeur scientifique, « bien plus élevée que ceux du dépôt de Three ForksForks ».
Quel avenir pour la mission ExoMars de l’ESA ?
Dans ce contexte de très grande incertitude sur le financement de cette mission de retour d'échantillons martiens, jugée prioritaire par la Nasa, la mission ExoMarsExoMars de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) pourrait en faire les frais. En effet, depuis l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, l'ESA a cessé toutes ses coopérations avec la Russie. Les instruments russes à bord du rover ont donc été retirés et la plateforme d'atterrissage Kazachok dotée de 13 instruments scientifiques -- qui ne sont pas tous russes -- et qui devait déposer le rover sur la planète Mars, ne sera pas utilisée.
Enfin, c'est un lanceur ProtonProton qui devait envoyer ExoMars sur la Planète rouge. Pour remplacer les Russes au pied levé, des discussions ont été engagées avec la Nasa pour voir comment les Américains pourraient sauver la mission. En effet, l'ESA n'a pas le financement nécessaire pour remplacer les instruments retirés, développer un système d'atterrissage, et si un jour Ariane 6 voit le jour, la disponibilité de ce lanceur sera très incertaine pendant la période envisagée pour lancer la mission.
Les discussions avec les Américains portent sur une contribution significative à travers plusieurs équipements majeurs, dont des éléments chauffants radioactifs (RadioisotopeRadioisotope Heater Units), le système de propulsion de la plateforme d'atterrissage et le lanceur. Côté américain, la facture s'élèverait à au moins 500 millions de dollars ! La Nasa devrait donner sa réponse d'ici la fin de l'année.