L'astronomie moderne s'apprête-t-elle à franchir une étape significative en ouvrant une fenêtre sur la période de l'Univers la plus énigmatique, celle des Âges sombres ? « Oui » veulent croire la Nasa et les scientifiques de la mission LuSEE-Night. Cette mission de démonstration de technologie pour un radiotélescope lunaire comporte un volet scientifique pour tester deux paires d'antennes conçues pour capter des fréquences supposées avoir été émises durant cette période des Âges sombres.

 


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    Comme nous l'explique Jean Schneider, chercheur à l'Observatoire de Paris, pour avancer dans « les grandes questions de l'astronomie, comme la vie sur certaines exoplanètes ou la matière sombre, il faudra à terme une grande résolutionrésolution angulaire, un miroir de grande surface et l'accès à tout le spectre optique ». Si les futurs observatoires géants en cours de constructionconstruction sur Terre « permettront de nombreuses avancées scientifiques », la Lune, avec ses conditions uniques, est également un lieu idéal où installer un observatoire car il sera possible de « réaliser des observations infaisables depuis la Terre ». L'absence d'atmosphèreatmosphère autour de la Lune « permet d'accéder à toute la bande spectrale » et sa faible gravitégravité « facilitera l'installation de très grands instruments et jouera sur leur longévité par la possibilité de les réparer et les améliorer sur place », tient à préciser Jean Schneider.

    Si, dans le cadre de l'appel à idées « Voyage 2050 » de l'ESAESA, Jean Schneider milite pour « l'installation d'un télescope géant sur la face cachée de la Lune, fonctionnant dans le visible et l'infrarougeinfrarouge », la NasaNasa a fait le choix d'orienter ses efforts dans le développement de technologies utiles à l'installation d'un radiotélescoperadiotélescope.

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    L'astronome Jean Schneider nous détaille le projet d'un télescope géant sur la Lune

    Une mission et un projet précurseurs

    Avant d'envisager l'installation d'un observatoire sur la Lune, plusieurs missions précurseuses seront essentielles pour valider plusieurs technologies qui seront nécessaires à son fonctionnement. Sans surprise, les Américains sont les plus avancés dans ce domaine et parmi les projets à l'étude, on citera la mission LuSEE-Night. Financée par la Nasa et le Département de l'énergieénergie, cette mission inédite sur la Lune a pour but de tester plusieurs technologies qui pourraient servir à un radiotélescope lunaire. Concrètement, elle testera deux paires d'antennes radio et des batteries pour voir si elles peuvent fonctionner efficacement dans les conditions glaciales de la nuit lunaire où la température peut atteindre les -170 degrés Celsiusdegrés Celsius.

    Deux paires d’antennes pour révolutionner l’astronomie moderne

    Cette mission n'est pas seulement un démonstrateurdémonstrateur de technologies. Elle a aussi un très grand intérêt scientifique car ces paires d'antennes, longues de 6 mètres une fois déployées, devraient permettre de détecter les ondes radio des Âges sombres. C'est du moins tout le pari de l'équipe scientifique des antennes du Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab).

    Comme l'explique Kaja Rotermund, chercheuse postdoctorale au Berkeley Lab, qui travaille sur les antennes, cette mission doit montrer si « nous pouvons faire ce genre d'observations à partir d'un endroit où nous n'avons jamais été, et aussi pour une gamme de fréquencesfréquences que nous n'avons jamais été en mesure d'observer ». Tout l'enjeu de cette expérience est de voir si LuSEE-Night pourra « capter des fréquences comprises entre 0,5 et 50 mégaHertz » qui sont celles dans lesquelles on s'attend à ce que rayonne cette période.

    Nous pouvons faire ce genre d'observations à partir d'un endroit où nous n'avons jamais été, et aussi pour une gamme de fréquences que nous n'avons jamais été en mesure d’observer

    Sur Terre, l'atmosphère et les interférencesinterférences radio terrestres rendent impossible la réceptionréception de ces fréquences, ce qui n'est évidemment pas le cas sur la face cachée de la Lune, qui bloque les ondes radio émises depuis la Terre, d'où le choix de ce lieu particulier. Cela dit, l'équipe scientifique du projet, consciente que LuSEE-Night « est avant tout une mission technologique », souligne « qu'un télescopetélescope plus grand et plus sensible que les antennes de LuSEE-Night pourrait être nécessaire pour détecter des informations des Âges sombresÂges sombres ».

    Formation de l'Univers, Âges sombres, premières étoiles et galaxies, réionisation : les principales périodes de l'Univers résumées en un schéma. © Nasa, WMAP <em>Science team</em>
    Formation de l'Univers, Âges sombres, premières étoiles et galaxies, réionisation : les principales périodes de l'Univers résumées en un schéma. © Nasa, WMAP Science team

    Voir les 400 millions d'années dans l'histoire de l'Univers que nous n'avons jamais vus

    Les Âges sombres sont une période de l'histoire de l'UniversUnivers commençant il y a près de 13,4 milliards d'années seulement, très peu de temps après que le Big BangBig Bang (environ 300 000 années) débute après la diffusiondiffusion du rayonnement cosmique, lorsqu'il apparait chaud et opaque. Ils se terminent avec l'émergenceémergence des premiers objets lumineux quand se forment les premières étoilesétoiles et galaxiesgalaxies. On sait peu de choses sur cette période. Tout ce qui s'est passé avant est masqué à jamais par ce « murmur » complètement opaque.

    Cette mission sera lancée en 2025 à bord de l'atterrisseur commercial Blue Ghost de Firefly Aerospace. On s'attend à ce qu'elle fonctionne pendant au moins 18 mois, ce qui permettra de vérifier le bon fonctionnement des batteries lors des nuits lunaires qui, rappelons-le, durent environ deux semaines. Pour relayer ces données et communiquer avec la Terre, LuSEE-Night devra utiliser un satellite-relais.