L'Agence spatiale européenne développe Argonaut, un atterrisseur lunaire autonome et polyvalent offrant une capacité de charge utile significative. Sa première mission est prévue en 2031. Ce projet pourrait également être l'une des trois propositions offertes à la Nasa en échange de la participation d'un astronaute européen à une mission lunaire.
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L'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) a amorcé le développement du programme Argonaut, un atterrisseur lunaire polyvalent, autonome et de forte capacité. Bien que ce projet ne soit pas encore complètement financé, l'ESA, par l'intermédiaire de son directeur de l'exploration, vient d'annoncer qu'une première mission devrait avoir lieu en 2031.
Avec une capacité d'emport de plus ou moins 1 700 kilos de charge utile, ce futur véhicule se différencie nettement de la multitude de projets de sociétés privées américaines qui développent des atterrisseurs lunaires de 150 à 200 kilos de charges utiles, dans le cadre du programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS) de la Nasa.
Un véhicule pour diverses missions
Il sera lancé par Ariane 6 dans sa version quatre boosters et capable de rejoindre n'importe quelle région de la Lune, dont le pôle Sud où se concentrera l'essentiel des activités humaines. Il est conçu pour réaliser une grande variété de missions de logistique et transporter sur la Lune des consommables pour des astronautes (eau, nourriture), du fret, des instruments scientifiques mais aussi un rover. Il sera également utilisé pour amener sur la Lune une station qui produira sa propre énergieénergie pour ensuite la distribuer le jour, mais aussi pendant les nuits lunaires.
L'Agence spatiale européenne prévoit de réaliser cinq missions au cours de la décennie 2030 avec des duréesdurées d'une semaine à un mois entre le lancement et l'atterrissage sur la Lune. Notez que cet atterrisseur lunaire ne sera pas réutilisable.
Sa conception comprend trois principaux composants : un élément de descente, une partie où seront logées les charges utiles ainsi qu'une plateforme de chargement pour faciliter les opérations. En outre, un contrat a été attribué à Redwire Corporation pour développer un bras robotiquerobotique qui soutiendra les opérations logistiques d'Argonaut en chargeant, récupérant et positionnant des équipements sur la surface de la Lune.
Un des trois programmes en échange d'un Européen sur la Lune
L'Agence spatiale européenne se prépare à entamer des négociations avec la Nasa pour garantir la présence d'un astronaute européen sur la Lune. Dans ce contexte, le programme Argonaut était envisagé comme une proposition de coopération que l'ESA souhaite offrir en échange de la présence d'un Européen sur la Lune dès le début des années 2030, notamment pour soutenir la logistique des missions Artemis.
Consciente que le programme Argonaut pourrait ne pas être suffisant pour convaincre la Nasa, l'ESA envisage deux autres contreparties possibles. Il s'agit d'installer une horloge atomiquehorloge atomique sur la Lune pour coordonner le temps lunaire, ainsi que de développer une capacité inédite et remarquable pour ramener des échantillons lunaires cryogéniques, c'est-à-dire conservés à des températures extrêmement basses, inférieures à -270 °C.
Des décisions fortes sont attendues sur ces trois sujets lors de prochaine réunion ministérielle prévue en 2025. La Nasa, qui est train de réexaminer la séquence Artemis, sera certainement attentive à ce qui en découlera. Cela dit, s'il ne fait aucun doute que l'ESA et la Nasa trouveront un terrain d'entente, il faut savoir que la Nasa a récemment annoncé qu'un astronaute japonais serait le premier non-Américain à marcher sur la Lune et qu'elle discute également avec son homologue canadien sur ce sujet.
Un concept inédit de l'ESA pour l'exploration robotique de la Lune
Article de Remy Decourt, publié le 16/10/2020
L'ESA ne veut pas seulement aller autour de la Lune. Elle souhaite également s'y poser. D'où sa décision de financer l'étude d'un alunisseur multi-rôle capable de transporter jusqu'à 1,7 tonne de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire. Intéressons-nous au concept d'Airbus avec Didier Schmitt, coordonateur pour les activités d'exploration robotique et humaine à l'Agence spatiale européenne.
Dans le domaine de l'exploration humaine, après avoir tout misé, pendant ses deux dernières décennies, sur le programme de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale, l'Agence spatiale européenne vise la Lune et Mars. Aujourd'hui, sur « les nouveaux contrats dédiés à l'exploration, 60 % sont consacrés aux programmes lunaires, 30 % à la Planète rouge et 10 % pour financer les derniers développements et programmes de maintenance de l'ISS », nous explique Didier Schmitt coordonateur pour les activités d'exploration robotique et humaine à l'Agence spatiale européenne. Pour l'Agence spatiale européenne et les industriels de ses États membres, c'est « un changement très significatif après avoir tout misé sur l'orbiteorbite basse ».
Comme l'explique David Parker, directeur de l'exploration humaine et robotique à l'ESA, « la prochaine décennie sera celle de l'exploration vers l'espace profond, au-delà de l'orbite de la Station spatiale internationale avec, pour la première fois, des astronautes de l'ESA qui travailleront en orbite lunaire ».
Cette incursion dans le « deep space » est un bond en avant énorme que l'Europe s'apprête à faire. Les technologies nécessaires pour vivre et travailler sur la Lune, puis dans un avenir proche sur Mars, ne sont évidemment pas les mêmes que celles nécessaires pour occuper l'orbite basse. Pour comprendre la difficulté de la tâche, on peut résumer la situation en disant « qu'aller sur la Lune, c'est mille fois plus loin qu'aller sur la Station spatiale internationale et un million de fois plus loin pour rejoindre Mars », souligne Didier Schmitt.
