Doté de capacités d'atterrissage autonome de haute précision, l’atterrisseur lunaire Argonaut de l’Agence spatiale européenne ouvre de nouvelles perspectives pour l'exploration lunaire. Nous avons interviewé le professeur Hichem Snoussi de l’université de Technologie de Troyes, qui mène un projet visant à intégrer l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique dans le système d’atterrissage de ce lander lunaire.


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    Dans le domaine de l'exploration lunaire, l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) projette de développer Argonaut, un atterrisseur lunaire autonome et polyvalent, capable de transporter une charge utile significative de plus de deux tonnes. Ce projet se distingue des initiatives de sociétés privées américaines, qui se concentrent sur des atterrisseurs d'une capacité de 150 à 200 kilos de charge utile dans le cadre du programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS) de la Nasa.

    Cet atterrisseur sera conçu pour effectuer une grande variété de missions logistiques. Il pourra transporter des consommables pour les astronautes (eau, nourriture), du fret, des instruments scientifiques et même un rover. De plus, cet atterrisseur jouera un rôle crucial dans l'établissement d'une station lunairestation lunaire capable de produire et de distribuer de l'énergie, tant durant le jour que pendant les nuits lunaires.

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    Pour assurer la présence d'un astronaute européen sur la Lune, l'ESA se prépare à entamer des négociations avec la Nasa. Le programme Argonaut est envisagé comme une proposition de coopération pour soutenir la logistique des missions Artemis en échange de la présence d'un Européen sur la Lune au début des années 2030.

    Autonomie et précision de l’atterrisseur

    Pour convaincre la Nasa, l'atterrisseur Argonaut doit démontrer des capacités d'atterrissage autonome d'une grande précision, assurant ainsi des atterrissages sans incidents sur des terrains encombrés.

    Pour relever ce défi, l'ESA a fait appel à l'expertise de l'alliance EUT+, qui regroupe neuf universités européennes, dont l'université de Technologie de Troyes. Le professeur Hichem Snoussi y mène un projet visant à intégrer l'intelligence artificielleintelligence artificielle et l’apprentissage automatique (machine learningmachine learning) pour optimiser la sécurité des atterrissages lunaires.

    Concept d'alunisseur logistique lourd européen (EL3) capable de transporter plus de deux tonnes de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire. Ce lander pourrait être utilisé dans le cadre de la mission Artemis de la Nasa ou pour des missions scientifiques propres à l'ESA. © ESA, ATG-Medialab
    Concept d'alunisseur logistique lourd européen (EL3) capable de transporter plus de deux tonnes de fret vers n'importe quel endroit de la surface lunaire. Ce lander pourrait être utilisé dans le cadre de la mission Artemis de la Nasa ou pour des missions scientifiques propres à l'ESA. © ESA, ATG-Medialab

    Détection des dangers lunaires

    Comme l'explique le professeur Snoussi, se « poser en toute sécurité sur la Lune constitue un défi technique majeur ». On citera en exemple les échecs à l'atterrissage de la sonde indienne Vikram (septembre 2019), la japonaise Hakuto-R (avril 2023) ou encore la russe Luna 25 en août 2023.

    Pour garantir un atterrissage sans heurts à Argonaut, « notre projet vise à développer une intelligence artificielle capable de détecter en temps réel les dangers sur la surface lunaire grâce à l'analyse d'images capturées par les caméras et un LidarLidar à bord du cargo ». L'approche adoptée repose sur des « techniques d'apprentissage avancées, notamment le zero-shot learning qui utilisera un modèle pré-entraîné adapté à la surface lunaire ».

    Notre projet vise à développer une intelligence artificielle capable de détecter en temps réel les dangers sur la surface lunaire grâce à l’analyse d’images capturées par les caméras et un Lidar à bord du cargo

    Contrairement aux méthodes traditionnelles, « qui nécessitent des millions de données annotées manuellement », cette technique permet à « l'IA d'identifier des dangers à partir d'images existantes sans nécessiter de classification humaine préalable. Cela réduit le travail d'annotation « tout en améliorant la précision de la détection des anomaliesanomalies, telles que les cratères ou les rochers dissimulés sous des ombres lunaires ».

    Concrètement, les algorithmes de ce système « qui fonctionnera de manière autonome » sont conçus pour « identifier des objets normaux, détecter des anomalies sur la surface lunaire, mais également éliminer les fausses alarmes ». La capacité de détection est optimisée à « partir d'une altitude de plusieurs dizaines de kilomètres, ce qui nous parait suffisant pour garantir un atterrissage sans risque sur le terrain visé ».

    En conclusion, le professeur Hichem Snoussi souligne que l'objectif de cette collaboration est de fournir une solution robuste aux défis que pose la surface lunaire afin de « réduire les risques d'échec lors des atterrissages lunaires et permettre à terme des missions habitées plus sûres et plus efficaces ». En développant cette technologie, « nous ne faisons pas seulement un pas vers la sécurité des atterrissages lunaires, mais nous ouvrons également la voie à de futures explorations audacieuses de l'espace », tient-il à préciser. En effet, si ce système pourrait aussi servir à « la navigation sur la Lune en détectant les obstacles et les cratères, facilitant ainsi leur exploration et visite et permettre, par exemple, la collecte d'échantillons provenant de divers sites lunaires », cette technologie pourrait tout aussi bien être « adaptée à des missions sur Mars ».