Un projet soumis à rude concurrence
Concernant la Lune, l'Agence spatiale européenne a profité de l'édition 2020 du Congrès international d'astronautiqueastronautique (IAC) pour annoncer avoir sélectionné Airbus Defense and Space et Thales Alenia Space pour deux études parallèles pour l'alunisseur logistique lourd européen (European Large Logistics LanderLander, EL3). Dans cette étude (phase A/B1), Airbus développera « le concept d'un alunisseur multi-rôle capable de transporter jusqu'à 1,5 tonne de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire ». Les vols de l'EL3 devraient commencer à la fin des années 2020, avec une cadence de missions s'étalant au cours de la décennie suivante et au-delà.
Pour le moment, il ne s'agit que d'une étude assez approfondie sur 2 ans et dotée d'un budget qui pourrait atteindre 30 millions d'euros. Ce n'est seulement que lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres de l'ESA, actuellement prévue fin 2022, que les États membres « décideront de financer le développement de cet atterrisseur lunaire polyvalent, ou d'abandonner ce projet au profit d'un autre qui pourrait être un véhicule de transfert cis-lunaire, dérivé de l'ATVATV, pour ravitailler le GatewayGateway (étude CLTV) ».
Cela dit, ce projet sera soumis à rude concurrence. Il y a trop de projets bien avancés de véhicules pour ravitailler le Gateway dont le futur HTV-XHTV-X de la Jaxa qui sera la contribution japonaise au Gateway ainsi que quelques sociétés privés américaines dont SpaceXSpaceX avec une version évoluée du Dragon (Dragon XL).
Basé sur un élément d'alunissage générique avec un adaptateur multi-cargo, l'EL3 pourrait subvenir à toute une série d'activités lunaires, notamment : le soutien logistique pour des missions avec équipage sur la Lune (camp de base Artemis), des missions scientifiques avec des rovers et des charges utiles statiques, ou une mission de retour d'échantillons. À plus long terme, une version réutilisable de l'EL3 est possible. Avant de retourner sur Terre, l'EL3 irait se docker au Gateway et faire le plein au module Esprit. Pour l'instant, « ce n'est pas une option à l'étude ».
Un lander lunaire d'une grande autonomie de navigation
Si Airbus et Thales ont une grande liberté pour le design et le choix des technologiques, l'ESA impose tout de même quelques contraintes dont trois sont « impératives » :
- EL3 doit être lancé exclusivement par Ariane 64 (la version la plus puissante d'Ariane 6Ariane 6) depuis Kourou en tant que charge utile unique pouvant peser jusqu'à 8,5 tonnes. L'ESA ne veut pas dépendre d'un lanceurlanceur commercial : « Cela implique des efforts très significatifs sur la massemasse à vide de l'alunissseur ».
- EL3 doit pouvoir atterrir dans un environnement « humain », c'est-à-dire à proximité immédiate du camp de base Artemis ou d'un groupe d'astronautes en exploration pour livrer du fret, des expériences scientifiques, des consommables : «Cela nécessite un atterrissage de précision ».
- EL3 doit être complètement autonome mais ouvert à la coopération internationale le moment venu, c'est-à-dire que l'ESA doit pouvoir faire seule ses propres missions scientifiques, voire du retour d'échantillons lunaires.
Comme le met en avant Airbus dans son communiqué de presse, l'atterrissage de précision de EL3 est l'un des principaux points durs. Airbus prévoit d'utiliser des techniques de navigation visuelle -- qu'elle a développées pour l'ATV qui ravitaillait l'ISS -- afin d'obtenir une précision d'alunissage sans précédent.
De plus, EL3 sera équipé d'un « système autonome d'évitement et de détection des risques. Ce système balayera le site d'alunissage à la recherche de dangers potentiels (petits rochers, cratères ou faux plats) qui sont trop petits pour être identifiés par les satellites de télédétection. Sur la base de cette évaluation autonome des dangers, le site le plus sûr à proximité sera identifié et l'alunisseur sera guidé vers cet endroit ».
Le très sophistiqué système d'alunissage Pilot (Precise and Intelligent Landing using Onboard Technologies) qu'Airbus réalise pour la mission russe Luna-27 pourra servir de banc de test en quelque sorte. En effet, Pilot doit permettre un atterrissage de précision en autonomieautonomie complète. Ce système met en œuvre des technologies de navigation ainsi que de détection et d'évitement de situations dangereuses qui pourraient être adaptées à EL3.
L'autre point dur concerne la propulsion et plus particulièrement les moteurs pour freiner lors de l'alunissage. L'adaptation de moteurs existants est la solution la plus pertinente car développer de nouveaux moteurs serait onéreux et prendrait 10 ans...
Cet alunisseur logistique lourd européen qui livrera des charges utiles scientifiques ou logistiques sur la Lune, dont certaines missions seront réalisées dans le cadre de la mission Artemis de la Nasa, n'est évidemment pas un « lander lunaire de plus ». Avec une capacité d'emport d'1,5 tonne de charge utile, cet atterrisseur se différencie nettement de la multitude de projets de sociétés privés américaines qui développent des atterrisseurs lunaires de 50 à 100 kgkg de charges utiles, dans le cadre du programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS) de la Nasa. Ce programme a pour objectif de sous-traiter auprès de sociétés privées le transport d'instruments scientifiques sur le sol lunaire.